Brexit, accords commerciaux, manque de transparence, surproduction mondiale de sucre etc. Pour faire face au retournement conjoncturel du marché mondial du sucre, le seul levier d’action efficace à la disposition des planteurs, est la maitrise de leurs coûts de production. La CGB consacre un chapitre entier de son rapport d’activité sur ce sujet.
Ce n’est pas le radeau de la méduse mais depuis quelques mois, la CGB (confédération générale des planteurs de betteraves) navigue à vue. En cause notamment le manque de transparence des industriels sur les prix d’achat des betteraves livrées par les planteurs, alors que les cours du sucre brut ont perdu 250 € depuis le début de l’année. Pourtant, le syndicat des planteurs de betteraves sucrières pensait avoir paré à tout imprévu en préparant ses adhérents à la fin des quotas.
Les commissions de répartition de la valeur, mises en place dans chaque entreprise depuis l’adoption de l’acte délégué de juillet 2016, permettent notamment la négociation collective de clauses de répartition de la valeur entre planteur et fabricant.
Mais à ce jour, le marché du sucre est le seul indicateur de prix dont les planteurs et leur syndicat disposent et à partir duquel ils sont réduits à estimer la valorisation potentielle de chaque tonne de betteraves livrée.
Il y a un an, les responsables professionnels de la filière n’avaient pas imaginé qu’ils manqueraient à ce point d’informations.
En fait, la question est de savoir si les industriels tiennent l’engagement pris au début de la campagne de payer 26 € la tonne de betteraves (à 16 % de sucre) alors que le prix mondial du sucre la valorise à 22 € au plus.
Pour 2017, Eric Laisné, président de la Confédération des planteurs de betteraves sucrières ne se fait pas de souci. Selon lui, les engagements pris par les fabricants de sucre seront tenus.
Mais le retournement conjoncturel des marchés sera vécu différemment selon que les entreprises aient pris ou non, dès l’hiver 2016/2017, leurs précautions (sur les marchés à terme par exemple) pour faire face à toute chute des prix du sucre. Son marché est le plus volatil des matières premières agricoles.
Si une entreprise subit de plein fouet le retournement conjoncturel, les pertes s’annoncent élevées et les conséquences économiques redoutables pour les producteurs pour la prochaine campagne, voire les suivantes.
Le manque à gagner des sucreries devra en effet être compensé par des prix d’achat des betteraves sucrières inférieurs au coût moyen de production.
En attendant, faute de transparence, la seule marge d’action des planteurs est la maitrise de leurs coûts de production. C’est du reste la recommandation majeure faite par la CGB à ses adhérents. Dans son rapport d’activité, l’organisation souligne la mise à disposition d’un outil d’aides à la décision sur leur site professionnel. Il permet de calculer soi-même son coût de production et de comparer ses performances et de visualiser ainsi les postes à optimiser.
Sur 7 ans, le coût moyen à la tonne progresse de 0,7 % par an. Il est passé de 22,3 € à 26,3 €. Les différences de rendements interannuels n’expliquent pas tout. Mais ce coût moyen de production de 26,3 €/t en 2016 masque de fortes disparités. Les meilleurs planteurs, à moins de 22 € la tonne, peuvent encore s’en sortir mais à 30 € la tonne, les agriculteurs pourraient être tentés de renoncer à la culture betteravière. Ils accusent de lourdes pertes.
Or un recul prononcé des surfaces implantées au printemps prochain au niveau national (475 000 hectares plantés en 2017) pourrait être aussi bien préjudiciable pour les planteurs que pour les industriels. Il remettrait en question l’ensemble du plan de reconquête de compétitivité de la transformation sucrière. Les entreprises comptent sur des quantités massives de racines pour prolonger jusqu’à 130 jours la durée de leur campagne.
Selon la CGB, un jour de campagne sucrière en plus réduit de 1 euro de la tonne de sucre sortie usine pendant toute la campagne !
Outre une bonne gestion de son outil de production, les planteurs pourront compter sur la recherche variétale pour augmenter leurs gains de productivité de 4 % par an grâce au programme Aker. Il leur promet la mise au point de variétés plus résistantes aux bioagresseurs et aux stress climatiques. Si la production d’OGM était autorisée, des variétés hivernales auraient probablement déjà été mises au point. Ce qui aurait permis d’implanter alors sur une même parcelle une double culture et d’envisager des récoltes de betteraves dès le mois de juin.
La reprise des cours l’hiver dernier aura été au final éphémère. Depuis quelques mois, un certain nombre d’événements rend plus incertaine que jamais la fin des quotas et leurs répercussions économiques.
La France pourrait mieux s’en sortir que ses voisins européens compte tenu de ses capacités industrielles et d’économies d’échelle potentielles, mais les producteurs redoutent la prochaine campagne et les suivantes.
La hausse de la production mondiale de sucre n’est pas une surprise et l’Union européenne a sa part de responsabilité. Cette année, la surface européenne en betteraves a augmenté de 15 % et les rendements ont progressé de 10 % par rapport à 2016.
Mais ce qui est le plus effrayant est l’impact des accords commerciaux entre d’une part l’Union européenne, le Mercosur et le Mexique et d’autre part outre-manche, le Brexit et ses répercussions en cascades.
Les exportations de sucre français sur l’Union européenne seraient aussi compromises par les accords commerciaux avec le Mexique et le Mercosur. Les pays européens importateurs net de sucre pourraient être tentés de se détourner de l’origine France.
Par ailleurs, personne ne sait comment le volet sucrier des négociations en cours entre l’Union européenne et le Royaume-Uni aboutira. Or le débouché britannique correspond à la production d’une sucrerie française. Sorti de l’UE, le Royaume-Uni pourra s’approvisionner librement auprès de pays tiers.
D’autres inquiétudes se profilent en Europe avec les constructions de nouvelles sucreries concurrentes et en particulier en Belgique. Le projet belge serait même une initiative des planteurs.
Enfin, les premières propositions de la Commission européenne sur la Pac rendent le président de la CGB dubitatif. Après 2020, « elle doit rester commune et être dotée d’un budget à la hauteur de ses missions », a déclaré Eric Laisné.
L’ensemble des questions géopolitiques d’actualité s’ajoute aux défis réglementaires à relever (protecton des plantes, biocarburants etc.) pour rendre la culture des betteraves sucrières plus aisée.