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Célébrée chaque année le 2 février, cette journée commémore la signature de la convention sur les zones humides, ratifiée le 2 février 1971 à Ramsar. En 2014, le thème choisi est « zones humides et agriculture, cultivons le partenariat ! ».
Beaucoup y voient le mariage de la carpe et du lapin ! Comme un couple improbable … alors que zones humides et agriculture forment bien un couple évident pour qui veut bien se plonger dans notre histoire et dans la logique de la présence de l’homme sur nos territoires : l’homme et la nature se nourrissent mutuellement et n’existent qu’en raison des alliances qui se créent. Notre biodiversité, nos territoires sont riches de cette histoire millénaire et ne font que refléter des choix, en particulier culturels, réalisés à un moment par la société. Enlever les hommes des zones humides et elles se transformeront, se fermeront et ne ressembleront plus à ce que nous connaissons. Enlever les hommes qui vivent des zones humides de leurs terres de vie, et ils perdront une partie de leur être.
Cette fameuse convention « Ramsar » est une convention relative aux zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau. Elle est la première convention internationale à avoir mis en avant la nécessité de protéger les habitats des espèces pour permettre leur sauvegarde. La convention de Ramsar est arrivée à une époque où les zones humides subissaient les coups d’assèchements massifs car considérées comme des terres devenues inutiles aussi bien par les aménageurs, que par ceux qui les avaient créées et entretenues : les paysans.
En effet, l’histoire des zones humides montre un partenariat naturel avec le monde rural et les hommes en général. Les paysans sont restés sourds le 15 novembre 1599, quand, par édit, Henri IV leur a demandé de « dessécher » les marais, quand la Révolution française, en voulant lutter contre l’insalubrité, souhaite la rénovation du droit de dessèchement des marais et des étangs, quand, tout au long du 19e siècle, des textes ont été pris en faveur du dessèchement et du drainage, repris par le Code rural. Les ressources alimentaires et économiques fournies par ces terres ont convaincu les paysans, mais aussi en leur temps le clergé, les seigneurs de les conserver et de ne pas obéir à l’Etat : pisciculture, matières premières (jonc, tourbe), gibier. Et cet attachement est d’autant plus fort que « nos » zones humides en France sont le résultat d’une interaction permanente entre la main de l’homme et la dynamique de l’eau : le Marais Poitevin par exemple est exploité depuis longtemps par une société paysanne fort bien organisée. La Brenne a été créée au Moyen-Age, où se développe la pisciculture en étang. Il en est de même pour l’étang de Lindre en Lorraine, devenu un site du réseau Natura 2000 et inscrit sur la liste Ramsar. La Camargue, domestiquée dès la fin du 19e siècle, ne se maintient que par une gestion hydraulique artificielle complexe et est classée aussi en zone Ramsar. Le riz, les taureaux créent aussi la Camargue.
Et puis au milieu du 20e siècle, les directives européennes de production relayées par le niveau national ont finalement emporté l’adhésion d’un monde agricole qui pouvait vivre économiquement autrement. Les zones humides ont fait les frais de ce choix économique, mais aussi culturel et social. L’individu qui assèche a alors conscience de faire une œuvre civilisatrice.
En reconnaissant que « les zones humides constituent une ressource de grande valeur économique, culturelle, scientifique et récréative, dont la disparition serait irréparable », la convention de Ramsar en 1971, a redonné aux zones humides toute leur importance. Elle incite les Etats membres à développer une « utilisation durable » de ces zones humides. Car ces zones doivent être utilisées et non pas regardées comme un musée à ciel ouvert. Quand en Charente-Maritime, le public est invité, le 2 février, à visiter un élevage de vaches limousines situé dans le marais de Brouage, c’est le signe évident qu’une activité économique saine et dynamique participe à la vie d’un milieu dit remarquable.
Mais il serait faux de croire qu’au 21e siècle, travailler en zones humides et développer à la fois les élevages et les cultures est une chose évidente : le travail y est difficile et pour les éleveurs cela signifie prendre en compte les bosses, les jas, l’accès difficile aux parcelles, les fossés, l’hygrométrie des sols mais aussi les espèces invasives comme le ragondin et les jussies ; la rentabilité économique des élevages est difficile et le droit est d’une complexité déconcertante pour ne pas dire écrasante. Enfin, les touristes, les promeneurs, les amoureux de la nature, les chasseurs, les pêcheurs veulent un partage de l’espace. Mais si pour certains le niveau d’eau dans les zones humides doit être bas, pour d’autres il doit être haut. Les conflits d’usage, autrement dit, le choix d’affectation d’un espace commun sont parfois très durs et empêchent un territoire de progresser.
Au final, pour cultiver en 2014 le partenariat entre zones humides et agriculture, il faut faire le choix de l’agriculture et l’assumer. Que l’Etat assume le choix des zones humides et qu’il réfléchisse ses systèmes d’aides en conséquence, ainsi que sa réglementation, en particulier en matière d’entretien hydraulique de ces zones. Que les filières agricoles (production, transformation, distribution, banques, recherche etc) supportent les productions et les élevages de ces zones fragiles, complétant alors efficacement et durablement les MAE (Mesure agroenvironnementale enherbement) de la Pac. Que les consommateurs soient disposés à payer plus et donc mieux la production venant de ces zones. Que les « amoureux de la nature » et autres amoureux de loisirs acceptent une « utilisation économique » de la nature. Les producteurs agricoles seuls ne pourront sauver les zones humides. Et s’il faut construire des partenariats en 2014 ce sont bien des partenariats entre des hommes conscients de leur pouvoir de production ou de destruction des zones humides.