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Agroalimentaire, à la recherche de la confiance perdue

Différents sondages publiés récemment viennent confirmer qu’un an après le scandale autour de la viande de cheval, les consommateurs continuent de se méfier des produits de l’industrie agroalimentaire. Ils fournissent également quelques pistes pour tenter de rétablir la confiance perdue.

A l’évidence, un certain nombre d’affaires récentes, dont la dernière en date il y a un an a été le scandale de la viande de cheval (Horsegate), ont contribué à mettre à mal, et même dans certains cas, à rompre le « contrat de confiance » qui liait les consommateurs à l’industrie agroalimentaire. Le constat est bien connu maintenant. Il vient d’être confirmé par les résultats de plusieurs enquêtes d’opinion divulgués en février 2014.

Ainsi, dans une enquête Ipsos pour Bienvenue à la ferme, 50 % des personnes interrogées affirment ne plus trop savoir souvent ou même très souvent de quoi se composent les produits alimentaires qu’elles consomment. Elles sont même 88 % si l’on y rajoute celles qui répondent « parfois ». Cela signifie que seules 12 % d’entre elles ne se posent jamais ou rarement de questions à ce propos. Parallèlement, 47 % des Français estiment qu’il est difficile de se procurer des produits alimentaires sur lesquels ils se sentent entièrement rassurés, contre 18 % qui pensent le contraire. En conséquence, face à ce doute semble-t-il grandissant à l’égard de l’industrie agroalimentaire, 81 % disent privilégier davantage depuis cinq ans l’achat de produits alimentaires fabriqués en France et 77 %, chercher à connaître l’origine d’un produit alimentaire avant de l’acheter. Suite à différents scandales alimentaires, certains semblent également se tourner davantage vers les produits bio. C’est ce que montrent en tout cas les résultats d’une autre enquête réalisée par l’institut BVA pour ma-Reduc. 29 % des personnes interrogées y affirment, en effet, avoir acheté des produits bio en raison des scandales alimentaires récents.

Cette méfiance d’une partie des Français pour la production de l’industrie agroalimentaire s’inscrit sans aucun doute dans plusieurs autres tendances que l’on peut observer dans la société française depuis quelques années. C’est d’abord la défiance croissante vis-à-vis des grandes institutions et de leur parole officielle, en l’occurrence les grandes entreprises et les entreprises multinationales. C’est ensuite le rejet de plus en plus affirmé de la mondialisation, au profit du « made in France » et du local, et des processus de production industriels au nom de la protection de la santé et de l’environnement. Cela ne signifie pas que les consommateurs boycottent de façon massive les produits agroalimentaires, mais ce secteur fait face à un risque désormaisimportant, qui est un risque de réputation, l’image de telle ou telle entreprise ou de tel ou tel produit pouvant être potentiellement atteinte par un scandale sanitaire ou d’une autre nature, comme Findus a pu le constater à ses frais l’année dernière.

Alors comment recréer une confiance de la part du consommateur vis-à-vis des produits de l’industrie agroalimentaire, ce que l’on pourrait appeler, selon une expression bien dans l’air du temps, un « choc de confiance » ?

Tous locavores ?

La première solution semble résider aux yeux des consommateurs dans la qualité des produits et la promotion des circuits courts. Ainsi, ce qui rassure le plus les Français sondés par Ipsos pour Bienvenue à la ferme, c’est d’abord le fait que les produits alimentaires soient vendus directement par le producteur (23 %), l’existence d’un signe officiel de qualité (16 %), l’origine du produit (15 %) et la fabrication « locale » du produit (9 %). De ce point de vue, les pratiques locavores, consistant à se procurer en priorité des produits locaux, semblent se répandre. 41 % affirment ainsi acheter souvent ou très souvent des produits alimentaires locaux (80 % si l’on y rajoute ceux qui répondent « parfois ») et cette pratique paraît se développer puisque ceux qui achètent des produits locaux disent à 69 % qu’ils en ont acheté davantage les deux dernières années. Le fait de privilégier les produits locaux présenterait un grand nombre d’avantages aux yeux des consommateurs : ils permettent de faire marcher l’économie locale (97 %), de s’assurer de l’origine des produits (96 %), d’avoir des produits de meilleure qualité (94 %), qui ont un meilleur goût (94 %), qui correspondent davantage à leurs valeurs (89 %), qui sont meilleurs pour la santé (88 %), plus naturels (87 %) et plus respectueux de l’environnement (86 %). Ces produits n’auraient-ils donc aucun défaut à leurs yeux ? Si, peut-être un seul, mais tout de même essentiel, à savoir leur prix puisque 49 % estiment que ces produits ne sont pas plus chers que les autres, mais 50 % tout de même pensent le contraire. En clair, la qualité, le goût, le respect de l’environnement, tout ça a bel et bien un coût. D’ailleurs, pour 62 % des personnes qui achètent peu de produits locaux, un prix plus accessible les inciterait à en acheter davantage.

