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Des archéologues ont découvert une insolite panoplie d’outils agricoles datant de l’ère gallo-romaine. Cette collection inédite se trouvait dans la cave incendiée d’une ferme antique située à Saint-Clément dans l’Yonne.
200 outils agricoles gallo-romains ensevelis sous les cendres retrouvés en parfait état par les archéologues de l’Inrap (institut national de recherches archéologiques préventives) ! La ferme de Saint-Clément est une découverte archéologique majeure.
Tout commence à l’automne dernier par des fouilles préventives réalisées avant la construction d’un lotissement. Les archéologues trouvent quelques vestiges gallo-romains, que la Drac de la Bourgogne juge suffisamment intéressants pour poursuivre les investigations jusqu’au mois de décembre. « L’équipe conduite par Sébastien Chevrier a alors trouvé des vestiges parfaitement conservés. Elle a mis à jour une bonne partie d’une villa gallo-romaine : une pièce, un hypocauste (Ndlr : pièce avec un système de chauffage au sol consacrée à l’hygiène), et surtout une cave avec un ensemble d’outils métalliques datant du IIIe siècle de notre ère. C’est tout à fait exceptionnel », considère Nicolas Tisserand, responsable du mobilier métallique de l’Inrap. Basé à Dijon, il a en charge l’étude des objets. La collection regroupe des outils antiques destinés aux récoltes, aux réparations (gouges, ciseaux à bois, enclumette pour rebattre les faux…) et au commerce (quelques balances romaines). Elle comporte aussi des pièces d’attelage servant au transport des personnes et des produits, et de nombreux éléments métalliques propres au bâtiment.
D’autres fermes du même type sont probablement présentes dans les environs : « A l’époque gallo-romaine, les grandes cité étaient soutenues par des villes secondaires, elles-mêmes alimentées par des villas. Ces établissements ruraux servaient à nourrir la ville et l’empire. Cette ferme faisait donc partie d’un maillage d’établissements agricoles qui nourrissaient Agedicum, l’ancienne ville de Sens », suppose Nicolas Tisserand.
Généralement, les villas sont composées de deux bâtiments : la « pars urbana » (résidence du propriétaire) et la « pars rustica » qui sert à entreposer le matériel nécessaire aux travaux de la ferme. Celle de Saint-Clément a subi un incendie au milieu du IIIe siècle. L’origine du sinistre reste indéterminée mais les cendres ont permis de conserver au chaud le fameux trésor.
« Cette collection présente un grand intérêt car c’est un témoignage à l’instant T de la vie agricole. Souvent, on retrouve sur les sites des objets qui datent de différentes époques et il est plus difficile d’en tirer des conclusions. Là, nous avons tous les objets fonctionnels, complets et entiers pour répondre aux besoins quotidiens d’une villa. Il y a absolument tout : de quoi labourer, tailler, couper, scier, bricoler… », s’enthousiasme le spécialiste.
Les archéologues ont même pu localiser les meubles où étaient rangés les outils grâce aux serrures, cornières et charnières.
A quelques détails près, l’inventaire correspond exactement aux préconisations des traités agronomiques de l’époque : notamment celui de Caton (« De agri cultura », paru au IIe siècle avant JC) ou de Palladius (« Opus agriculturae », Ve siècle après JC). « Evidemment, la ferme de Saint-Clément ne disposait pas des outils pour la vigne et l’huile d’olive, car ces productions sont propres au bassin méditerranéen. De même, il y avait sûrement du mobilier en bois et en osier mais tout a certainement été détruit », déplore le scientifique.
Si on ignore la taille exacte du domaine agricole (probablement une dizaine d’hectares), ni le nom des propriétaires, on sait que la ferme produisait du foin et des céréales (deux lames de faux l’attestent, ainsi qu’une araire, des bèches, des faucilles, des coupe-chardons…). Des animaux d’élevage étaient également présents sur le site : les archéologues ont recensé une sonnaille entière, des colliers de traction et une lame de force à tondre. « Les gallo-romains consommaient surtout du blé et de l’orge. La région a toujours été céréalière et les bêtes devaient servir principalement à la traction. Si on fouille les étables à l’avenir, on pourrait réaliser des analyses de sol. Un taux de phosphate important pourrait indiquer par exemple la présence d’une bergerie. Il y a sûrement aussi un grenier à proximité qui servait à stocker les foins », suppose Nicolas Tisserand.
Au IIIe siècle, la paix est installée et l’agriculture se développe dans une ambiance de prospérité. Les Romains normalisent les surfaces agricoles et spécialisent les secteurs agricoles à l’échelle de l’empire (un peu la « Pac » de la « Pax Romana » !). Des villas sont installées le long de nouveau réseau de voirie, pour que les voyageurs trouvent des auberges où passer la nuit. « C’est une période de paix où l’on va défricher pour exploiter de nouvelles terres grâce à l’araire. Les formes des outils sont figées depuis l’époque gauloise mais ils étaient en bois. Les Romains les ont produit en fer, puis ont introduit une plus grande variété d’outillage. Si les Gaulois se contentaient d’une seule forme de hache, les Romains en avaient une dizaine qu’ils réservaient à différentes utilisations. Dans la collection, on pense avoir identifié cinq couteaux de greffe différents. On a aussi trouvé sept hipposandales de différentes tailles. Ce sont les ancêtres du fer à cheval : ils servaient à soigner les sabots et prévenir les douleurs en cas de grand voyage », précise Nicolas Tisserand.
95 % des objets ont une fonction connue, le reste étant probablement des pièces de char. Cette salle n’était pas un atelier de forgeron, mais ce stock de pièces permettait sans doute de changer une roue en cas de besoin.
Maintenant que l’inventaire est réalisé, les objets doivent être « stabilisés ». Certains outils ont subi la corrosion et il faut les nettoyer d’urgence. Ensuite, Nicolas Tisserand et sa collègue Bérangère Fort éditeront un rapport administratif puis lanceront l’étude scientifique. La collection sera enfin confiée au musée de Sens qui montera une exposition dans deux ou trois ans. « C’est un important musée d’archéologie et c’est logique que la collection reste sur place », estime Nicolas Tisserand.
Cette étude scientifique fera mieux connaître le fonctionnement d’une ferme antique. Si l’étude de sites comme Pompéi ou Herculanum ont donné accès à la vie quotidienne sous l’Antiquité, on connait encore peu de choses sur les activités agricoles de l’époque. Mais finalement, la panoplie semble assez semblable à ce qu’on utilisait encore au début du XXe siècle !
Ci-dessous : quelques-uns des outils agricoles récupérés, image issue du site http://www.inrap.fr/travailler-aux-champs-la-panoplie-agricole-antique-de-saint-clement-10855 où elle est signée Philippe Gerbet.