[vidéo avec musique + article] Six vignerons du très réputé vignoble du chasselas de Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, tentent de réduire la maladie du bois qui attaque leurs vignes au moyen de la diffusion de musique. Unique au monde et commercialisé par une société bordelaise, ce procédé est utilisé dans le département pendant trois ans.
La nouvelle peut incontestablement faire sourire. Mais en réalité, il n’y a rien de plus sérieux. Depuis le mois de mai dernier, six des 230 producteurs du chasselas de Moissac diffusent de la musique dans leurs vignes. Il s’agit pour eux de lutter contre la maladie du bois qui ravage les vignobles. Dans le Tarn-et-Garonne, cette tentative est une expérimentation qui doit durer trois ans. Et c’est une première en France, pour un raisin de table en AOP.
Au total, 40 hectares sont ainsi concernés par cette initiative destinée à fabriquer une protéine particulière qui stimule la plante et inhibe le champignon qui est l’ennemi numéro 1 dans nombre de vignobles.
A Cazes-Mondenard, petit village au nord de Montauban, Julien Custody est l’un de ses chasselatiers à avoir accepté de tenter cette expérience hors du commun. Car depuis qu’il a repris l’exploitation de ses parents voilà trois ans, il était particulièrement démuni face à la maladie très installée de part et d’autre de ses quatre hectares. Une maladie qui a trouvé un allié avec le changement climatique. « C’est vrai qu’au début, j’ai bien ri. Mais de toute façon, ici on est tous confrontés à une réalité. En 2001 le produit que nous utilisions a été interdit, car il était toxique pour l’homme et l’environnement. En attendant cet abandon nous a laissé sans aucune alternative ! Il fallait arracher et replanter, ce qui coûtait cher. L’année dernière par exemple, sur deux hectares, j’ai quand même arraché 300 souches, soit 1,2 tonne de raisin. Alors j’ai pensé, la musique pourquoi pas ? Il fallait bien essayer quelque chose. »
Précisément la technique employée porte un nom. Il s’agit de la génodique. Elle propose une approche novatrice, non invasive et consiste à émettre une suite de fréquences aiguës mais très harmonieuses.
Définies par leur durée et des intervalles précis, ces séquences de sons sont aptes à réguler le processus biologique des ceps. Le tout pour prévenir, traiter la maladie et aider à la croissance et au développement de la vigne. Car si on sait que la musique agit sur l’humeur des humains et des animaux, elle aurait également un effet bénéfique sur les plantes. Une méthode sur laquelle se penche Joël Sternheimer, docteur en physique des particules, depuis les années 1960.
Alors chaque jour, à 8 heures puis à 19 heures, Julien Custody et les autres chasselatiers branchent les six boites à musique disposées sur leurs domaines. Le syndicat de l’appellation du chasselas a accompagné ses membres à hauteur de 30 % dans la mise en place de ce dispositif dont le coût pour les trois années d’exploitation s’élève à 18 000 €. L’installateur, Aquitaine génodique basé à Bordeaux, est tellement certain de la pleine réussite de cette expérience qu’il s’engage à rembourser la totalité de la somme engagée le cas échéant. Car Hervé Bonnet, le Pdg, croit dans son produit, même s’il admet que cette trouvaille est souvent l’objet de sarcasmes.
« Tout ceci fait bien rire depuis 10 ans, alors que c’est très sérieux ! Puisque c’est issu de 40 ans de recherche. Après tout ce n’est ni plus ni moins que de la physique appliquée à la biologie. Les longueurs d’ondes dont il est question ne perturbent pas l’environnement ni les insectes. Et on aide la vigne à résister à ses agresseurs en renforçant ses défenses naturelles et en réduisant la virulence du champignon. Ce dernier reste en vie, mais il ne se développe plus. Evidemment les scientifiques ont eu du mal à nous croire, parce que cela bouscule leurs certitudes ! »
Et le chef d’entreprise de garantir que cela fonctionne sur tous types de cépages. D’ailleurs à ce jour, Aquitaine génodique a posé 180 appareils qui couvrent ainsi 1000 hectares dans toute la France.
Non loin de Moissac, la direction de la cave coopérative des vignerons de Buzet, en Lot-et-Garonne est conquise. Pour cette structure, la génodique est déjà une longue histoire, puisqu’elle est utilisée depuis 2015, sans avoir jamais déçu.
« Effectivement nous, nous sommes ravis. Sur nos 200 viticulteurs adhérents, nous en avons 25 qui ont pris 31 boitiers. Aujourd’hui, ils ont divisé par quatre la mortalité. C’est vraiment incroyable ! Quand on sait qu’avant leur utilisation, on avait 300 pieds à l’hectare qui mourraient chaque année, il n’y a pas photo ! » se réjouit Carine Magot, responsable du service des vignes. « Quant au coût des appareils, il est largement amorti puisqu’en plus, très clairement on a gagné en qualité de raisin. »
Dans le Tarn-et-Garonne un premier bilan devrait être réalisé d’ici le début de l’année prochaine, quant à la présence de ces six boitiers dont les effets s’étendent dans un rayon de 250 mètres pour chacun d’eux. Mais Julien Custody estime déjà que la santé de sa parcelle a peut-être commencé à s’améliorer un peu…
Ci-dessous, dans le vignoble du chasselas de Moissac, six boitiers comme celui-ci sont installés.
Ci-dessous, la maladie de la vigne fait des ravages, jusqu’à assécher complètement les souches, comme le montre Julien Custody.