Trois informations récentes donnent un éclairage nouveau sur les vaches, en l’occurrence sur le bien-être des vaches laitières françaises, la façon dont elles communiquent avec leur veau et les « aurochs-reconstitués », plus connus par leur surnom de « super vaches nazies ».
On pensait tout connaître sur les vaches. Pourtant, l’actualité récente tend à nous montrer qu’il n’en est rien et que l’on découvre encore des choses nouvelles sur elles. Deux études scientifiques divulguées récemment permettent ainsi d’avoir une meilleure connaissance du bien-être des vaches laitières dans les élevages français et du mode de communication entre les vaches et leur veau. Enfin, un fait étrange, qui s’est produit en Angleterre en ce début d’année, nous rappelle que les nazis ont eu le projet fou dans les années 1920-1930 de re-créer une espèce de vaches à la fois féroce et agressive qui avait disparue de la surface du globe plusieurs siècles auparavant.
Des chercheurs de l’Inra ont publié récemment une étude consacrée au bien-être des vaches laitières en France. Elle vise à identifier quels sont les problèmes rencontrés en la matière dans les élevages français. Cette étude épidémiologique réalisée dans 131 élevages de Bretagne, de la région Rhône-Alpes et d’Auvergne est basée sur onze critères de bien-être : l’absence de faim, de soif, de maladie, de blessures et de douleurs, le confort du couchage des bêtes, leur possibilité de mouvements, leur accès au pâturage, leur comportement social, la relation homme-animal, leur état émotionnel positif. Pour chacun des critères retenus, les résultats peuvent aller de 0 (très mauvaise situation) à 100 (excellente situation).
La plupart des élevages testés ont obtenu un score jugé « acceptable » par les chercheurs pour l’ensemble des critères étudiés. Le résultat médian est même supérieur à 50 pour huit critères : la douleur, les blessures, les maladies, le confort du couchage, les comportements sociaux, les relations homme-animal, l’état émotionnel positif et la faim. En revanche, le résultat médian est inférieur à 50 pour d’autres critères comme la soif, la boiterie ou les possibilités de mouvement.
Les auteurs tirent quatre enseignements de cette enquête. Le premier est que ce qui reste à améliorer dans le bien-être des vaches concerne la douleur liée à l’écornage, les maladies, l’inconfort du couchage, le comportement social, la relation homme-animal et l’alimentation. Le deuxième est que l’état de santé des vaches est satisfaisant dans les conditions suivantes : elles sont dans des étables en aire paillée, elles sont propres et en bon état d’engraissement, le renouvellement des animaux est normal. Le troisième enseignement est que les vaches ont plus de difficultés pour se coucher et sont plus souvent blessées dans les étables à logettes. Enfin, le quatrième réside dans le fait que les conditions de vêlage peuvent avoir une influence sur la relation homme-animal, les vaches approchant plus facilement l’homme lorsqu’il n’y a pas eu d’interventions au vêlage.
Les scientifiques de l’INRA en concluent que les priorités pour améliorer le bien-être des vaches laitières sont une meilleure prise en compte de la douleur et du couchage des vaches, ainsi que la réduction des problèmes sanitaires.
Des équipes de chercheurs britanniques des universités de Nottingham et de Londres (université Queen Mary) ont publié au mois de décembre dernier une étude dans laquelle ils se sont penchés sur la façon dont les vaches communiquaient avec leur veau sur la base d’une analyse acoustique.
Les chercheurs ont observé deux modes de communication des vaches en direction de leur progéniture en fonction de leur proximité physique. Dans le premier cas, lorsqu’elles sont proches de leur veau dans les trois ou quatre premières semaines de son existence, elles recourent à des meuglements à basse fréquence qu’elles émettent soit bouche fermée, soit entrouverte. Dans le second cas, lorsqu’elles sont éloignées de leur veau et qu’elles ne le voient pas, leurs meuglements sont plus forts et à fréquence élevée.
De leur côté, les veaux appellent leur mère lorsqu’ils sont séparés d’elle et qu’ils ont faim.
Les scientifiques britanniques ont également conclu que chaque vache et chaque veau avait une « signature vocale » différente. Ils peuvent donc se retrouver en reconnaissant leurs meuglements singuliers.
En ce début d’année, la presse britannique se fait l’écho d’un événement assez surprenant relatif à d’étranges vaches « nazies ». Un agriculteur du Sud-Ouest de l’Angleterre, Derek Gow, s’est procuré 13 de ces vaches en 2009 en les important de Belgique. A l’époque, dans un article publié dans le quotidien The Guardian, il indiquait que ces animaux, qui « semblent préhistoriques », « seraient idéaux pour un programme de réintroduction en Grande-Bretagne car ils n’ont pas besoin d’une attention humaine ».
