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Céréales, réussir son désherbage d’automne

Privilégier un désherbage précoce est une stratégie gagnante pour maintenir le potentiel de rendement, tout en diversifiant les modes d’action des herbicides.

Le succès des désherbages dépend pour beaucoup de l’humidité des sols.

C’est une tendance lourde depuis une petite dizaine d’année, le désherbage des céréales se fait plus précocement avec des interventions dès l’automne.

Plus de la moitié des surfaces de céréales sont désormais désherbées dès l’automne. Face à la dérive d’efficacité des désherbages de sortie d’hiver (résistance aux inhibiteurs de l’ALS ou encore ACCase, problème des vulpins et ray grass, graminées difficiles à éliminer et pénalisantes), un désherbage précoce prouve tout son intérêt pour agir sur des adventices jeunes, avant que leur concurrence ne pénalise les différentes composantes du rendement. Arvalis estime à 10 % la perte de rendement supplémentaire en restant sur un désherbage de sortie d’hiver.

« Mieux vaut investir 80 € à l’automne qu’attendre le printemps, recommande Anne-Sophie Becue, chef de marché herbicide céréales chez Adama. Il y a toujours des risques, en cas de fortes pluies après, avec le froid qui peut sensibiliser les plantes. Ces risques sont à prendre en compte pour obtenir une bonne efficacité. Les bénéfices d’un désherbage à l’automne sont particulièrement importants face aux vulpin et ray grass. »

Selon la flore et le niveau de salissement, le désherbage d’automne se fera à des stades très précoces, prélevée ou 1 feuille, puis un rattrapage en sortie d’hiver. En cas de forte densité de graminées ou de problème de résistance, il faudra envisager une intervention en prélevée puis en post levée précoce. Le désherbage se doit de viser les 100 % d’efficacité afin d’éviter d’accroitre le stock semencier et de sélectionner des adventices résistantes.

Pas facile en automne sec

Le succès des désherbages d’automne dépend pour beaucoup de l’humidité des sols. En effet, la plupart des molécules utilisées en automne (flufenacet, pendiméthaline, chlortoluron, prosulfocarb) ont un mode d’action racinaire. Il faut donc suffisamment d’eau dans le sol pour que les matières actives puissent migrer vers les racines des adventices.

« Malgré les sols secs de l’automne dernier, les désherbages de prélevée ont gardé plus d’efficacité que ce qu’on aurait pu craindre, souligne Ludovic Bonin, spécialiste de la lutte contre les adventices chez Arvalis. Avec le retour des pluies début novembre, les levées d’adventices ont été plutôt groupées. Bien positionnés, les herbicides ont bien fonctionné. Face à ce type de conditions sèches, il ne faut pas hésiter à décaler ses semis. »

« Il y a eu un peu plus de variabilité d’efficacité l’automne dernier mais les interventions d’automne sont restées efficaces », concède Anne-Sophie Becue, qui note aussi des décalages de semis.

Ne pas oublier les dicotylédones

Si la gestion des graminées se fait essentiellement à l’automne, il ne faut pas pour autant baisser la garde face aux dicotylédones. Notamment parce que, depuis que les désherbages d’automne se généralisent, on note une évolution des flores.

« Cette année, il y a aussi beaucoup de folle avoine, qui lève au printemps, remarque Mathieu Vaisset, chef de marché herbicides chez Corteva. Il y a un vrai intérêt du désherbage d’automne, surtout contre vulpin et ray grass. Mais il ne faut pas négliger les dicotylédones qui sont plutôt une flore de printemps, avec une recrudescence des chardons, rumex, des vivaces de printemps. »

Face à ces adventices, Mathieu Vaisset conseille de « se garder une cartouche » pour le printemps « en associant des interventions aux deux périodes, automne et sortie d’hiver, pour viser le 100 % propre, nécessaire pour ne pas réalimenter le stock semencier ».