Les circuits courts représentent à coup sûr une alternative intéressante, mais avec des limites évidentes. Ils permettent d’une certaine manière de court-circuiter l’industrie agroalimentaire et la grande distribution en rapprochant producteurs et consommateurs, mais ils se heurtent vite à la question du prix plutôt élevé des produits. Par ailleurs, cela ne constitue pas une solution pour améliorer l’image des produits agroalimentaires à proprement parler aux yeux des consommateurs.

Traçabilité et transparence

Or, deux pistes semblent intéressantes de ce point de vue. La première consiste à améliorer la traçabilité des produits. C’est ce que démontre une enquête réalisée par l’institut CSA pour le mouvement écologiste France Nature Environnement et dont les résultats ont été publiés en février 2014. Il faut reconnaître que, dans cette enquête, la formulation des questions est biaisée et préjuge largement de la réponse. Ainsi, la formulation de la question suivante – « Certains pesticides utilisés en agriculture sont suspectés de comporter des risques pour la santé de l’homme, notamment d’induire des cancers. Vous personnellement, souhaitez-vous que l’utilisation de ces pesticides soit signalée par un affichage sur l’emballage des produits alimentaires concernés ? » – donne à coup sûr une bonne indication sur la nature de la réponse qui va être donnée par la personne sondée. Cependant, au-delà de ce biais et de la vision d’une traçabilité-stigmatisation, on peut tout de même remarquer que, pour les trois thèmes abordés (les pesticides, l’appellation « nourri aux OGM » ou les produits issus d’animaux élevés en batterie), toutes les catégories interrogées, que ce soit en termes de genre, d’âge, de profession, de statut, de région ou de proximité partisane, répondent favorablement au principe d’une traçabilité avec des taux qui ne descendent jamais en-dessous de 90 %. A l’évidence, il existe chez les consommateurs une demande forte en la matière.

La seconde piste vise à tout miser sur la transparence du processus d’élaboration des produits. C’est ce qu’est en train d’entreprendre Fleury Michon avec le lancement à la fin du mois de mars d’une vaste campagne de transparence sur l’origine et la qualité d’un produit souvent extrêmement controversé, le surimi. Dans le cadre de cette campagne appelée « Venez vérifier », l’entreprise, qui détient la plus grande part de marché du surimi en France, va, en effet, inviter trois consommateurs tirés au sort, plus cinq blogueurs et deux journalistes, à « venir vérifier », c’est-à-dire concrètement à suivre le processus de fabrication du surimi de la pêche au colin en Alaska jusqu’à l’usine Fleury Michon située en Vendée, alors que l’entreprise garantit que le produit ne contient ni conservateur, ni polyphosphate, ni sorbitol, ni glutamate. Parallèlement, un site internet sera également ouvert : venezverifier.fr.

L’entreprise vendéenne a décidé de prendre le problème à bras-le-corps tout d’abord compte tenu du tassement du marché français du surimi, mais plus globalement, selon le président du conseil d’administration de l’entreprise, « parce que c’est l’un des produits qui traduit le mieux la méfiance des consommateurs vis-à-vis de l’industrie agroalimentaire ». L’impact sur les consommateurs de cette opération menée par Fleury Michon sera sans aucun doute intéressant à suivre afin de savoir si « le choc de confiance » recherché sera bien au rendez-vous et s’il pourra être éventuellement reproduit par d’autres entreprises ou pour d’autres productions.

En savoir plus : www.ipsos.fr/sites/default/files/attachments/les_francais_et_le_consommer_local_12_fevrier_2014.pdf (enquête Ipsos pour Bienvenue à la ferme publiée en février 2014), www.bva.fr/data/sondage/sondage_fiche/1463/fichier_cp_-_les_francais_et_le_bio88a3c.pdf (enquête BVA pour ma-Reduc publiée en février 2014), www.csa.eu/multimedia/data/sondages/data2014/opi20140221-Les-Francais-et-la-tracabilite-des-produits-alimentaires.pdf (enquête CSA pour France Nature Environnement publiée en février 2014), www.fleurymichonsurimi.fr/ (site Fleury Michon dédié au surimi), http://venezverifier.fr (site de l’opération de transparence de Fleury Michon), www.e-marketing.fr/Thematique/Strategies-1001/Alimentaire-Boisson-10004/Breves/Fleury-Michon-pousse-coup-gueule-defendre-qualite-son-surimi-234796.htm (source de la citation du président du conseil d’administration de Fleury Michon).

Notre illustration : capture d’écran du site venezverifier.fr.

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