broutards

Crise du coronavirus, les marchés agricoles désorientés

Les agriculteurs ont commencé à percevoir les répercussions de l’épidémie du covid-19 bien avant que les mesures de confinements aient été prises en France. Les marchés agricoles réagissent à chaque nouvelle annonce faite dans un pays.

La situation étant inédite, il est impossible de savoir si les tendances observées sur les marchés agricoles dureront ou pas. Chaque filière réagit différemment à l’expansion de l’épidémie du coronavirus alors que les fluctuations des monnaies ajoutent de l’incertitude, ce qui rend encore moins lisible l’orientation des marchés.

Les céréales

Il y a quinze jours, les prix des céréales avaient fortement baissé. « Les marchés ont fait preuve d’une extrême réactivité lorsque l’épidémie du Covid-19 s’est répandue dans le monde », constatait alors Gautier Le Molgat, directeur d’Agritel, société de conseil en stratégie. Sur les principales places de marché, les prix des céréales ont perdu en quelques jours ce qu’ils avaient gagné depuis la fin de l’année passée, portés par le dynamisme des échanges commerciaux. En Europe, la hausse de l’euro a accentué le mouvement de baisse des cours, rendant les céréales françaises moins compétitives. A Rouen, les prix de la tonne de blé et d’orge fourragère étaient de nouveau sous les seuils de 180 € et de 150 € le 6 mars dernier. A l’époque aucune mesure de confinement n’avait alors encore été prise.

Quinze jours plus tard, les problèmes logistiques de plus en plus prégnants font craindre aux opérateurs des difficultés d’approvisionnement des entreprises de transformation. Les denrées commencent à manquer. Aussi, les cours des céréales ont subitement regagné, à la fin de la semaine dernière et en trois jours, une bonne partie du terrain perdu deux semaines auparavant.

Pour autant, les prévisions de la Commission européenne et du Conseil international des céréales sont rassurantes. Les deux organisations n’ont pas revu à la baisse leurs chiffres en matière d’échanges commerciaux. Au contraire, FranceAgriMer a de nouveau revu en hausse, le 11 mars dernier, les prévisions de ventes de céréales françaises vers l’Union européenne et les pays tiers.

Il reste à savoir à quels prix seront vendus ces grains d’ici la fin de la campagne. Alors que les parités des monnaies ont fortement fluctué. L’euro a perdu 6-7 centimes par rapport au dollar par exemple ces derniers jours.

Fin juin, la France devrait avoir expédié vers ses pays voisins de 8,1 Mt (+ 0,7 Mt par rapport à 2018/19). Selon FranceAgriMer, les prévisions d’exportations de blé tendre français vers les pays tiers à fin de campagne sont portées à 12,7 Mt (+ 3 Mt par rapport à 2018/19). 8 Mt sont déjà exportées au 1er mars 2020. De nombreux appels d’offres sont lancés par les pays importateurs.

En important 1,7 Mt d’orges et de blé, la Chine est devenue un partenaire commercial français important.

Filières animales

Parmi les filières animales, celle du porc est emblématique de la crise sanitaire  planètaire. A Plérin, le prix du porc évolue au gré de l’évolution et de l’expansion de l’épidémie du Covid-19 d’Asie vers l’Union européenne. Les débouchés sont de plus en plus restreints. Mais pas seulement !

Au fil des jours, les problèmes logistiques sont de plus en plus prégnants, créant des tensions sur les marchés. Des animaux ne sont pas vendus. La filière porcine doit se réorganiser.

La restauration hors domicile est à l’arrêt et la chaine de transformation fonctionne au ralenti car les salariés sont soumis à de nouvelles conditions de travail pour tenter de se protéger contre le virus.

Mais les cours étaient si élevés qu’à 1,56 € le kilogramme sur le marché de Plérin à  la fin de la semaine dernière, les producteurs ont les moyens de couvrir leurs frais.

Depuis huit jours, la filière laitière prend de plein fouet la crise sanitaire du COVD-19. « La perspective d’une nouvelle crise économique mondiale suite à crise sanitaire due au Covid-19 pourrait dégrader la solvabilité des principaux pays importateurs, notamment les producteurs de pétrole, et par voie de conséquence l’équilibre des marchés mondiaux des produits laitiers », analyse l’Institut de l’élevage dans une note de conjoncture parue au début du mois de mars (Tendances Lait Viande N°310- mars 2020).

La France devrait produire cette année 24 milliards de litres de lait et l’Union européenne 169 millions de tonnes de lait. Mais quelques semaines après l’émergence de la crise sanitaire, il est évidemment impossible d’envisager quel sera l’impact de la crise sanitaire sur la production de lait en termes de volume et de prix évidemment.

Tous les regards sont portés sur l’évolution des cours du beurre, de la poudre de lait et des sous-produits déjà orientés, pour certains, à la baisse. Une dégradation de la conjoncture économique des pays exportateurs et importateurs de produits laitiers se traduirait immanquablement par une baisse du prix du lait payé aux producteurs serait amené à baisser.

Les pays producteurs de pétrole n’auront bientôt plus les moyens d’acheter autant de produits laitiers qu’il y a encore quelques mois si les cours du pétrole restent durablement bas. Le prix du baril du pétrole est inférieur de 35 dollars à son niveau du début de l’année.

Mais à l’échelle des exploitations, la baisse du prix du lait dépendra du mix produit des entreprises auxquelles ils livrent leur lait.

Le cas particulier des broutards

En production de viande bovine aussi, les éleveurs se demandent comment la crise sanitaire impactera la filière. En Dordogne, des producteurs vont élever les broutards qui n’ont pas pu être expédiés en Italie.

Dans les bassins de production, les éleveurs sont dans l’expectative. Des pressions sont parfois exercées sur eux pour qu’ils acceptent de vendre leurs animaux moins chers alors que la situation ne le justifie pas.

Or les enjeux sont importants. La France a exporté en 2018 (derniers chiffres connus) 1,13 million de broutards mâles et femelles et 269 000 veaux.

En Italie, le principal débouché des broutards français (90 % des ventes), la crise sanitaire modifie les habitudes alimentaires des consommateurs et par conséquent des achats de viande. 

« Les restaurants étant fermés et les familles italiennes devant rester à domicile jusqu’au 3 avril en raison de la fermeture des écoles et des universités, les achats en GMS et en boucherie sont en hausse…», analyse l’Institut de l’élevage dans sa note de conjoncture N°310 de mars 2020.

« Ce report sur la consommation à domicile devrait bénéficier à la viande issue de broutards français engraissés en Italie qui constitue le gros des volumes en grande distribution ainsi qu’aux viandes françaises….. Mais les viandes d’autres origines, comme la viande polonaise commercialisée principalement en restauration hors domicile, risquent de se retrouver bradées ce qui pourrait provoquer une pression générale sur les prix ».


Ci-dessous, les broutards, un cas à part dans les échanges des marchés agricoles internationaux.

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