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L’avenir de l’agriculture mondiale en dix graphiques

Le rapport conjointement publié par l’OCDE et la FAO au mois de juillet dernier permet d’identifier quelle pourrait être l’évolution de l’agriculture mondiale à l’horizon 2023 dans un contexte globalement moins favorable pour la production et la consommation de produits agricoles.

L’OCDE et la FAO publient conjointement pour la neuvième année un rapport annuel intitulé Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO. L’édition 2014 du rapport, qui a été publiée au mois de juillet, se montre plutôt optimiste sur l’évolution de l’agriculture dans le monde durant la période couverte, à savoir 2014-2023, même si les auteurs notent tout de même un ralentissement du rythme de la consommation et de la production par rapport à la décennie précédente.

Un contexte général moins favorable

Pour les deux institutions internationales, ce ralentissement est lié à un certain nombre de tendances structurelles qui devraient se produire entre 2014 et 2023. La demande pour les produits agricoles devrait être ainsi affectée en particulier par deux d’entre elles.

La première est le ralentissement prévisible de la croissance des pays émergents, alors que ces derniers ont largement soutenu la demande mondiale ces dernières années. Ce sera le cas en particulier pour la Chine et pour l’Inde dont les économies devraient croître à un rythme annuel de 7,0 % pour la première et de 6,4 % pour la seconde. Même si ces taux de croissance restent élevés, ils sont cependant bien en-deçà de ce que ces pays ont pu connaître durant les années 2000. Selon la Banque mondiale, le taux de croissance annuel moyen entre 2000 et 2012 s’est ainsi élevé à 10,6 % pour la Chine et à 7,7 % pour l’Inde. Le ralentissement de la croissance de ces pays devrait par conséquent avoir un impact sur l’économie mondiale, et donc sur l’agriculture mondiale, à partir du moment où, par exemple, les fameux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) représentent déjà à eux seuls 28 % du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat.

La seconde tendance est le ralentissement du taux de croissance de la population mondiale. Celle-ci devrait croître à un rythme annuel de 1,0 % par an durant la période 2014-2023. Cela devrait donc peser sur la demande, même s’il devrait y avoir néanmoins 776 millions de personnes en plus sur la Terre en 2023, soit un peu plus que la population européenne actuelle (si l’on y inclut la Russie et l’Ukraine).

L’offre agricole, quant à elle, devrait également pâtir en particulier de deux phénomènes. Le premier est l’augmentation des coûts de production. Ainsi, selon l’OCDE et la FAO, le prix du pétrole et de l’énergie devrait continuer à évoluer à un niveau élevé. Le prix du baril de pétrole devrait même augmenter de 109 dollars en 2013 à 147 dollars en 2023, ce qui représente un accroissement annuel moyen de 2,8 %. Or, on sait à quel point il existe une forte corrélation entre le prix de l’énergie et le prix des denrées alimentaires étant donné qu’un prix élevé de l’énergie contribue à augmenter bien entendu le coût des transports, mais aussi le prix des engrais, ces derniers étant fabriqués à partir du pétrole. Plus largement, un prix du pétrole élevé incite à développer les biocarburants et donc à peser indirectement sur le prix des matières premières agricoles par le surcroît de demande que cela génère pour ces produits. Or, d’après les auteurs du rapport, si l’exploitation massive du gaz de schiste aux Etats-Unis est susceptible de favoriser une réduction du prix des engrais dans ce pays, cela ne devrait pas avoir d’effet ailleurs. Le rapport indique également que l’accroissement du coût de l’alimentation pour les animaux et du coût du travail pourrait peser sur les coûts de production.

Le second phénomène susceptible d’avoir un impact sur l’offre de produits agricoles est la baisse des rendements. Celle-ci serait liée à différents facteurs, tels que la limitation de l’expansion des surfaces agricoles, la détérioration des sols, la rareté de l’accès à l’eau ou encore les difficultés environnementales.

Les 10 évolutions à venir de l’agriculture mondiale

En dehors de ces grandes tendances, que doit-on retenir de ce rapport ? Dix évolutions significatives qui seront illustrées ici par des graphiques.

(1) Même si elle devrait progresser à un rythme moins rapide que lors de la décennie précédente, la demande agricole mondiale devrait rester soutenue durant la période 2014-2023. Cette forte demande devrait être liée en premier lieu à la croissance de la consommation de produits agricoles des économies asiatiques en croissance rapide. La consommation devrait également progresser de façon notable en Afrique, même si l’accroissement de la consommation par habitant restera faible au final sur ce continent. En revanche, la croissance devrait être beaucoup plus modérée dans les pays développés (Amérique du Nord, Europe). Selon l’OCDE et la FAO, d’autres facteurs devraient contribuer à soutenir la demande de produits agricoles dans les pays en développement. On peut citer l’accroissement des revenus, l’urbanisation croissante de ces pays ou ce que l’on appelle la « transition alimentaire », à savoir la transformation du régime alimentaire de leurs populations qui tendent à consommer des produits plus riches en protéines, notamment des produits issus de l’élevage (viande, produits laitiers). Enfin, le développement de produits agricoles pour des usages non alimentaires, comme les biocarburants, devrait également contribuer à maintenir une demande élevée pour ces produits.

(2) La production de l’élevage, mais aussi des biocarburants, devrait être plus rapide que celle des cultures durant la période 2014-2023. Le taux de croissance annuel moyen de la production d’éthanol s’élèverait ainsi à 3,6 % entre 2014 et 2023 et celui de la production de biodiesel à 4,0 %.

