L’augmentation de 40 Mt de de la production mondiale de graines d’oléo-protéagineuses repose aux trois quarts sur le retour de conditions climatiques favorables à la culture de soja au Brésil et en Argentine durant l’été austral. L’USDA y escompte une récolte de 200 Mt, soit 30 Mt de plus qu’en 2021-2022.
Selon l’USDA, l’organisme américain de statistiques agricoles, 644 millions de tonnes (Mt) d’oléo-protéagineux seraient produites dans le monde durant la campagne 2022-2023. Quarante millions de tonnes de graines en plus seraient ainsi récoltées par rapport à la campagne 2021-2022.
Mais ces prévisions sont conditionnées par le retour à des conditions climatiques normales dans l’hémisphère sud, tout au long du printemps et de l’été austral, où une grande partie du soja produite dans le monde y est cultivée.
Dans l’hémisphère nord, où l’essentiel du colza et du tournesol produit dans le monde y est cultivé, les dés sont joués. L’Union européenne a récolté 18 Mt de colza et le Canada, 20 Mt. L’année passée, ce dernier avait vu sa récolte bruler durant l’été en raison des températures caniculaires qui s’étaient abattues à l’ouest du pays.
Quant à l’Union européenne, la culture de colza a échappé au déficit pluviométrique qui a endommagé le développement des cultures de printemps. En France, 4 ,3 Mt de graines de colza ont été engrangées (+ 31,6 % sur un an) grâce à une hausse combinée du rendement et des surfaces implantées, rapporte le ministère de l’Agriculture.
Ces bonnes performances permettent d’espérer une production mondiale de colza et de canola de 44 Mt, soit 2,5 Mt de plus que la campagne passée.
La campagne se jouera dans l’hémisphère sud
Mais la production mondiale de tournesol a pâti des conditions climatiques défavorables, qui ont régné tout au long de la période estivale dans l’Union européenne, et évidemment du conflit en Ukraine.
Estimée à 52 Mt, la production mondiale de tournesol se replierait ainsi de 5 Mt. Elle serait ainsi la seule culture d’oléo-protéagineux en recul dans le monde durant la campagne 2022-2023.
Selon l’USDA, 9,7 Mt de graines de tournesol seraient récoltées dans l’UE. En France, « la production de tournesol est estimée à 1,9 Mt. Elle serait en baisse sur un an (-2,9 %), malgré une forte hausse des surfaces (+22,5 %) », précise le ministère de l’Agriculture. « Le potentiel de rendement est fortement altéré par la sécheresse : il est estimé à 21,7 q/ha, soit 5,7 q/ha de moins qu’en 2021. Mais par rapport à la moyenne 2017-2021, la baisse du rendement serait moindre (-2,1 q/ha).
Comme pour les céréales, la Russie affiche une production record de tournesol de 17 Mt tandis que l’Ukraine voit la sienne s’effondrer de 7 Mt à 10,5 Mt. Le conflit sur son territoire rend inaccessible une partie des parcelles quand il n’a pas tout simplement compliqué la conduite des cultures.
Aux Etats-Unis, la conjoncture économique a incité les farmers à cultiver du soja au détriment du maïs. Mais les fortes températures estivales ont altéré le potentiel des cultures. 119 Mt de grain de soja seraient récoltées, soit 4 Mt de moins qu’estimées au mois d’août dernier. De nouvelles révisions à la baisse ne sont pas exclues dans les prochaines semaines.
La Chine a retrouvé de l’apétit
Au cours 6-8 prochains mois, se joueront la production de tournesol en Argentine où 4,2 Mt seraient susceptibles d’être récoltées, mais aussi celle de colza en Australie (5,6 Mt) où les conditions climatiques sont favorables.
En effet, l’ile-continent bénéficierait du contre coup de la Nina encore présente au sud du de l’océan Pacifique.
Si les prévisions de l’USDA portant sur la production de soja en Argentine et au Brésil sont confirmées au fil des semaines à venir, jusqu’à 200 Mt de graines seraient disponibles à la transformation en tourteaux et en huile, soit 30 Mt de plus que le l’hiver passé.
Plus de soja récolté permettrait de contrer partiellement la baisse de la production de tourteaux et d’huile de tournesol employés pour fabriquer des aliments pour animaux. Mais l’huile de tournesol est aussi réservée à la consommation humaine.
En fait, les marchés mondiaux des oléo-protéagineux sont encore impactés par les récoltes décevantes de soja en Amérique du sud engrangées au début de l’année 2022, ce qui avait contribué à la flambée des cours mondiaux, bien avant que ne survienne le conflit en Ukraine.
Du côté de la demande, la disponibilité en oléo-protéagineux dépendra de l’attitude qu’adoptera la Chine tout au long de la campagne 2022-2023.
En important jusqu’à 97 Mt de soja, l’empire du milieu accroîtrait, en un an, ses importations de 7 Mt. Il absorberait à lui seul un quart de la hausse de la production mondiale de graines de soja.
Mais durant la campagne 2022-2023, les importations devraient ainsi retrouver au minimum leur niveau d’avant la crise de la Covid. Ce nouvel appétit n’induira pas une tension sur les prix si les prévisions mondiales de production d’oléo-protéagineux deviennent réalité au moment des récoltes.
La menace russe, épée Damocles
Cette année, c’est en fait la dimension géopolitique de la campagne de commercialisation d’oléo-protéagineux, induite par le conflit entre l’Ukraine et la Russie, qui la rend imprévisible à tout moment, même si les récoltes sont bonnes.
A Moscou, le président russe Vladimir Poutine a menacé à plusieurs reprises de ne pas prolonger l’accord sur l’ouverture de corridors dans la Mer Noire indispensable pour écouler la récolte ukrainienne de céréales et d’oléo-protéagineux.
Au cours de la campagne 2022-2023, 196 Mt de graines seraient échangées dans le monde, soit un peu moins d’un tiers de la production mondiale.
La campagne passée, « les restrictions chinoises liées au COVID, le ralentissement de la croissance économique et la hausse des prix mondiaux des matières premières ont affaibli la demande du pays pour la transformation des oléagineux, les tourteaux protéiques et la consommation d’huiles végétales », explique l’USDA.
Par ailleurs les prix élevés des huiles végétales ont dissuadé les industriels chinois d’en acheter autant que les années passées. Selon toujours l’USDA, l’empire du milieu a réduit de 40 % ses importations. En conséquence, 5 Mt d’huiles en moins ont été livrées en Chine dont 1,2 Mt d’huile de colza et 1,1 Mt d’huile de tournesol.
Légende photo: Vue aérienne par drone de la frontière du territoire du parc indigène Xingu et de grandes fermes de soja dans la forêt amazonienne, au Brésil. Concept de déforestation, d’agriculture, de réchauffement climatique et d’environnement (@ Imago Photo)