Changement de cap pour l’agriculture biologique et l’Agence Bio en vue. Avec un taux croissance à deux chiffres depuis plusieurs années, l’agriculture biologique entre dans l’ère de la massification. Mais les filières y sont-elles prêtes ?
L’agriculture biologique a le vent en poupe auprès des exploitants agricoles! En cette période de crise, elle doit d’abord son attrait à ses prix rémunérateurs. Les céréaliers et les producteurs de lait sont proportionnellement les plus nombreux à se convertir en cette fin d’année.
L’Agence Bio répertoriait près de 32 000 agriculteurs biologiques (+ 10,4 % par rapport à fin 2015) à la fin du premier semestre de l’année. La croissance de ce secteur est exponentielle : sur les 1,57 million d’hectares engagés, 500 000 sont en cours de conversion.
L’Agence Bio se félicite d’un tel niveau de croissance à deux chiffres, « à la chinoise ». L’agriculture biologique perd son statut de niche pour entrer dans l’ère de la massification.
Cette évolution soulève deux questions majeures : la répartition des marges tout au long de la chaine de la production (de la fourche à la fourchette), et l’essor de la consommation de produits bio dans toutes les couches sociales. Sinon, la production agricole biologique sera excédentaire.
Selon Didier Perréol, président de l’Agence Bio, un observatoire des prix et des marges est en cours d’élaboration avec le concours de FranceAgriMer. Les volumes produits dans les exploitations agricoles biologiques sont suffisamment conséquents pour établir des statistiques fiables.
Evidemment, cet observatoire ciblera d’abord des produits standards simples de première transformation (yaourt, lait). Mais la grande diversité des circuits de commercialisation rend l’exercice plus difficile que pour les produits alimentaires issus de l’agriculture conventionnelle.
Dans un proche avenir, le secteur réfléchira aussi à la mise en place d’indicateurs pour réguler la production. Les filières bio ne doivent pas être victimes des mêmes avatars que le leurs consoeurs en agriculture conventionnelle.
La consommation de produits bio est en forte hausse (+ 20 % au cours des six derniers mois). Certains manquent (dans les rayons charcuterie par exemple) mais dans d’autres secteurs, un excès d’offre conduit déjà à une reclassification des produits. En production laitière, les vaches réformées ne sont pas toutes valorisées en viande bio, faute de débouchés.
Mais il n’est pas nécessaire d’attendre les premiers résultats de l’observatoire des prix et des marges pour comprendre que les filières bio se sont engagées dans une impasse.
Elles génèrent de la valeur ajoutée tout au long de la chaine de transformation et de distribution. Le nombre croissant de distributeurs et de restaurants montre aisément l’attrait pour ces produits, pour leur commercialisation et leur valorisation.
Certes, les agriculteurs sont mieux rémunérés que leurs collègues en conventionnel mais la part des produits agricoles biologiques dans le prix de vente du produit final est faible. Autrement dit, une grande partie de la valeur ajoutée créée leur échappe.
A l’avenir, l’essor d’une consommation de masse de produits bio conduira inéluctablement à une pression sur les marges. Et tout doit être entrepris pour que les agriculteurs ne soient pas de nouveau des variables d’ajustement.
L’Agence Bio focalise sa politique de communication sur l’essor de l’agriculture biologique et sur la consommation de ses produits. Certes, elle souhaite que l’achat de produits biologiques se développe dans les banlieues, dans les villes moyennes et dans les zones rurales où la diffusion des produits bio reste faible. Mais dans les faits, l’image médiatisée de l’agriculture biologique est tout autre.
Pour le grand public, les produits bio ne sont pas à la portée de tous. Aussi, ce n’est pas en choisissant des lieux chics et insolites dans le centre de Paris pour organiser ses conférences de presse, que l’Agence Bio parviendra à briser ce tabou. A 5 euros la tartelette servie dans le salon de thé adepte du bio, où s’est déroulée par exemple sa dernière conférence de presse, qui peut consommer quotidiennement de tels produits à ces prix ?
La promotion de l’agriculture biologique par l’Agence Bio et les messages diffusés auprès de la presse « grand public » sur son développement sont aux antipodes des valeurs portées les agriculteurs pionniers engagés en bio il y a vingt ou trente ans ! A leurs dépends, leur modèle agricole « hors système » a toute sa place dans l’économie de marché. Le bio, c’est sain certes mais chic et très parisien !
Si aucun effort n’est entrepris sur le front des prix, les produits bio resteront réservés à une frange de clientèle réduite et pour longtemps ! Combien d’agriculteurs ont les moyens de s’offrir des pâtisseries en vente à Paris, fabriquées avec les ingrédients produits sur leurs exploitations! A 5 €, une tartelette équivaut à 30 kilos de blé !
Si un des objectifs de l’Agence bio est la multiplication du nombre de magasins dans les viles moyennes et en zone rurale, un tel projet doit se concrétiser par l’émergence de gammes de produits meilleurs marchés.
Les ménages paient leur nourriture aux prix forts. Aussi, c’est en rendant les produits bio abordables qu’ils feront partie de leur quotidien. Mais le chemin qui reste à parcourir est long. Aucune enseigne de la distribution ne s’est encore lancée dans de grandes opérations commerciales d’une semaine avec des offres spéciales !
Certaines campagnes de promotion en faveur de la consommation de produits bio sèment la confusion dans les esprits des Français. Dans les cantines scolaires, elles font croire que les produits bio consommés par les enfants sont bons marchés alors que les repas servis sont en grande partie payés par le contribuable, ce qui fausse au final leur coût de revient.
Des conférences de presse en banlieue, dans les supermarchés ou dans des petits magasins en zone rurale, où aussi paradoxal que cela puisse paraître, ils sont moins consommés, doivent être organisées. L’avenir du bio n’est pas uniquement dans le centre ville des grandes métropoles, à la seule destination des bobos… Et c’est à l’Agence Bio de faire passer le message dans l’intérêt des agriculteurs qui lui font confiance.
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