Six ans plus tard, ce n’est plus la même histoire car il a été contraint d’en faire abattre sept d’entre elles, car elles devenaient bien trop agressives. Il a déclaré ainsi dans le quotidien The Independent début 2015 : « Celles dont on a dû se séparer vous attaquait dès qu’elles le pouvaient. Elles auraient tué n’importe qui. […] Elles sont de loin les animaux les plus agressifs avec lesquels j’ai travaillé. » Il reconnaît néanmoins que les autres bêtes (quatre vaches et deux taureaux), celles qui n’ont pas été abattues, sont plutôt dociles.
A quoi la presse britannique fait-elle donc référence lorsqu’elle parle de vaches « nazies » ? Les vaches en question sont des aurochs de Heck ou des aurochs-reconstitués, selon l’appellation de la Commission nationale d’amélioration génétique française. Les aurochs était une espèce de taureaux sauvages. Ils ont disparu d’Europe depuis le début du XVIIe siècle. Il s’agissait, selon les historiens, d’animaux rapides et agressifs, qui n’avaient pas peur des humains.
Or, en Allemagne, dans les années 1920-1930, les frères Heinz et Lutz Heck ont été chargés par le régime nazi, plus précisément par Hermann Göring, de reconstituer l’espèce disparue, qui a joué un rôle important dans la mythologie teutonique, en croisant des races domestiques et en sélectionnant les animaux qui ressemblaient le plus aux aurochs. Les vaches ainsi créées disposaient d’une imposante musculature et de grandes cornes. Elles étaient de plus petite taille que les aurochs originels (elles mesurent 1,40 m et peuvent peser jusqu’à 600 kg), mais avec un tempérament tout aussi agressif. Selon Derek Gow, « la raison pour laquelle les nazis soutenaient tant ce projet est qu’ils voulaient qu’elles soient féroces et agressives ». Les nazis rêvaient même de les réintroduire dans la nature et de pouvoir ainsi les chasser.
Elles ont même été utilisées dans la propagande nazie durant la Seconde Guerre mondiale en tant que symbole de la puissance du Troisième Reich. L’historien des sciences Cédric Grimoult, auteur de Réflexion sur l’extinction des races, précise ainsi que « Pendant l’entre-deux-guerres, l’idéologie nazie développe une mythologie fondée sur la force brute des anciens habitants supposés de l’Allemagne préhistorique et antique, lesquels auraient cohabité dans des forêts sauvages avec des animaux puissants et dangereux. L’aurochs est ainsi utilisé comme symbole par la propagande nazie ».
Cette race a été quasi totalement détruite pendant la guerre, mais certains animaux ont tout de même pu être conservés dans des parcs naturels. Il en resterait environ 2 000 en Europe, notamment dans des réserves naturelles, en Bavière et aux Pays-Bas.
En savoir plus : www.inra.fr/Chercheurs-etudiants/Systemes-agricoles/Toutes-les-actualites/Le-bien-etre-des-vaches-laitieres-francaises-passe-au-crible (informations relatives à l’étude de l’INRA sur le bien-être des vaches laitières françaises), http://prodinra.inra.fr/record/273949 (résumé de l’article publié par A. De Boyer Des Roches, I. Veissier, M. Coignard, N. Bareille, R. Guatteo, J. Capdeville, E. Gilot Fromont, L. Mounier, « The major welfare problems of dairy cows in French commercial farms: an epidemiological approach », Animal Welfare, 23 (4) 2014), www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168159114003049 (résumé de l’article publié par M. Padilla de la Torre, E. F. Briefer, T. Reader, A. G. McElligott, « Acoustic analysis of cattle (Bos taurus) mother-offspring contact calls from a source-filter theory perspective », Applied Animal Behaviour Science, 8 décembre 2014), www.theguardian.com/environment/2009/apr/22/cattle-heck-german-cows-devon (source de la citation de Derek Gow publiée par The Guardian en 2009), www.independent.co.uk/environment/british-farmer-forced-to-turn-half-his-murderous-herd-of-nazi-cows-into-sausages-9958988.html (source de la citation de Derek Gow publiée par The Independent début 2015), www.ihnpan.waw.pl/wp-content/uploads/2014/10/9_grimoult.pdf (texte de Cédric Grimoult intitulé Réflexion sur l’extinction des races).
Vidéo ci-dessous : reportage de BBC radio 5 live sur les vaches nazies.
Notre photo d’illustration est issue de la vidéo ci-dessus.