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Comment cultiver des salades avec des poissons

Osmose. C’est le nom de la première ferme aquaponique française qui ouvrira le 12 septembre 2016 en Auvergne. L’aquaponie combine la pisciculture et la culture de plantes hors sol pour booster les rendements tout en protégeant l’environnement.

Photos et vidéos en fin d’article

« L’idée est simple, mais c’est très technique », prévient d’emblée Florian Mary. Avec sa compagne Jessica Jamon, ils ouvriront la première ferme aquaponique française dans quelques mois dans l’Allier. Un projet de vie original pour ces deux jeunes diplômés en psychologie qui rêvaient de devenir agriculteurs. Pour apprendre les bases de ce mode de production innovant, ils se sont formés dans une ferme québécoise pendant plusieurs mois : « Les propriétaires avaient dix ans d’expérience. C’est assez exceptionnel car beaucoup de fermes en aquaponie n’atteignent jamais le stade de la rentabilité. Il faut dire que la moindre erreur détruit toute la production… Certains ont investi des millions d’euros dans des fermes gigantesques puis ont tout perdu car ils avaient oublié de rebrancher l’alarme », expliquent-il.

Les déjections des poissons transformées en nutriments pour les plantes

De retour en Auvergne en 2013, Florian Mary et Jessica Jamon élaborent un système simplifié dans leur garage pour effectuer leur première étude de marché. Le principe de ce circuit fermé est le suivant : l’eau des poissons est filtrée avant d’être envoyée dans les plantes, puis l’eau retourne oxygénée dans le bassin. Les bactéries transforment les déjections en nutriments pour les plantes. En retour, les plantes offrent aux poissons de l’eau purifiée. Il suffit donc de nourrir les poissons pour faire pousser les légumes !

« Notre prototype a été nécessaire pour ajuster les choses. Dans notre cas, nous avons constaté que nos salades se conservaient mal. Nous avons donc amélioré le dispositif pour accroître la qualité. Ensuite, nous avons proposé nos salades à de grands chefs étoilés de la région. Nous n’avons eu que des retours positifs. Ça fait plaisir de voir des étoiles dans leurs yeux quand ils goûtent nos salades ! », sourit Florian Mary. Il faut dire que les multiples variétés d’Osmose (notamment anciennes) sont sélectionnées spécifiquement pour leurs qualités organoleptiques. « L’hydroponie a une mauvaise image en France. On pense tout de suite aux immenses serres qui produisent des tomates sans goût. Mais la qualité vient des variétés, pas de l’hydroponie. Enfin, pour la conservation, nous utilisons un système de refroidissement très lent », précise-t-il.

Des plantes bien dans leur bain

En aquaponie, les paramètres sont optimisés du début à la fin de la culture, contrairement en plein champ où de multiples facteurs peuvent varier. Les légumes sont donc gorgés de vitamines et de minéraux. « Les plantes ne sont jamais stressées et elles peuvent s’épanouir plus facilement. L’écosystème des bassins est très riche, ce qui est moins le cas des cultures strictement hydroponiques. On voit souvent des insectes minuscules dans l’eau de nos laitues. Mais nous n’avons pas subi d’attaques d’insectes depuis que nous avons amélioré le système. En effet, le taux de sucre des plantes est très supérieur, ce qui est le signe d’un bon mécanisme de défense. »

Après avoir testé de nombreux légumes, le couple s’est concentré sur les salades. « Nous visons clairement le haut de gamme. Les légumes feuilles conviennent bien à l’aquaponie. Pour l’instant, nous fournissons des grossistes pour poursuivre notre étude de marché. Nous produisons 100 salades par semaine pour un coût d’environ un euro pièce. A court terme, nous recherchons un local de 1000 m2 pour produire 5000 salades par semaine avec 100 truites dès le mois de septembre. Ce serait une première en France. Notre système performant permettrait de produire 500 salades par mètre carré par an sans traitement chimique », projette Florian Mary.

Des truites arc-en-ciel

Florian Mary et Jessica Jamon ont opté pour les truites arc-en-ciel qu’ils élèvent sans antibiotiques ni vaccins. « Comme nous sommes en Auvergne, nous ne voulions pas élever des poissons d’eau chaude. Les truites arc-en-ciel sont exigeantes mais robustes. Soit, nos coûts de production sont supérieurs aux truites élevées en pisciculture, mais nous avons l’assurance d’obtenir de bons résultats », certifie Florian Mary.

Nous avons fait appel à un consultant pour déterminer le nombre de poissons optimal du système Osmose… « Ils nous ont donné quatre chiffres différents ! Finalement, un consultant en aquaponie a trouvé la bonne formule. Il a étudié la question pendant dix ans mais il n’exerce plus aujourd’hui. Il n’y a aucun modèle pour se lancer et c’est très difficile de dimensionner correctement l’équilibre entre les bactéries, les poissons et les cultures », avoue Florian Mary.

