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Et si la folie c’était d’être céréalier ?

J’ai été céréalier, je suis devenu éleveur de brebis. Par cette tribune au titre provocateur, je vous invite à suivre la réflexion qui a été la mienne. Suis-je atypique ? Sans doute. Ai-je totalement tort ? Jugez-en…

On pourrait se demander quelle mouche a piqué un céréalier à devenir éleveur de brebis dans un département où il fait bon faire de la céréale. Je me souviens que beaucoup de mes collègues m’avaient tout simplement dit « tu es fou ». D’ailleurs quelques temps après m’être lancé, il y a eu une modification des aides Pac et là ils m’ont demandé si je n’avais pas été au courant de cela pendant mon mandat syndical d’où mon envie de faire du mouton. Effectivement, j’ai été pendant 14 années au service des Jeunes agriculteurs, un syndicat qui m’a permis d’approcher le contexte agricole d’un point de vue local, national, européen et surtout international (vice-président en charge des affaires internationales de 2005 à 2007). Hé bien non, je n’étais au courant de rien, j’ai tout simplement mis en adéquation ma passion pour les animaux et les céréales : puisque la Pac nous impose des couverts, il serait peut-être logique, plutôt que de les enterrer, de les faire broyer par des moutons. Au moins ça sert vraiment à quelque chose, et puis lorsque je vois que maintenant on fait venir des camions de matière organique d’autres départements je pense que l’avoir sous la main n’est pas stupide. On a peut-être oublié nos leçons d’agronomie qui nous enseignaient les rotations et le rôle de l’humus dans le sol.

Qu’est-ce que la folie en agriculture ? Croire que l’on va pouvoir, dans certaines régions, continuer avec des rotations blé-colza, ou croire que certaines productions ne peuvent être faites que sur certains territoires (le lait en Bretagne par exemple), ou croire que nos outils coopératifs, assurantiels et bancaires doivent se passer de l’agriculture et devenir des leaders d’un marché qui n’est quasiment plus le cœur de leur métier…

Je ne rêve pas de l’ancien temps, je ne tiens pas à m’enfermer sur mon territoire. Du fait du mandat international qui fut le mien, je sais très bien qu’on ne se développe pas en autarcie, mais ne sommes-nous pas arrivés au bout d’un cycle où revenir sur certains fondamentaux ne serait pas idiot ? J’en veux pour preuve une banque, que je ne citerai pas, qui à grand renfort publicitaire est en train de nous faire passer le message que l’argent reste dans nos régions et que c’est ça une banque coopérative ; alors qu’il y a peine quelques années elle n’arrêtait pas de nous prouver qu’il fallait élargir les perspectives que nous n’étions plus grand chose dans tout ça et que même le fait d’avoir un conseil d’administration était obsolète dans ce nouveau monde…

La folie pour moi est tout simplement le fait que l’on croit toujours qu’il faut se défendre chacun de son côté, production contre production, territoire contre territoire, mais comme je le disais plus haut, nous sommes dans l’Europe et soumis aux négociations internationales. Alors il est peut-être temps de réagir, de se rendre compte qu’on n’est plus que 500 000, que notre représentation électorale ou sur le terrain s’affaiblit et commencer à reparler d’agriculture dans son ensemble. Parce que, avant tout, je suis un agriculteur, pas un éleveur, pas un céréalier. Et que dès maintenant on se doit d’être soudés entre nous pour défendre une vision globale de notre métier : plus on se divise et plus on fait le bonheur de nos gouvernants et de l’Europe.

Nous sommes des producteurs d’alimentation saine, nous entretenons de vastes territoires où quelquefois la machine ne peut pas aller, nous vivons dans des villages pittoresques, nous apportons des services à la population, nous offrons des produits de proximité mais aussi de masse qui sont les mêmes, on considère que l’agneau que je mets sur mon barbecue est meilleur que dans les grandes surfaces pourtant il vient du même élevage et est produit de la même façon. Par notre sagesse, nous avons mis en place des outils coopératifs pour vendre, se financer et s’assurer. Nous n’avons pas à baisser la tête et se laisser insulter par une minorité qui nous accuse de les empoisonner, nous n’avons qu’une chose à faire c’est revendiquer notre statut d’agriculteur (céréalier, éleveur, viticulteur…) et faire savoir à nos gouvernants que eux ils passent, mais nous on reste…

Et vous, qu’en pensez-vous ? Pour en débattre, rendez-vous ci-dessous dans l’espace « Ecrire un commentaire ».

5 Commentaire(s)

  1. la folie serait de n’être que « céréalier », mais pas forcement « éleveur »?, il y a plein d’activée que le « paysans » fait et doit faire pour la gestion de son espace agricole et rurale, non ?

  2. la gestion de son espace agricole et rurale….est il possible d’avoir des précisions sur cette belle expression…et en claire en quoi consiste ces « activités »
    Merci

  3. –> Si je précise mal qu’on me le dise, il me semble que ça fait écho aux pratiques agricoles qui impactent le paysage et le tissu social en milieu rural.

    « La folie pour moi est tout simplement le fait que l’on croit toujours qu’il faut se défendre chacun de son côté, production contre production, territoire contre territoire »
    –> Je lève les bras au ciel et je dis MERCI en espérant que beaucoup de personnes lisent cet article plein de bon sens.

    Comprenons bien que la spécialisation des territoires a conduit à une hérésie qui consiste à déplacer des matières dans toute l’Europe quand il y a 30 ans, les productions étaient près des villes.

  4. « La folie pour moi est tout simplement le fait que l’on croit toujours qu’il faut se défendre chacun de son côté, production contre production, territoire contre territoire » ça me chagrine aussi surtout de la part de certains producteurs bio qui pour justifier leurs pratiques mettent en accusation le conventionnel.

  5. merci pour tous vos commentaires… mes propos me tiennent a coeur et proviennent de mon vecu personnel ce qui fait que cela peut paraitre reducteur a l’elevage… d’un point de vue global l’agriculture est multifacettes c’est pourquoi j’ai utilise le terme espace rural qui englobe les territoires et la population qui n’est pas obligatoirement agricole ce qui permet une ouverture d’esprit et un echange mais surtout arretez de penser que la plaine, les montagnes, les forets…. sont a nous… je considere que chaque agriculteur a son passe, sa facon de penser mais surtout des competences dans certains domaines donc a lui de faire profiter de cela a un maximum de population… je suis en opposition au fait qu’il faille avoir demain que de la vente directe ou du bio ou… en fait un mode d’agriculture… en fait des agriculteurs qui defendent l’Agriculture riche de toutes ces facettes… nous produisons et rendons des produits et services de qualite, ce n’est pas de notre faute si ensuite des societes ont decide, pour faire du buisness, d’acheter des produits exterieurs plus ou moins bien references…

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