Pierre Morel-A-L’Huissier, député Les Républicains de la Lozère, membre du Conseil National d’Evaluation des Normes (CNEN) et auteur d’une proposition de loi portant création des principes d’adaptabilité et de subsidiarité en vue d’une mise en œuvre différenciée des normes en milieu rural, dénonce le normes absurdes et disproportionnées qui tuent l’activité des agriculteurs et préconise pour y remédier de mettre en place le principe d’adaptabilité des normes.
Si l’on parle beaucoup de la chute des prix pour justifier les difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs français aujourd’hui, on omet trop souvent de mentionner qu’ils croulent sous le poids des normes pléthoriques et parfois absurdes qui sont autant de freins à leur activité.
Qu’elles soient sanitaires, administratives ou environnementales, ces normes imposent un carcan rigide qui ne tient pas compte des particularités et de la diversité des activités agricoles, notamment lorsqu’il s’agit de petites exploitations.
Les agriculteurs sont avant tout des chefs d’entreprise qui souffrent, comme le reste des acteurs économiques français, de l’excès de réglementation.
Les exemples de normes inappropriées ou disproportionnées ne manquent pas : refus de l’agrément d’un abattoir car un clou dépasse du mur, que le ventilateur est mal placé ou qu’il y a trop de bottes dans le vestiaire, impossibilité de vendre du lait cru au-delà de 80 kilomètres à la ronde, tracasseries administratives liées au compte pénibilité, aux équipements de protection individuelle (EPI), aux zonages environnementaux…
Les agriculteurs sont ensevelis sous les contrôles en tout genre et asphyxiés par des normes toujours plus kafkaïennes qui peuvent peut-être correspondre aux enjeux des plus grosses structures mais sûrement pas à ceux des petites exploitations.
Notons que ce qui est vrai pour les agriculteurs l’est aussi pour les artisans, les commerçants, certains professionnels indépendants, les hôteliers restaurateurs et les collectivités locales qui sont véritablement engluées dans la complexité des normes, notamment au niveau les ERP (Etablissements recevant du public).
Au regard de ce constat, des rapports ont été effectués, des lois de simplification ont été présentées, notamment par Jean-Luc Warsmann et Etienne Blanc (*). Mais la méthode du « déstockage normatif » n’est pas assez efficace ni suffisamment rapide : il faudrait plus de 20 ans de travail législatif pour corriger les excès.
Lors de sa campagne présidentielle en 2012, le candidat Hollande promettait de mettre en œuvre un « choc de simplification », qui a finalement disparu des écrans radars à l’exception de quelques mesures de façade.
Pourtant, lorsque l’on sait que l’OCDE établit à 3 points de PIB, soit 60 milliards d’euros, le coût de la complexité des normes en France, on comprend qu’il est urgent d’agir.
Puisque supprimer les unes après les autres les normes qui entravent l’activité économique et agricole serait bien trop long, il faudra donc faire avec toutes ces normes, mais en les adaptant aux situations particulières. La seule solution réside en effet dans la création d’un nouveau principe juridique, le principe d’adaptabilité.
Partant du principe d’égalité qui régit notre état de droit et qui impose qu’à situation égale, traitement égal, rien n’interdit de traiter différemment des situations qui ne sont pas identiques.
Conseil Constitutionnel et Conseil d’Etat en admettent le principe, en exigeant que les pouvoirs d’adaptation, voire de dérogation, soient juridiquement encadrés, d’où la création du nouveau principe d’adaptabilité.
Ce principe peut être mis en pratique, soit par des lois qui prévoiraient des adaptations spécifiques au milieu rural, au coup par coup, soit à travers des expérimentations que la Constitution permet, soit enfin par l’adoption d’un principe général d’adaptation qui serait constitutionnellement encadré par une loi organique et qui permettrait au Préfet, dans chaque département, de compenser telle ou telle mesure dès lors que les contingences locales complexifient l’application d’une norme, pour des raisons techniques ou de surcoût financier exorbitant.
Pour redonner du souffle à nos agriculteurs, nous devons leur permettre de gagner en flexibilité par rapport à ces normes qui les asphyxient. Prendre en compte les spécificités de chaque exploitation, fixer un cadre juridique clair pour permettre des adaptations intelligentes, ce n’est qu’à ce prix que nous sauverons la richesse et la diversité de l’agriculture française.
En savoir plus : http://www.acteurspublics.com/2016/02/11/pierre-morel-a-l-huissier-etre-elu-depute-demande-de-s-approprier-les-regles-liees-a-cette-fonction (Pierre Morel-A-L’Huissier est auteur d’un ouvrage intitulé « Etre député aujourd’hui« , sous-entendu en milieu rural, la Lozère étant un département si peu peuplé qu’elle n’a plus qu’un député) ; http://www.maire-info.com/UPLOAD/FICHIERS/normessyntheserapport.pdf (Pierre Morel-A-L’Huissier fut auteur d’un rapport destiné au Président de la République en 2012 sur toutes les problématiques de normes en milieu rural) ; https://www.nosdeputes.fr/14/pierre-morel-a-l-huissier/dossier/565 (les interventions à l’Assemblée nationale du député sur la création des principes d’adaptabilité et de subsidiarité).
Un principe d adaptabilité doit poser la question de la gouvernance. Comment seront décidées ces adaptations locales? On sait que les déclinaisons locales ne sont pas forcément favorables aux agriculteurs. Il Suffit de penser au droit de planification des usages de l eau comme les sdage et les sage qui sont déjà des règles locales discutées en local. Attention également car à force de faire des déclinaisons locales on va vers des us et coutumes locales comme avant la révolution française. Le local et donc l adaptation locale ne veulent pas dire du mieux par principe. Et attention aussi au fait qu en matière de police de l eau les déclinaisons locales signifient des normes plus sévères. Justifiées certes mais plus sévères. Bref quand on raisonne en principe juridique il faut aussi raisonner en droit.
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Les normes ne devraient pas être conçues comme des limites absolues dont le franchissement ferait plonger dans l’illégalité et la répression.
Il faudrait leur attribuer un caractère relatif de « repères », d’autant plus qu’elles sont fixées de manière arbitraire bien plus que scientifique. En l’état actuel des sciences et de la complexité des systèmes auxquelles elles doivent se confronter, l’incertitude est « de rigueur » et donc aussi le doute.
Je soutiens donc clairement ce nouveau principe d’adaptabilité.