Un atelier exigeant mais performant

Avec sa compagne, il travaille environ 50 heures par semaine : ils nourrissent les poissons deux fois par jour, plantent deux fois par semaine et repiquent les salades deux ou trois fois. « Une fois le système en place, les opérations sont très simples à réaliser. Mais il faut être un peu Mac Gyver et maîtriser la plomberie et l’électricité car il y a toujours quelque chose à réparer », conseille Florian.

Leurs investissements s’élèvent déjà à plusieurs milliers d’euros (une collecte Ulule a permis de réunir 2790 euros). Quant aux factures d’eau et d’électricité, elles ne sont pas si dantesques. « Bien sûr, il y a un coût mais il faut aussi prendre en compte les économies de phyto. De plus, nous économisons 95% d’eau par rapport à une culture en pleine terre. Nous n’utilisons la lumière artificielle que quelques heures par jour en hiver et nous mesurons la luminosité pour ajuster la consommation », précise-t-il.

Le projet Apiva

En mars 2015, le ministère de l’Agriculture s’est impliqué dans le premier programme de recherche sur l’aquaponie : Apiva (AquPonie Innovation Végérale et Aquaculture), conduit notamment par l’Inra, la station horticole du Ratho, l’Institut technique de l’aviculture et le lycée agricole de la Canourgue (Lozère). Durant trois ans, l’objectif d’Apiva est de tester et d’évaluer les différents systèmes aquaponiques pour envisager un transfert de technologie vers les professionnels. Le manager du projet, Laurent Labbé, a reçu en 2014 les lauriers Inra.

Les essais sont effectués notamment sur des productions de poissons en eau froide (truite-salade) et chaude (tilapia-basilic) pour évaluer les performances zootechniques et phyto-technique de la circulation de l’eau épurée par les plantes. Les chercheurs évalueront l’opportunité pour les pisciculteurs d’utiliser des cultures végétales pour réduire leurs rejets d’azote et de phosphore. A suivre !

A l’origine, une tradition asiatique

L’association des cultures et de la pisciculture n’a rien de nouveau, puisqu’elle s’inscrit dans une tradition multiséculaire asiatique (et que l’on retrouve également en Amérique chez les Aztèques) : l’élevage de poissons dans les rizières. Le riz fournit de l’ombre et de la nourriture aux poissons. En retour,  les poissons génèrent de l’engrais, assure une régulation des conditions microclimatiques, ramollit le sol, agite l’eau, mange les larves et les mauvaises herbes dans les parcelles inondées.

Un plat chinois d’argile datant de la dynastie Han (il y a 2000 ans) montre déjà un poisson nageant d’un étang jusqu’à la rizière ! Après avoir été abandonné, notamment en Chine durant la Révolution verte des années 1970, le système riz-poisson a été identifié comme « système ingénieux du patrimoine agricole mondial » par le programme de développement agricole des Nations Unies FAO-Unesco-UNDP-GEF. Une étude réalisée par le chercheur Jian Xie en 2011 a démontré qu’à rendement égal, la double culture permettait d’économiser 68% de pesticides et 24% d’engrais par rapport à la monoculture du riz.

 

En savoir plus : http://www.projet-osmose.com/language/fr (site du projet Osmose) ; http://aquaponie-pratique.com (site d’info sur l’aquaponie) ; http://aquaponie.net (autre site renseignant sur l’aquaponie) ; http://www.fao.org/zhc/detail-events/fr/c/325839 (conseils de la FAO sur l’aquaponie) ; http://horizon-durable.ch/blogarticle-733-des-poissons-dans-les-rizieres-un-exemple-d-agriculture-durable.html (article d’une revue suisse sur l’exemple des poissons dans les rizières).

Les photos

Ci-dessous, Florian Mary et Jessica Jamon soulèvent une planche avec des salades pour montrer que leurs racines trempent dans l’eau des poissons. (toutes les photos qui suivent ont été fournies par Osmose)

Le principe, des racines qui baignent dans l’eau des poissons.

Les vidéos


VIDEO. L’aquaponie se développe en France

Ci-dessous, vidéo de la pratique ancestrale, toujours d’actualité, de poissons dans les rizières en Asie.

 

1 Commentaire(s)

  1. Bonjour,
    j’ai moi même acheté un Vegidair , c’est un potager high tech à domicile, c’est absolument génial franchement. La Led et la pompe à eau sont totalement automatiques c’est super pratique et design. Essayez vous à l’hydroponie c’est génial.Je vous laisse le lien sur le site Vegidair si vous voulez jeter un coup d’oeil http://www.vegidair.co/
    Une belle journée
    Jean Michel

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