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Argentine, la ruée vers le soja

La demande mondiale en soja soutient les prix et fait le jeu de l’Argentine qui dispose d’atouts pour produire massivement. Non sans poser quelques problèmes de durabilité.

37 000 hectares en 1971, 8,3 millions d’hectares en 2000, 20 en 2012, soit plus de 50 % de la sole arable C’est une véritable ruée sur le soja à laquelle s’est livrée l’Argentine au cours des 40 dernières années.

Les surfaces de soja ont été en grande partie conquises sur les surfaces en herbe et dans une moindre mesure sur le blé, tombé à 3 millions d’hectares en 2012, contre plus de 6 au début des années 2000. Le climat argentin est propice à la culture du soja sur une partie importante du territoire, de la Pampa à la frontière Nord, autorisant l’utilisation de variétés d’indice de précocité en moyenne de 4, sur une échelle de 0 à 9 (00 ou 1 en France). Le développement de la culture du soja est concomitant au développement du semis direct.

« Le semis direct est apparu en Argentine en 1978, indique Daniel de Laguarigue, ingénieur agronome français et représentant de Florimond-Desprez en Argentine. Grâce au semis direct, on peut cultiver des céréales et oléagineux sans être obligé d’intégrer une prairie dans la rotation. Ce faisant, l’élevage s’est déplacé vers les zones montagneuses du nord-est et du nord-Ouest après défrichage. Le semis direct est pratiqué aujourd’hui sur 80 % des terres arables.« 

Au passage, le savoir-faire acquis en la matière permet à l’Argentine de compter plusieurs constructeurs de matériel spécialisés et reconnus (Agrometal, Bertini, Juri…). Autre pendant industriel : le port de Rosario, situé à 300 km en amont de Buenos-Aires sur le fleuve Parana, accueille le plus important complexe de trituration de graines de soja au monde.

21 à 28 quintaux par hectare

Cultivé en sec, le soja enregistre en Argentine des rendements compris entre 21 et 28 quintaux par hectare, selon les terres et les années (26 quintaux par hectare sur 42 000 hectares en France en 2013). L’utilisation de semences génétiquement modifiées est autorisée depuis 1996 et l’intégralité des semis de soja s’opère avec des semences tolérantes au glyphosate ou au glufosinate. Le soja, espèce autogame, est d’autant plus intéressant que les agriculteurs argentins n’utilisent des semences certifiées Roundup Ready que pour environ 20 % de leurs emblavements. Ils ne paient par ailleurs aucune royaltie sur les 80 % de semences fermières, contrairement aux agriculteurs brésiliens, qui s’acquittent d’une amende de 2 % sur les livraisons de graines non issues de semences certifiées.

La monoculture de soja n’est pas le modèle de tous les agriculteurs argentins, conscients pour certains des limites du système. « La monoculture favorise le développement d’adventices résistantes au glyphosate, non par mutation mais par sélection, indique Martín Descalzo Souto, ingénieur agronome au sein de l’Aapresid, une association prônant l’agriculture de conservation. Pour conserver les atouts de la combinaison Ogm et semis direct, il est indispensable de préserver la rotation, et notamment le blé, qui a l’avantage de couvrir le sol durant une relative longue période avant de laisser des résidus en quantités importantes. » L’Aapresid estime que 25 % seulement des terres sont gérées en rotation. Dans l’Uruguay voisin, qui n’applique pas de taxes sur les graminées telles que le blé, la rotation est pratiquée à 100 %.

4 ou 5 récoltes en 3 ans

Un blé suivi d’un soja en dérobé en année 1. Un maïs en année 2 sinon un pois protéagineux suivi d’un maïs en dérobé. Un soja en année 3. Telle est la rotation (pour ceux qui la pratiquent) la plus répandue dans la Pampa. La remontée vers le nord et son climat sub-tropical autorisent en effet quatre ou cinq récoltes en l’espace de trois ans, ce qui explique aussi la productivité et la compétitivité de l’agriculture argentine.

Côté rendements, il faut compter, en moyenne nationale entre 21 et 28 quintaux par hectare pour le soja (semé en octobre-novembre, récolté en mars-avril) mais 40 à 50 quintaux par hectare en bonnes terres, 42 à 60 quintaux par hectare pour le maïs (semé en septembre-octobre sinon décembre, récolté en février sinon mai-juin) mais 90 à 120 quintaux par hectare en bonnes terres, 25 à 35 quintaux par hectare pour le blé (semé de juin à août, récolté en décembre) mais 65 à 70 q/ha en bonnes terres, 34 à 47 quintaux par hectare pour le sorgho, 13 à 20 quintaux par hectare pour le tournesol.

La luzerne, le pois vert ou encore le pois chiche peuvent s’inviter dans la rotation. Les grandes exploitations ont en général des terres sous différentes latitudes ce qui, conjugué à la rotation quand elle est pratiquée, permet d’optimiser l’emploi de la main d’œuvre et du matériel. Outre les tracteurs, le parc matériel se limite le plus souvent aux appareils de semis direct et aux pulvérisateurs. Les chantiers de récolte sont le plus souvent réalisés par des entreprises spécialisées.

 

 

Du biodiesel à base de soja

Une graine de soja se compose en moyenne de 18 % de matières grasses et de 35 % de protéines. Une composition qui explique les atouts de l’espèce pour enrichir les rations à la fois en énergie et en protéines. Mais pas seulement. Depuis 2007, l’Argentine a développé la production de biodiesel à base de soja. En 2012, le pays a produit 2,5 millions de tonnes de biodiesel. Sa capacité de production est de 4,7 millions de tonnes. Un tiers de la production est incorporé dans le gazole consommé en Argentine, à hauteur de 8 % (10 % à l’avenir). Une montée du taux à 20 % permettrait à l’Argentine de réduire significativement ses importations de gazole (3,5 millions de mètres cube en 2013).

Les deux tiers du biodiesel sont exportés, à 90 % vers l’Union européenne, l’Espagne assurant près de 50 % des débouchés. L’application d’une surtaxe par l’Union européenne et la réaction de l’Espagne à la nationalisation d’YPF-Argentine, filiale de Repsol, par l’Etat argentin en 2012, tarissent les débouchés de l’Argentine et sont la source de contentieux portés devant l’OMC. L’Argentine produit également du bioéthanol à base de canne à sucre mais pour seulement 2,5 % de ses besoins. Elle développe actuellement un programme de production à base de maïs afin de compenser son déficit.

 

En savoir plus : https://wikiagri.fr/articles/argentine (retrouvez tous nos articles concernant l’Argentine sur ce lien).

 

Photo ci-dessous, semis de soja dans la Pampa. Le semis direct est représentatif de 80 % des pratiques culturales.

Photo ci-dessous, en 2012, les surfaces de blé sont tombées à 3,5 millions d’hectares, le chiffre le plus faible depuis 110 ans.

Photo ci-dessous, pionnière en matière de semis direct, l’Argentine compte plusieurs constructeurs spécialisés.

Photo ci-dessous, si des variétés de soja et de maïs sont tolérantes au glyphosate, certaines adventices le deviennent aussi…

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