En appliquant le programme d’analyse des sols Be Api sur son exploitation, Eric Gay a constaté des différences de fertilités et de potentialités intraparcellaires relatives à des découpages fonciers disparus depuis plus de 20 ans. Cela lui permet d’apporter, non pas moins, mais mieux ses intrants.
C’est uniquement sur les derniers apports, qu’Eric Gay va moduler les apports d’azote
En Charentes-Maritime, sur la commune d’Aigrefeuille d’Aunis, Eric Gay s’est orienté il y a deux ans vers la modulation intraparcellaire poussée. En s’appuyant sur l’expérience de sa coopérative Terre Atlantique, dont il est le vice-président, l’agriculteur a choisi le programme Be Api pour moduler les apports d’engrais sur sa rotation de blé, pois, orge, maïs, et production de semences. « J’ai une ferme de 220 ha, dont 200 en culture et un troupeau d’une centaine de vaches allaitantes. Certains jours un peu plus dur, je me dis que je ne garde les animaux que pour le fumier. J’avais donc besoin de savoir si je l’utilisais efficacement » illustre l’agriculteur charentais. Très concrètement, le principe de Be Api est de définir la potentialité et la fertilité du sol par zone en mesurant la conductivité et en réalisant des profils culturaux et des carottages. « Sur le secteur le remembrement a été bloqué par un projet d’autoroute. Il y a 15 à 20 ans, nous nous sommes arrangés entre nous pour faire des échanges. Sur les cartes des sols éditées par le service Be Api je retrouve le découpage de ces anciennes parcelles alors qu’elles sont menées avec le même itinéraire cultural depuis plusieurs années » explique impressionné Eric Gay.
Un apport de phosphore mieux équilibré
Une fois ces données en main, il a d’abord décidé dans un premier temps de rééquilibrer les apports de phosphore et de potasse selon les différentes zones de la parcelle. Sur l’exploitation Charentaise, c’est le phosphore qu’il a fallu particulièrement travailler. « Notre analyse était inexacte à 10m près » justifie Eric Gay carte à la main. Il montre une grande parcelle triangulaire à l’intérieur de laquelle se découpent une dizaine d’anciennes petites parcelles rectangulaires. Elles sont colorées d’une gamme de couleur allant du bleu ou rouge selon leur teneur en phosphore. « On voit que sur cette parcelle, les chiffres font le grand écart entre 29 et 65 mg/kg de sol » relève l’agriculteur. Depuis l’an dernier, il s’évertue donc à rééquilibrer cette teneur. Sur la page suivante, la parcelle triangulaire est cette fois d’un bleu uni, sans que les anciennes parcelles ne se détachent. « C’est la carte de la potasse. J’avais déjà arrêté d’en apporter car je savais qu’il y en avait assez d’une manière générale. Ça m’a confirmé dans mon analyse » commente Eric Gay. Le deuxième objectif qu’il s’est fixé avec Be Api consiste à ajuster encore plus précisément les derniers apports d’azote aux objectifs de rendement intraparcellaires. Sur la ferme d’Aigrefeuille d’Aunis, c’est cette seconde étape qui sera franchie cette année. Jusqu’alors, l’exploitant réalisait son quatrième apport d’engrais via une carte de modulation émise par le service FarmStar. Pour cette campagne, elle va donc être remplacée par le service Be Api. « L’idéal serait de combiner les deux services pour travailler sur le sol et la biomasse. Mais je préfère avancer marche par marche pour bien prendre en main ces nouveaux outils » indique le charentais. Dans l’immédiat, et pour répondre à sa question initiale, il estime que les apports de fumier étaient sur-dosés, mais n’envisage pas de moduler cet apport faute d’avoir accès à un épandeur adapté.
Les couleurs rouges sur la carte indiquent les zones les plus pauvres en phosphate sur la parcelle dans laquelle s’apprête à intervenir l’exploitant charentais.
