Les productions d’huiles végétales vont augmenter de près de 108 millions de tonnes d’ici 2030. Mais plus de la moitié de la hausse sera portée par les plantes à graines (colza, soja, tournesol) en raison de la demande intarissable de protéines végétales. Pendant ce temps, la production d’huile de palme doublera… Mais elle ne sera pas à l’abri d’un engorgement des marchés compte tenu de l’évolution des habitudes alimentaires.
Même si d’ici 2030, l’huile de palme restera l’huile la plus produite au monde et de loin, meilleur marché, avec des rendements par hectare très élevés (jusqu’à 3,8 t/ha), l’avenir des filières d’huiles végétales est conditionné par l’essor des cultures de soja, de colza et de tournesol sur les cinq continents de la planète d’ici 2030. La logique de production pour ces graines est en effet influencée par les deux marchés des protéines et des huiles.
« On peut anticiper une poursuite de la croissance de la production de soja, et des graines oléagineuses stimulées par la bonne valorisation des tourteaux protéiques, ce qui maintiendra les huiles de graines en bonne place sur l’offre mondiale malgré le dynamisme actuel de l’huile de palme », expliquent Philippe Dusser et Perrine Tonon, auteurs d’un des chapitres du Déméter 2018 consacré aux huiles végétales : « enjeux, marchés et contreverses ».
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Par ailleurs, le développement attendu de l’oléochimie pourra générer des nouveaux débouchés.
Les prévisions du Bipe (bureau d’information et de prévision économique) reprises par Philippe Dusser et Perrine Tonon dans leur article, mentionnent d’ici 2030 une part croissante des productions d’huiles de palme et de tourteaux de soja par rapport aux autres produits dérivés similaires. Celles-ci auront quasiment doublé par rapport à leur niveau de 2010 (années prises en référence dans l’article).
Les autres oléagineux à graines ne seront pas en reste. Les surfaces de colza, de canola et de tournesol augmenteront dans les mêmes proportions, partout où les conditions climatiques le permettront. En jeu dans de nombreux pays où l’élevage est prépondérant, la souveraineté en protéines végétales à laquelle ils sont attachés. Mais aussi les capacités d’exportations des produits oléo-protéagineux des grands pays producteurs des régions tempérées de la planète.
En effet, la consommation mondiale de viande continuera à croître d’ici 2030 et il faudra pour cela davantage de protéines végétales pour nourrir les animaux.
Aussi, « des tensions sur le marché des protéines avec des prix à la hausse sont à prévoir alors que ceux des huiles seraient à la baisse », rapportent Philippe Dusser et Perrine Tonon.
Curieusement, ce phénomène est totalement opposé à celui actuellement observé sur le marché laitier, où le beurre tire les prix du lait à la hausse alors que l’Union européenne peine à se débarrasser de ses stocks de poudre de lait.
A l’export, tout porte à croire que l’essor des productions d’huiles accentuera, dans des proportions encore plus importantes qu’actuellement, les échanges commerciaux entre les bassins de production et de consommation. Les enjeux géopolitiques de ces échanges commerciaux entre les pays exportateurs et importateurs seront stratégiques.
Aujourd’hui, les tourteaux et les huiles sont les produits agricoles les plus exportés. Les ventes représentent 56 % des productions de graines d’oléo-protéagineux et de leurs dérivés (huile, tourteaux) pour les 4 principales productions (sola, huile de palmter, colza, tournesol) contre 17 % pour les céréales et 15 % pour les viandes.
En 2016, les trois quarts de la production d’huile de palme étaient orientés vers le marché mondial. Pour le soja, 125 Mt ont été commercialisées sur les 305 Mt durant les campagnes de 2013 à 2016.
Le colza, le tournesol et le coton, sont des graines davantage triturées pour être commercialisés sur les marchés intérieurs. Les exportations ne portent que sur un peu plus d’un tiers des de la production de graines, d’huiles et de tourteaux.
Quant à l’huile de palme davantage importée par l’Union européenne, une partie des futurs échanges semble conditionnée par le sort qui sera réservé à la filière biodiesel.
Ces dernières années, les importations européennes croissantes d’huile de palme ont été dénoncées par des ONG. Or, aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est l’essor du biodiesel de colza et de tournesol qui a conduit à acheter de l’huile de palme en Malaisie ou en Indonésie pour assurer un approvisionnement régulier de la filière biodiesel.
Les cultures de ces oléagineux à graines sont très sensibles aux aléas climatiques avec des baisses de production importantes d’une année à l’autre. Mais le continent européen, qui produit plus de 42 % de biodiesel dans le monde, n’importe que 2,8 % de la production mondiale d’huile de palme pour l’estérifier en diesel. Des quantités sans commune mesure avec les quantités d’huile de palme destinées de l’alimentation humaine !
Notre illustration ci-dessous représente des graines de soja et est issue du site Fotolia. Lien direct : https://fr.fotolia.com/id/4534836.