L’Empire du milieu orientera cette année encore la quasi-totalité des marchés des céréales et de viande. Sa politique de sécurité alimentaire revêt une dimension économique et géostratégique très particulière. En 2023, il importera plus de céréales et moins de produits animaux.
Bien qu’elle soit supérieure de 32 Mt à celle de la campagne passée, la production mondiale de céréales (2 292 millions de tonnes – Mt) serait déficitaire de 15 Mt selon le Conseil international des céréales (CIC).
En fait, ce déficit est chinois. Sans l’empire du milieu (428 Mt de céréales hors riz), la production mondiale de grains serait excédentaire de 38 MT.
En récoltant 139 Mt de blé, 279 Mt de maïs et 2 Mt d’orges, l’Empire du milieu s’apprête toutefois à importer 49 Mt de céréales (dont 12 Mt de blé, 20 Mt de maïs et 8,4 Mt d’orges) durant la campagne 2023-2024. Il serait ainsi le premier pays importateur au monde de grains et sur le marché du blé, il devancerait alors l’Egypte, actuellement en tête.
Au début du mois de juillet, FranceAgriMer, l’organisme public agricole, rapportait qu’une partie de la récolte chinoise de blé ne serait pas panifiable. Jusqu’à 30 Mt de grains pourraient ainsi être déclassées et utilisées par l’industrie de l’alimentation animale.
Se pose alors la question de savoir quelle sera l’attitude de la Chine pour compenser ce manque de blé panifiable. Va-t-elle puiser dans ses stocks pléthoriques (141 Mt) ou bien va-t-elle importer davantage de grains qu’escompté (12 Mt pour rappel).
Or la production des pays exportateurs majeurs de blé de planète (382 Mt) est elle-même en repli de 20 Mt ; en cause le retrait de l’Ukraine et la baisse attendue de la production australienne l’hiver prochain. L’El Nino génèrera moins de précipitations.
Importer pour les filières animales
Selon le CIC, les principaux pays exportateurs de blé puiseraient même dans leurs stocks pour exporter les 183 Mt de blé prévues. Aussi, en livrer plus mettrait ces pays en difficultés.
Par ailleurs, la fin du corridor maritime de la Mer Noire compliquera les expéditions d’une vingtaine de millions de tonnes de céréales par voies maritimes depuis les ports ukrainiens de la Mer Noire.
En fait, la Chine est le seul pays de la planète à la fois importateur et détenteur de stocks colossaux de céréales.
Les années passées, elle achetait les quantités de grains nécessaires pour compenser ses productions déficitaires et pour renouveler à plus de 95 % ses stocks afin de les maintenir à niveau.
Aussi, en décidant d’importer plus de grains qu’escompté, l’Empire du milieu raviverait la spéculation sur les prix. Une relance de l’activité de l’élevage chinois y contribuerait fortement. (cf dessous le point de vue d’AMIS, le système d’information des marchés).
Produire de la viande et du lait plutôt qu’importer
En attendant, la Chine produira suffisamment de riz (149 Mt) pour couvrir ses besoins tout en préservant ses stocks à leur niveau des années passées (106 Mt). Une partie de ses importations (4 Mt) seront compensées par ses exportations (2 Mt).
En 2023, la hausse de la production de lait en Chine observée depuis 2018 (+29 %) se poursuivra en franchissant le seuil de 40 Mt. Aussi, les importations de poudre (335 000 t; -21 % sur un an) et de lactosérum pourraient de nouveau fléchir comme l’an passé.
Selon l’Institut de l’élevage, les importations chinoises de viande bovine bondiraient en 2023 après avoir progressé de 8 % à 3,54 Mtéc. Un tiers de la viande consommée serait ainsi importée. La production est estimée à 7,2 Mtéc.
Premier importateur au monde de viande ovine (380 000 téc en 2022 ; – 13 % sur un an), le pays fera davantage appel à l’Australie (559 000 téc exportables en 2023) pour se fournir en viande qu’à la Nouvelle Zélande. Mais ses achats diminueraient encore.
La production de porcs (55 Mtéc en 2022 ; +7,5 Mt sur un an) se rétablira encore, freinant ainsi l’essor de la filière avicole de plus en plus industrialisée. En conséquence, moins de viande de porc et de volailles sera de nouveau importée cette année. En 2022, les achats portaient respectivement sur 2,6 Mtéc (-2,2 Mt sur un an) et sur 1,68 Mtéc en 2022( -140 000 téc).
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Wikiagri : En Chine, 20-30 % de la récolte serait de mauvaise qualité. Que deviendra ce blé?
Simon Bordenave : En général, ce blé sera utilisé pour l’alimentation animale.
Quelles conséquences sur les échanges mondiaux de blé?
Les projections les plus récentes de l’USDA (le département de l’agriculture des États-Unis d’Amérique) prévoient que la Chine importera environ 12 millions de tonnes de blé en 2023/24, en baisse de 10% par rapport à 2022/23. La Chine importe généralement du blé pour l’alimentation animale. Si l’offre de blé de qualité meunière s’avérait insuffisante, la Chine importerait probablement du blé de cette qualité ; cependant, une hausse de la production de blé destiné à l’alimentation animale du fait de problèmes de qualité pourrait conduire la Chine à importer moins de blé destiné à l’alimentation animale. A ce jour, aucun signe d’une hausse des importations de blé n’est observé en provenance de la Chine. AMIS suivra avec attention ce marché au cours des prochains mois.
Si davantage de blé sert à produire des aliments pour animaux, la céréale ne va t-elle pas remplacer le maïs importé?
Oui, même si la Chine va probablement continuer d’importer une grande quantité de maïs, en provenance principalement des États-Unis et du Brésil. La fin de l’accord sur l’exportation de céréales ukrainiennes (BSGI) devrait conduire à une baisse des importations chinoises de maïs en provenance d’Ukraine cette année. La Chine a résolu son différend commercial avec l’Australie et importera probablement davantage d’orge cette année.
Quelles conséquences pour les stocks de blé?
Les stocks mondiaux de blé, en particulier ceux détenus par les principaux exportateurs, devraient rester contraints. Cela est particulièrement vrai pour le blé de qualité meunière.