Face à ces dicotylédones de printemps, Corteva agrisciences suit de près l’apparition de résistances aux ALS, des doutes sur les auxines. « Nous avons mis en place un réseau de suivi pour le coquelicot, la matricaire, le gaillet, explique Mathieu Vaisset. Nous voulons suivre l’apparition des résistances pour anticiper de nouvelles stratégies et éviter de se retrouver avec les mêmes problèmes que pour le ray grass et le vulpin ».

Graminées ou dicotylédones, il faut penser alternances des molécules et allongement des rotations.  

Quelques conseils pour gagner en efficacité

Pour pérenniser l’efficacité des désherbages, il faut penser à associer et alterner les modes d’actions :

  • Limiter l’utilisation d’herbicide à risque fort de résistance (au maximum un inhibiteur de l’ALS, HRAC B, et un inhibiteur d’ACCase, HRAC A, par an).
  • Introduire un herbicide non sujet à résistance. Aussi bien graminées que dicotylédones présentent des populations résistantes aux herbicides du groupe HRAC B. En plus de la résistance HRAC A pour certaines graminées (vulpin, ray grass, folle avoine).
  • Le labour est efficace en cas de forte infestation mais il ne faut y avoir recours qu’une fois tous les 3 à 4 ans pour ne pas trop perturber vie biologique du sol.
  • De bonnes pratiques agronomiques restent la base pour contenir les adventices : allonger les rotations en introduisant des cultures de printemps, pratiquer des faux semis, décaler les dates de semis d’une dizaine de jours dans les parcelles les plus portantes, combiner désherbage mécanique et chimique.

nouveautés avec des molécules différentes

« Ça faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu autant de nouveautés, avec des molécules différentes, apprécie Ludovic Bonin. Malgré un coût en hausse autour des 65-70 €/ha, ces nouveautés apportent un plus en terme d’efficacité et d’alternances des modes d’action. »

Mateno de Bayer, sur blé, introduit une nouvelle molécule, l’aclonifène, qui n’avait jusqu’alors pas été utilisée sur blé. Il agit par contact, ce qui lève, un peu, les contraintes sur le besoin d’humidité. Mateno présente un large spectre « »graminées et dicotylédones », il est efficace contre le vulpin mais également le ray grass. Préconisé en prélevée, il peut aussi être utilisé en post levée, avec un positionnement idéal à 1 feuille. Pour Ludovic Bonin, « si Maténo est cher, 78€/ha, il est aussi efficace sur ray grass qu’un Fosburi plus un autre produit en association, par exemple du chlortoluron, donc on arrive à un coût de désherbage équivalent ». 

Autre nouveauté chez Bayer, Xinia qui associe du flufenacet, du diflufenicanil et de la métribuzine. A utiliser en post levée précoce, très efficace en association avec du prosulfocarb (mais association non cautionnée par la firme). Xinia est homologué sur toutes les céréales à paille. « Ce qui est intéressant pour blé dur, pour lequel on n’avait que peu de produits », note Ludovic Bonin.

Merkur, d’Adama, associe flufenacet et diflufenicanil et pendiméthaline, trois molécules avec trois modes d’actions différents, pour une formulation innovante avec un réel gain d’efficacité. A utiliser en solo ou associé, par exemple à Défi, Merkur est homologué en post-levée à 1 feuille, sur toutes les céréales à paille, sauf blé dur.

« Son spectre est large, souligne Anne-Sophie Becue. Il est très efficace contre ray grass et vulpin. Il gère aussi les dicotylédones comme coquelicots, véroniques, pensées. »

Dans les essais d’Arvalis, Merkur présente la meilleure efficacité. Il complète la gamme d’Adama avec Trinity en prélevée et Constel en post-levée précoce.

BASF lance Pontos, à base de flufenacet et picolinafen. Pontos est efficace contre vulpin et ray grass et apporte un complément d’action sur les dicotylédones, comme le coquelicot ou le gaillet. Il s’utilise de la prélevée à la post levée précoce, jusqu’à 3 feuilles.

Ludovic Bonin estime que « Mateno et Merkur sont, en terme d’efficacité, un cran au-dessus de Fosburi, qui était la référence jusqu’à présent. Pontos est l’équivalent de Fosburi ».   

Cécile Julien

 

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