L’agriculture mondiale convertie au bio nourrirait l’ensemble de l’humanité en mettant en culture 16 % à 33 % de terres en plus. Mais aussi en réduisant le gaspillage alimentaire et en encourageant la consommation de protéines végétales aux dépens de produits carnés. C’est le résultat d’une série de simulations présentées dans une étude parue dans la revue Nature Communication.
« L’agriculture biologique est proposée comme une approche prometteuse pour parvenir à des systèmes alimentaires durables, mais sa faisabilité est contestée à l’échelle planétaire. » Les auteurs de l’étude publiée par la revue Nature Communication intitulée Strategies for feeding the world more sustainably with organic agriculture tentent de démentir cet adage.
Sans faire du prosélytisme, ils défendent que l’agriculture de la planète, intégralement convertie au bio, pourrait nourrir l’ensemble de l’humanité en 2050. Alors que la production agricole devra avoir augmenté entre temps de 50 %.
Pour parvenir à cette conclusion, les auteurs de l’étude ont construit plusieurs scénarios d’évolution de l’agriculture mondiale en fonction de la part de la production agricole passée au bio. Et de ces simulations, il ressort que la conversion à 100 % de l’agriculture mondiale ne serait pas un obstacle pour garantir la sécurité alimentaire de la population mondiale.
Toutefois, pour compenser la baisse inéluctable des rendements dans les pays où l’agriculture est intensive, 16 % à 33 % de terres de la planète devront être mises en cultures en plus. Par ailleurs, la viabilité d’un tel scénario impose des changements d’habitudes alimentaires avec en priorité une réduction de moitié du gaspillage alimentaire (qui toutes formes confondues représente 30 % de la production agricole mondiale actuelle) et une consommation accrue de protéines végétales aux dépens de produits carnés, et de viandes rouges en particulier.
Dans ce scénario « 100 % bio », les pratiques d’élevage seraient aussi revues. Les ruminants seraient entièrement nourris à l’herbe et les monogastriques seraient alimentés de sous-produits de la production alimentaire, précisent les auteurs de l’étude.
Le fil directeur de la réflexion des auteurs de l’étude parue dans Nature Communication est une volonté de rendre l’agriculture mondiale durable, moins émettrice de gaz à effet de serre et plus respectueuse de l’environnement en consommant moins d’intrants. Et ce, sans approche dogmatique. Aucune réduction des moyens d’irrigation n’est envisagée dans chacun des scénarios présentés.
« Les auteurs ne peuvent pas être accusés d’être pro bio, confirme Harold Levrel, professeur à AgroParisTech interrogé par Le Monde. Ils ont choisi des hypothèses très conservatrices en considérant par exemple que la consommation d’eau est la même en bio qu’en conventionnel. »
Du reste, des scénarios alternatifs à une conversion totale de l’agriculture mondiale au bio, présentés dans l’étude de Nature Communication, sont chacun à leur façon, tout à fait viables.
« En fait, nous montrons à travers 162 scénarios ce qui est possible et à quelles conditions. La direction à suivre est ensuite un choix politique et de société », précise, toujours dans Le Monde, Christian Schader, un des auteurs de l’étude.
La conversion de la planète à l’agriculture biologique concernerait en premier lieu les pays développés et les grands pays agricoles, exportateurs nets. Dans les pays émergents, où l’agriculture de subsistance est majoritaire, la conversion au bio conduirait à l’adoption de pratiques agricoles plus performantes, écologiquement intensives et assises sur de meilleures connaissances agronomiques. Avec, à la clé, une hausse des rendements !
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