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Culture du blé et changement climatique, les variétés sahariennes sont la solution

Isolées, les caractéristiques des variétés sahariennes pourraient être transposées dans les variétés cultivées dans les grands bassins céréaliers de l’hémisphère nord pour les rendre plus résistantes au changement climatique.

Les populations de blé oasiennes (terme préféré à celui de variété car leurs critères ne sont pas spécifiquement définis) possèdent déjà les caractéristiques, dont les prochaines variétés de céréales cultivées dans les grands bassins céréaliers devront être dotées, pour que les agriculteurs des grands bassins de l’hémisphère nord poursuivent leurs cultures avec l’assurance d’obtenir de bons rendements. De nos jours, les conditions climatiques de plus en plus rudes, caractérisées entre autres par des pics de chaleur et des déficits hydriques importants, génèrent des baisses de production en quantité et en qualité.

Les céréales oasiennes cultivées depuis 5 000 ans résultent de sélections inter et intra-spécifiques, opérées entre populations d’origines différentes (inde, Moyen-Orient, etc.). Or comme « l’échange de semences avec d’autres régions du monde est resté limité jusqu’au siècle dernier, les populations de blé sahariennes ayant subi de fortes pressions de sélection naturelle liée aux contraintes particulières des oasis (chocs thermiques, sécheresse et salinité) ont alors développé une tolérance notable à ces stress abiotiques », écrivent Alain P. Bonjean, Philippe Monneveux et Maria Zaharieva, contributeurs de la 25e édition du Déméter (1). Autrement dit, la nature a sélectionné en quelques sortes ses propres modifications génétiques pour disposer de plantes résistantes à des conditions extrêmes !

L’analyse des ressources génétiques des populations de céréales oasiennes ne repose que sur quelques programmes de recherche ponctuels. Les auteurs de l’article « Les blé des oasis sahariennes : des ressources génétiques de première importance pour affronter le changement climatique » du Déméter 2019 en dresse quelque peu l’inventaire.

Selon eux, les céréales se distinguent par leur bon rendement photosynthétique. Les blé du Sahara présentent des rendements consistants, malgré un fort déficit en eau (pluies nulles à inférieures à 500 millimètres durant le cycle de végétation très forte évapotranspiration)

« Les blés oasiens pourraient contribuer également à l’amélioration du rendement potentiel d’autres variétés de blé », soulignent encore les contributeurs. Leurs performances équivalent celles obtenues en Australie après  200 années de sélection, depuis leur introduction du l’ile continent.

 « En Espagne, les croisements entre le blé à paille courte Klouf et les variétés de blé bon fermier et de seigle sont assez concluants », rapportent encore les contributeurs. Et la variété « Timimoun » tolère des concentrations de chlorure de sodium de 5 %. Or le Kazakhstan, l’Ouzbékistan  et le Pakistan sont confrontés à la salinisation de leurs sols.

Les trois auteurs soulignent aussi les spécificités morphologiques des populations oasiennes favorisant leur développement. 

« La pubescence de nombre de populations de blés oasis ainsi que la caractère barbu et compact des épis pourraient représenter, d’après Léon Ducellier des traits d’adaptation à des hautes températures. L’on peut également noter la leur tolérance à l’échaudage ». Ainsi, la variété oasienne El Klouf en Espagne tolère très bien les hautes températures au sud de l’Espagne.

Enfin, détail important, la tolérance aux conditions climatiques extrême ne s’est pas faite aux dépens des qualités boulangères des grains. Les populations Ali Ben Maklouf , El Mansori citées par les auteurs du chapitre du Démeter 2019 consacré aux ressources génétiques des céréale oasiennes présente d’excellentes qualités boulangères. Mais les travaux menés sont limités à quelques céréales. Toutefois, les résultats obtenus sont intéressants. « Dans certains blés oasiens, les combinaisons de gliadines et de gluténines rares et uniques (protéines du gluten) s’avèrent utiles dans l’amélioration de la qualité des grains », rapportent encore les contributeurs au Déméter.

Des populations de blé saharien menacées de disparition

Créer un consortium pour sauvegarder les ressources génétiques des populations de céréales cultivées dans les oasis sahariennes est le projet lancé par Alain P. Bonjean, Philippe Monneveux et Maria Zaharieva, les auteurs d’un des chapitres de la 25e édition du Déméter piloté par Sébastien Abis (1).

L’enjeu d’un tel projet est géopolitique. Il nécessite à la fois les collaborations des pays maghrébins et africains, de l’Union européenne et des grands pays producteurs et exportateurs de blé touchés par le réchauffement climatique. Les premiers rendront accessibles les populations de céréales cultivées dans les oasis tandis que les pays européens partageront leurs connaissances scientifiques pour ces ressources génétiques. Une collaboration active bénéficiera à tous ces pays puisque l’enjeu est de sélectionner des variétés résistantes et productives pour renforcer, selon les situations de chacun d’eux, leur sécurité alimentaire et leurs capacités de production.

Il est urgent d’agir. Depuis quelques dizaines d’années, ces populations de céréales oasiennes sont menacées de disparition. Les échanges commerciaux s’intensifient, de nouvelles variétés de céréales se répandent tandis l’agriculture oasienne est délaissée. Sa production est insuffisante pour couvrir les besoins croissants des populations en plein essor démographique. L’urbanisation épuise les ressources disponibles en eau et empiète sur les terres agricoles.
 

(1) Le Déméter 2019 – « Les blés des oasis sahariennes : des ressources génétiques de première importance pour affronter le changement climatique » écrit par Alain P. Bonjean (Consultant international), Philippe Monneveux (Consultant international) et Maria Zaharieva (Consultante internationale).

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