WikiAgri et AgriFind proposent une série de portraits d’agriculteurs, qui partagent leurs expériences et leurs résultats technico-économiques. Découvrez pour ce second numéro l’interview de Jérôme Ousselin membre de WikiAgri.
Parcellaire divisé en 10 lots d’environ 5 ha chacun pour favoriser l’organisation des rotations
Rotation sur 8 ans
8 cultures en place campagne 2017-18 : blé, colza, maïs, pois protéagineux, orge de printemps, portes graines (vesces, pois fourragers, moutarde d’Abyssinie…)
Bonjour Jérôme, peux-tu te présenter en quelques mots ?
« Tout d’abord je souhaite dire que l’entreprise est là pour faire vivre son patron et non l’inverse ! En plus de mon exploitation, j’exerce une activité complémentaire de conseil en agriculture de conservation, notamment le diagnostic et l’établissement du carnet de route pour le passage du conventionnel vers l’agriculture de conservation des sols. Je mets l’accent sur les aspects coût de production et rentabilité et non sur la production. Pour ma part, l’année 2016 s’est du passé, on en parle plus et face à la sécheresse du printemps 2017 les blés que je cultive ont tenu 3 semaines de plus que la moyenne de la petite région. »
Quel est la base d’un bon couvert végétal ?
« Le couvert de moutarde réglementaire dans notre région est certes peu onéreux mais inintéressant d’un point de vue agronomique, je privilégie donc les légumineuses pour leur aspect structurant et couverture du sol. Par exemple la vesce lève bien, elle a un bon développement, mais elle a un repos végétatif d’environ un mois une fois qu’elle est levée, c’est un moment où les adventices pourraient se développer dans les trous, donc on l’associe à d’autres espèces comme la moutarde d’Abyssinie. Cette variété de moutarde fait une belle biomasse et elle a un cycle proche du colza mais plus précoce. Elle ne risque donc pas de monter à graine. J’associe à la vesce et à la moutarde d’Abyssinie du pois fourrager qui va se développer plus rapidement que la vesce mais réduire sa croissance plus précocement. Vesce, pois fourrager et moutarde d’Abyssinie sont à la base de tous les couverts végétaux que je conseille de mettre en place. Après il est possible d’ajuster le mélange avec du tournesol, du sarrasin, du trèfle d’Alexandrie… »
Quel est le meilleur moment pour implanter un couvert ?
« Le couvert se sème le plus rapidement possible après la moisson, qui reste la priorité, donc si cela attend 2 ou 3 jours ce n’est pas catastrophique. Je ne préconise pas forcément du semis-direct mais bien un travail minimum du sol sur 1 à 2 cm avec un déchaumeur à disque. Plus le semis est réalisé tôt meilleur sera le développement donc le résultat, jusqu’au 15 août ça va très bien. »
Comment évaluer le succès d’un couvert végétal ?
« L’homogénéité est importante, que toutes les plantes soient présentes sur l’ensemble de la surface de la parcelle car les espèces sont complémentaires. »
Quels critères pour bien choisir son mélange de couvert végétal ?
« Un bon couvert végétal combine les caractéristiques suivantes :
Avoir des espèces complémentaires en termes de période de croissance ;
Avoir des espèces complémentaires en termes de hauteur de végétation au stade de maturité ;
Avoir des espèces complémentaires en termes de profondeur racinaire ;
Etre cohérent par rapport aux dates de développement de la culture ultérieure ;
Eviter les espèces qui risquent de montée à graine comme la moutarde blanche ou la moutarde brune ;
Respecter un rapport C/N le plus bas possible pour éviter les faims d’azote (donc éviter la lignification du couvert et s’assurer qu’il reste bien vert jusqu’à sa destruction).
De plus, il faut tenir compte du précédent mais surtout de la culture à venir (graminée ou dicotylédone, culture de printemps ou d’automne), par exemple le sarrasin est à proscrire avant betterave, pois ou féverole à cause de la possible dissémination des graines mais il est favorable en qualité de précédent pour de l’orge de printemps.
Attention au choix de la variété qui doit être adaptée à la petite région, ainsi la variété de vesce Candy est très adaptée au nord-est de la France mais la variété Nacre ne l’est pas du tout. On fait attention pour le choix d’une variété de blé ou de colza, c’est la même chose pour une variété de vesce ou de pois. »
Quels bénéfices attendre d’un couvert végétal ?
« On est entre 5 et 10 kg de biomasse au m² en vert, grâce aux légumineuses les retombées d’azote sont assez importantes mais je préfère ne pas en tenir compte car cela dépend fortement du climat. Pour une culture de betterave par exemple on ne sait jamais s’il y aura les pluies favorables à la libération de cet azote… Par contre les bénéfices, notamment pour le sol, sont certains tel que la maîtrise du salissement et donc la réduction des coûts d’herbicide, une meilleure structuration du sol qui favorise l’enracinement et l’infiltration de l’eau, de plus cela favorise la présence d’auxiliaires ce qui permet une meilleure maîtrise des ravageurs. L’investissement de départ est largement rentabilisé grâce entre autre à tout le travail du sol qui n’a pas été fait l’été et l’automne. »
Et concrètement, en termes de coût ça donne quoi ?
« L’agriculture de conservation pratiquée avec un TCS superficiel et une réduction de travail du sol engendre une réduction à l’hectare de l’ordre de 110 € en tenant compte du coût des semences de couverts plus cher que le coût d’une moutarde simple. Les économies se répartissent entre le carburant, la main d’œuvre, les produits phytosanitaires. L’économie la plus importante se fait sur les charges de mécanisation : on utilise et on use moins du matériel classique déjà présent sur l’exploitation et souvent moins cher à l’achat : chisel, déchaumeur à disque, combiné de semis. Rien que l’été par rapport à un itinéraire technique conventionnel avec 3 passages de déchaumeur, on va passer une fois superficiellement avec le déchaumeur à disque puis semer dans la foulée d’où une économie importante de carburant (50 % et de temps). Concernant les produits phytosanitaires, par rapport à des interventions classiques en conventionnel, on peut économiser jusqu’à 25 % grâce aux rotations et à la vie du sol. »
Un couvert, ça se détruit comment ?
« Tout dépend de l’objectif que vous avez et de la culture qui sera implantée après le couvert. Si c’est une culture de printemps on vise une destruction le plus tard possible en tenant bien compte des pratiques culturales : labour, TCS, SD. Le « cas d’école » concerne le TCS pour une culture de printemps, donc une destruction mécanique en décembre avec éventuellement avec un passage de déchaumeur à disque si l’outil à dent ne passe pas bien mais à l’idéal seulement le passage d’un outil à dent, type chisel, pour laisser un sol mal nivelé, sous forme de butte, et faciliter le ressuyage au printemps. Le résultat est similaire à un labour d’autrefois et on peut semer en simplifié facilement. »
Un truc en plus ?
« On travaille sur l’auto-construction de semoir pour avoir un matériel qui aille vite et bien et qui ne coûte pas cher. »
Vous voulez aller plus loin avec Dominique et qu’il témoigne de son expérience de terrain, retrouvez-le sur la plateforme Agrifind Connexion.
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