Ne pas apporter moins mais mieux
Selon les situations, les méthodologies d’apports d’après les cartes Be Api diffèrent. « Les agriculteurs peuvent choisir entre plusieurs stratégies, détaille Loïc Moreau, agent relation cultures de la coopérative Terre Atlantique, les stratégies d’apports peuvent permettre soit le redressement des sols, soit de répondre aux besoins de la plante ». Eric Gay insiste lui, sur l’idée qu’il n’est pas ici question de mettre moins d’engrais, mais de mieux le répartir. « Tout le monde dit que la modulation permet de mettre moins d’intrant. C’est vrai en partie car il y a moins d’engrais ramené à la quantité produite. Mais c’est faux à la parcelle, car c’est la même dose apportée mais de manière différente » affirme-t-il. Il regrette que la tendance actuelle soit au « toujours moins » lorsqu’il est question d’intrants. Pour lui, il faudrait mettre en avant auprès du consommateur, mais aussi des pouvoirs publics, le « produire plus avec autant d’intrants » permis par les évolutions technologiques à l’image de Be Api.
Le parc matériel de l’exploitation comporte déjà un semoir et un automoteur adaptés à la modulation des semis et de la pulvérisation
Des investissements matériels peu importants
Comme pour les autres systèmes de modulation, une fois les cartes élaborées, l’agriculteur n’a plus qu’à entrer la clé USB dans la console du tracteur. « Il y a plus de flexibilité pour les apports d’engrais. Quelqu’un qui ne connaît pas la parcelle peut le faire. Sans ça il fallait l’oeil de l’exploitant qui connaît les zones où il est nécessaire de faire quelques ajustements dans les doses, même s’il n’est pas question de faire de la modulation manuelle » relève Eric Gay. En termes d’équipement, le parc matériel était déjà adapté à la modulation. Un tracteur New Holland de 115 ch est spécialement pourvu en guidage pour la modulation. Le distributeur d’engrais est un Kuhn Axis 40.1 W. Si ce dernier est équipé de la pesée, il ne permet pas de réaliser des coupures de tronçon. Une caractéristique qui ne gêne pas l’agriculteur lorsqu’il module. « Bien sûr, lors du renouvellement c’est un aspect que je prendrai en compte » admet-t-il. Ce qui lui manque actuellement, c’est un générateur de carte de rendement dans la moissonneuse-batteuse. « Ces cartes sont arrivées trop tôt. Au début, elles servaient simplement à être accrochées au mur pour la décoration. Maintenant qu’elles sont vraiment utiles, j’ai l’impression que les machines sont moins équipées » regrette le charentais. Le principalement investissement qu’il a dû réaliser concerne la démarche Be Api en elle-même. Pour réaliser les cartes de potentialités et de fertilités, il faut d’abord mesurer la conductivité, puis réaliser des profils culturaux et des centaines de carottages. L’ensemble de la prestation représente 140 €/ha, sans compter l’accompagnement par la coopérative. « J’espère un retour sur investissement en cinq ans » annonce l’exploitant. Avec Terre Atlantique, l’accompagnement annuel représente trois rendez-vous d’une heure avec un conseiller dans l’année. La région étant particulièrement précoce, un premier point est nécessaire pour les colzas en août, puis un second pour les semis de céréales en septembre/octobre et un dernier lorsque l’ensemble des récoltes est terminé. « C’est réellement nécessaire car seul ce serait compliqué d’interpréter pleinement les cartes » affirme le vice-président de la coopérative.
C’est pour évaluer s’il valorisait de manière optimum son fumier qu’Eric Gay a décidé de se lancer dans le programme Be Api
La modulation ne s’arrête pas aux engrais
De son propre aveu, Eric Gay préfère pour l’instant se cantonner aux modulations d’apports d’engrais. Pour autant, il ne ferme pas la porte aux autres possibilités de modulation offertes par les cartes Be Api. « Le parc matériel compte un semoir Väderstad de 6m et un automoteur Evrard de 36m, si je décide un jour de moduler les semis ou la pulvérisation » déclare-t-il. À ce sujet Loïc Moreau explique que Terre Atlantique se concentre pour l’instant sur la modulation des apports d’engrais mais que d’autres coopératives, telle que Maïsadour plus au Sud, avancent rapidement sur l’aspect semis. « En termes de pulvérisation, la modulation des régulateurs de croissance est presque calée et sur les fongicides ça va arriver » prévoit le technicien.
Par Rédaction Wikiagri
Equipe de rédacteurs Wikiagri
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