bail rural et coronavirus

Bail rural et Covid-19, report des délais

La pandémie qui a pris de court le monde entier et qui nous a fait entrer un peu groggy, le 17 mars 2020 à midi pile, dans une période de « distanciation sociale » jusqu’à nouvel ordre, touche tous les plis de notre vie personnelle, sociale, professionnelle. Le monde agricole ne fait pas exception.

L’on assiste avec un plaisir non dissimulé alors qu’il n’y a pas si longtemps, l’agriculture et les femmes et les hommes qui la font étaient taxés sans distinction de détruire la planète, à la manifestation, à la suite d’un appel du ministre de l’Agriculture, de milliers de candidatures à venir en aide aux exploitants agricoles pour les récoltes en cours, par solidarité, besoin de sortir de ce confinement pour la « bonne cause » ou besoin pour un temps, de goûter à nouveau le goût qui semble déjà si loin, d’une « vie normale ».

Dans ce contexte étrange de fin de monde ou de colère des dieux quels qu’ils soient, le gouvernement s’est affairé à rendre une série d’ordonnances pour gérer les affaires courantes et l’écoulement du temps qui en matière juridique peut avoir des conséquences sérieuses sur les droits de chacun.

Ainsi l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

Attachons-nous à ce qu’elle contient et qui pourrait toucher la matière du statut des baux ruraux.

Des dispositions générales de prorogation des délais

Les délais concernés sont ceux qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire voté par le Parlement le 22 mars 2020.

Cet état d’urgence est entré en vigueur le 24 mars 2020 pour une durée de 2 mois sur l’ensemble du territoire national. Il se terminera donc le 24 mai 2020.

Cette ordonnance vise donc les délais impartis entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020.

Un report général des échéances et des termes

L’article 2 de l’ordonnance est rédigé comme suit.

Il prévoit un mécanisme de report de terme et d’échéances prévus par les lois et règlements (a contrario, pas les délais fixés spécifiquement par un contrat).

Cet article a vocation à s’appliquer au Statut des baux ruraux dès lors que son régime est pour une grande partie d’ordre public c’est-à-dire qu’il ne peut y être dérogé par une stipulation contractuelle.

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »

A titre d’exemple, si le délai de 18 mois de l’article L 411-47 du Code Rural et de la Pêche Maritime pour s’opposer au renouvellement du bail et délivrer congé au preneur devait expirer entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020, le congé sera réputé avoir été fait dans les délais impartis, s’il est délivré par acte extra-judiciaire le 24 août 2020 au plus tard.

Cette ordonnance prévoit également en son article 5 une prolongation des conventions.

Ainsi, de la même manière, une prolongation de deux mois – après la fin de la période juridiquement protégée qui doit expirer le 24 juin 2020 (24 mai plus un mois) – des délais pour résilier ou dénoncer une convention est prévue lorsque la résiliation ou l’opposition à son renouvellement devaient avoir lieu dans une période ou un délai qui doit expirer avant le 24 juin 2020.

Cette disposition a vocation à s’appliquer aux contrats de prêts à usage ou commodats, bien connus du monde agricole et des bailleurs qui ne souhaitent pas être régis par le Statut.

Les avocats restent mobilisés pour vous assister et vous conseiller durant le confinement. Prenez soin de vous, restez chez vous !

Isabelle Gaye
Avocat spécialiste en Droit rural
Toulouse

[email protected]
www.avocat-isabellegaye.fr

Cet article est également paru sur http://avocat-isabellegaye.fr/index.php/2020/03/30/baux-ruraux-et-covid-19.

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