Le comité de distorsion est appelé à disparaître du ministère de l’Agriculture. Créé en 2004 sur le papier, inauguré en 2006, il n’a accompli que quelques missions en 2007… Mais au-delà se pose la question de la distorsion de concurrence : est-ce un sujet à ranger au placard ?
Le site Acteurs Publics a publié la liste (lien en fin d’article) des 101 comités Théodule appelés à disparaître selon la volonté de simplification et d’économie financière voulue par le gouvernement (pour mémoire, on appelle « comité Théodule » toutes ces instances créées un jour et pérennisées au-delà de toute activité réelle). Trois d’entre eux concernent l’agriculture : le Conseil stratégique de l’agriculture et de l’agro-industrie durables ; la Commission de conciliation des litiges dans le secteur du lait (dont la suppression serait envisageable au moment de la disparition des quotas laitiers) ; et le Comité de distorsion.
Le premier n’est pas vraiment connu, y compris sous les initiales de CSAAD. On trouve trace de sa première réunion publique en 2009 (lien en fin d’article)… Et de pas grand-chose d’autre. On peut donc estimer que ce choix est légitime. Concernant la commission de conciliation des litiges dans le lait, j’ai du mal à comprendre en quoi l’arrêt des quotas rend son action inutile : ou elle sert aujourd’hui et devrait donc servir demain, ou elle est inutile dès aujourd’hui, me semble-t-il. Quel rapport entre son action et les quotas ? Mais je manque d’informations sur elle, je n’ai pas trouvé grand-chose sur le net.
Mais le cas qui me paraît le plus intéressant à développer est celui du comité de distorsion. Il a été créé dans le cadre d’une loi agricole de 2004, inauguré en 2006 avec Jacques Le Guen, député breton de la majorité d’alors, comme président. J’ai appelé Jacques Le Guen pour lui demander les raisons qui avaient poussé à créer ce comité, et les raisons de son non fonctionnement supposé aujourd’hui. « La distorsion de concurrence, c’est un vrai sujet, a-t-il déclaré à WikiAgri. L’idée à l’origine de la création de ce comité était d’observer des zones de distorsion, de les inspecter, et d’alerter les pouvoirs publics et les députés européens. Par exemple, quand on décide de réduire le taux de certains produits que l’on estime dangereux, mieux vaut que cela soit harmonisé avec nos voisins de façon à ne pas avoir le même produit plus dangereux sans doute, mais aussi plus efficace, par exemple en Espagne, que chez nous. Il en va de même sur le coût du travail de la main-d’oeuvre, par exemple dans les abattoirs. Ces sujets posaient problèmes au moment de la création du comité… Ils en posent toujours aujourd’hui d’ailleurs. Malheureusement, après 2007 avec le changement de pouvoir, on m’a enlevé la présidence de ce comité, et je n’ai pas été remplacé. Son action s’est donc arrêtée cette année-là.«
De ce témoignage, on comprend plusieurs aspects sur la question. D’abord, le « comité Théodule » en question ne coûte pas un centime, déjà, depuis 2007, puisque son fonctionnement s’est arrêté cette année-là. Le supprimer est donc une simplification administrative, mais ne correspond pas à une économie financière.
Ensuite, le choix de comité de distorsion comme simplification pose aussi la question de la prise en compte de la distorsion de concurrence aujourd’hui. Ce comité n’a pas fonctionné longtemps, soit. Mais les questions posées à sa création ont-elles pour autant trouver réponses ? N’existe-t-il plus aujourd’hui de distorsions de concurrence à l’intérieur même de l’Europe sur (juste pour citer quelques exemples) les engrais homologués et les quantités utilisées, le coût du travail, les saisonniers… ? Ne serait-il pas souhaitable qu’une instance (que ce ne soit pas celle-ci, peu importe, puisqu’elle ne fonctionnait plus), quelle qu’elle soit et dépendant ou non du ministère de l’Agriculture, se penche sérieusement sur le sujet, liste les cas, et émette des avis sur les objectifs des négociations à mener avec les pays concernés ?
En enterrant définitivement ce comité, le risque est aussi que ce problème réel, nuisant à la compétitivité de bien des exploitations toutes cultures confondues, ne soit plus soulevé du tout.
D’où ma question : existe-t-il une solution de substitution ?
Et vous, qu’en pensez-vous ? Pour en débattre, rendez-vous ci-dessous dans l’espace « Ecrire un commentaire ».
En savoir plus : http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Synthese_Rencontre_publique_CSAAD_-_28_janvier_2009.pdf (unique réunion répertoriée sur internet du CSAAD) ; http://static.acteurspublics.fr/all/uploads/file/2013/04/05/liste-commissions-supprimees.pdf (la liste des comités Théodule que devrait supprimer le gouvernement selon Acteurs Publics).
Ci-dessous : photo de Jacques Le Guen (issue du site du conseil régional de Bretagne où il siège aujourd’hui, il n’est plus député depuis 2012).
Ci-dessous : l’article du code rural indiquant ce qu’est le comité de distorsion. Qu’il disparaisse parce qu’il ne fonctionne plus, soit. Mais ce qu’il propose ne correspond-il pas, encore auourd’hui, à des besoins de la profession agricole ?
Photo en médaillon : l’utilisation des phytosanitaires, pour citer un exemple, n’est pas la même partout en Europe (crédit photo : Tecnoma).
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A propos de votre article, nous avons écris un post qui le prolonge sur notre blog : http://www.engrais-agriculture.fr/developpement-durable-de-la-filiere-agricole/gustave-theodule-hippolyte-et-les-autres-lessentiel-de-laccessoire/
Bien à vous
l’UNIFA