caviar esturgeon

A 700 euros le kilo, la production de caviar d’élevage en crise, faute de régulation

Des fêtes de fin d’année cauchemardesques pour les producteurs d’esturgeons ! Le prix du kilogramme a été divisé par trois en quelques années et la chute n’est pas enrayée ! La crise de la filière du caviar d’élevage était prévisible mais rien n’a été entrepris pour l’éviter.

Ça pourrait prêter à sourire mais les producteurs de caviar d’élevage ne parviennent plus à faire face à leurs coûts de production ! 700 €/kg n’est plus un prix rémunérateur ! La filière de caviar d’élevage vient de découvrir qu’elle n’est pas plus à l’abri des crises de surproduction que les autres secteurs agroalimentaires. Livrés à eux-mêmes, ses producteurs se sentent même très vulnérables. Et comme ils n’ont pas la culture de crise des éleveurs de porcs ou de bovins, qui les aide à passer les caps difficiles, l’affaire tourne immédiatement au drame !

Pourtant, cette crise est presque banale. Ses caractéristiques sont peu ou prou similaires à celles de n’importe quelle autre crise de filière. Mais ses producteurs n’ont pas su anticiper la chute des prix du caviar en tirant les enseignements des crises passées afin d’éviter d’y sombrer eux-mêmes. A quoi sert la crise du lait ?

Mais si les crises agricoles font partie des marronniers de la presse agricole, celle qui affecte les producteurs de caviar d’élevage est un scoop !

Plusieurs articles parus (Ouest France, Le Monde) ont signalé les opérations commerciales du groupe Lidl. Celui-ci vend la boite de 15 g de caviar moins de 10 €, soit moins de 700 € le kilogramme. Les clients se les sont arrachées. Toutefois, le succès de ces opérations commerciales traduit avant tout un climat de filière déconcertant, avec des producteurs craignant ne pas pouvoir amortir le coût de construction de leurs bassins aquacoles flambants neufs ! Il y a quatre ou cinq ans, le kilogramme était de 2 000 € environ avec des écarts de prix impressionnants, jusqu’à 12 000 € !  

De telles crises ne sont pas liées à la nature des produits en vente mais à la capacité des responsables de filières de s’organiser en régulant l’offre en fonction de la demande potentielle et surtout, en prenant en compte, au plus vite, les signaux avant-coureurs d’une chute des prix à venir.

Mais qui a envie d’aider les producteurs de caviar qui se plaignent d’une mauvaise répartition des marges ? Qui a envie de pleurer les distributeurs de cette filière de luxe ? Et pourtant, une crise est une crise, avec des employés inquiets pour leurs emplois.

En quelques années, la production de caviar a changé de paradigme. Dans un article publié dans le quotidien Le Monde, Laurence Girard parcourt l’évolution de cette filière au cours des vingt dernières années pour comprendre comment cette situation de crise était inévitable.

Le caviar entre dans un nouveau contexte

Le caviar d’élevage se substitue au caviar de la mer Caspienne où les esturgeons ont quasiment disparu, victimes d’une surpêche après l’effondrement de l’URSS.

« Toute commercialisation de caviar sauvage a fini par tomber en 1998. Une pénurie dont les prix de cette denrée de luxe ont flambé », écrit Laurence Girard.

Depuis le caviar d’élevage a pris le relais. Interrogé par la journaliste, le patron du Comptoir du Caviar, Philippe Chauvin estime que « la production mondiale de caviar pourrait atteindre 500 tonnes en 2018 contre 200 tonnes aujourd’hui. Or 200 tonnes, c’est déjà difficile à écouler mais 500 tonnes, cela va être sanglant. »

Toujours selon Le Monde, la France serait le troisième producteur mondial derrière la Chine et l’Italie mais la Bulgarie la Pologne ou l’Uruguay sont dans la course !

Il arrive au caviar ce qui se passe pour n’importe quel autre produit dorénavant plus facile à produire : foie gras, saumon, et même les orchidées. Il y a trente ans, la fleur d’orchidée valait 10 F, soit l’équivalent de 10 € ajourd’hui (une fois l’inflation prise en compte). A ce prix, n’importe quel consommateur achète aujourd’hui un pot à trois tiges…

Cette année, jamais le caviar n’aura été si bonmarché. Mais il n’est pas pour autant à la portée de tous, d’où l’inadéquation de l’offre à la demande !  Il revient aux professionnels de trouver eux-mêmes une sortie de crise. A Bruxelles, le caviar d’élevage ne sera pas porté au conseil européen des ministres de la pêche. Personne n’est préparé dans les esprits à apporter des soutiens publics sous quelque forme que se soit, à cette filière détrônée…
 

En savoir plus : http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/12/08/le-caviar-se-ramasse-a-la-pelle_5045275_3234.html (article du quotidien Le Monde cité dans notre article) ; http://www.ouest-france.fr/societe/fetes/noel/avec-lidl-ce-noel-c-est-caviar-presque-pour-tous-4689930 (article de Ouest France sur les promotions sur le caviar).
 

Notre illustration ci-dessous est issue du site Fotolia, lien direct https://fr.fotolia.com/id/102012481.

Article Précédent
Article Suivant