 

(3) D’ici 2023, la consommation mondiale de viande devrait fortement augmenter en progressant à un rythme annuel de 1,6 %. A l’échelle mondiale, elle devrait ainsi passer de 33,8 kg par habitant en 2011-2013 à 36,2 kg en 2023. Cet accroissement de la consommation devrait d’abord être basé sur une forte croissance de la consommation de volailles, la viande la moins chère et considérée comme la plus saine, ainsi que sur celle de la consommation de porcs, surtout en Asie. La consommation de volaille devrait ainsi augmenter de 27 % en volume durant cette période pour devenir en 2023 la viande la plus consommée dans le monde, et celle porcine de 15 %. La consommation de poissons devrait également augmenter de façon significative durant la période couverte par le rapport avec un taux de croissance de 18 %, dont un taux de 22 % de la consommation pour l’alimentation humaine. Il est à noter que la production de l’aquaculture destinée à la consommation humaine devrait continuer à se développer très rapidement. Celle-ci a même dépassé la production de la pêche en 2014.

 

(4) La production totale de céréales devrait s’accroître de près de 370 millions de tonnes entre 2014 et 2023, ce qui représente une croissance de 15 %. Les productions de blé et de riz devraient croître de 12 % pour les premières et de 14 % pour les secondes, soit une croissance bien moindre que lors de la décennie précédente. Le taux de croissance moyen annuel de la production de blé était, en effet, de 1,51 % entre 2004 et 2013 et devrait s’élever seulement à 0,99 % entre 2014 et 2023. L’évolution est similaire pour la production de riz : 2,22 % entre 2004 et 2013 et 1,15 % entre 2014 et 2023. Les céréales dont la production devrait croître le plus rapidement entre 2014 et 2023 sont les productions d’huiles végétales (+28 %), de tourteaux protéiques (+27 %) et de graines oléagineuses (+26 %).

 

(5) Ce sont les productions de céréales secondaires et de graines oléagineuses qui devraient progresser le plus rapidement entre 2014 et 2023, par rapport aux cultures vivrières de base (blé, riz). Les céréales dites secondaires sont les céréales autres que le blé et le riz, à savoir l’orge, le maïs, l’avoine et le sorgho. Il est à noter que, dans le cadre de l’Union européenne, les céréales secondaires incluent aussi le seigle et les céréales mélangées. Quant aux oléagineux, ils comprennent les graines de colza, les fèves de soja, les graines de tournesol, les arachides et les graines de coton. L’augmentation des productions de céréales secondaires et de graines oléagineuses s’explique par la demande de produits destinés à l’alimentation humaine et animale et à celle de biocarburants. L’OCDE et la FAO prévoient également la poursuite de l’augmentation de la part des superficies en oléagineux.

 

(6) La forte croissance de l’élevage entre 2014 et 2023 devrait avoir un impact sur la demande de produits végétaux en augmentant la part des produits destinés à l’alimentation animale au détriment de ceux destinés à l’alimentation humaine. Cela devrait par conséquent favoriser la production de végétaux utilisés pour la nourriture du bétail, tels que les céréales secondaires et les oléagineux. Le principal usage de la production de céréales reste néanmoins la consommation humaine.

 

(7) Selon les projections de l’OCDE et de la FAO, les prix des végétaux devraient diminuer les premières années de la période couverte par le rapport (2014-2023), puis se stabiliser à un niveau supérieur à la période antérieure à la crise alimentaire de 2008. Le prix des principales céréales devrait ainsi globalement baisser. Les auteurs du rapport estiment que cela devrait faciliter les échanges et l’accroissement des stocks.

 

(8) Les prix de la viande, des produits laitiers et des produits halieutiques et aquacoles, quant à eux, devraient augmenter durant la période 2014-2023. L’orientation à la hausse des prix de la viande est avant tout liée à la forte la demande en provenance des pays asiatiques. L’OCDE et la FAO estiment ainsi que le prix de la viande bovine devrait atteindre des niveaux records. Il est cependant à noter qu’en termes réels, c’est-à-dire hors inflation, les prix des produits végétaux et des produits animaux devraient diminuer sur le moyen terme.

 

(9) Les échanges de produits agricoles devraient continuer à s’accroître durant la période 2014-2023, mais à un rythme moins rapide que durant la décennie précédente. Les échanges de céréales et de viande devraient ainsi respectivement augmenter d’environ 1,5 % et 2,5 % par an en volume. Cela représente des taux deux fois inférieurs à ceux de la décennie précédente.

 

(10) Le continent américain devrait continuer à être la première région exportatrice mondiale, tant en valeur qu’en volume, tandis que l’Asie-Pacifique devrait enregistrer les plus importants déficits commerciaux. En 2023, les excédents commerciaux les plus élevés devraient être ceux réalisés pour les oléagineux par l’Amérique du Nord (+ 58,3 millions de tonnes) et l’Amérique latine (+ 57,7 Mt), tandis que les déficits les plus prononcés seront ceux de l’Asie-Pacifique pour les céréales secondaires (- 64,0 Mt) et les oléagineux (- 98,4 Mt). L’Europe devrait dégager d’importants excédents pour le blé (+ 45,8 Mt) et les céréales secondaires (+ 30,4 Mt), mais aussi enregistrer des déficits pour les tourteaux protéiques (- 19,6 Mt) et les oléagineux (- 11,5 Mt).

 

En savoir plus : www.keepeek.com/Digital-Asset-Management/oecd/agriculture-and-food/perspectives-agricoles-de-l-ocde-et-de-la-fao-2014_agr_outlook-2014-fr#page27 (rapport conjoint de l’OCDE et de la FAO de 2014 consultable en ligne), http://data.worldbank.org/data-catalog/world-development-indicators (données de la Banque mondiale mentionnées dans le texte).

2 Commentaire(s)

  1. Les deux courbes concernant l’evolution des prix des produits animaux et végétaux me laissent vraiment perplexe. Comment peut-on justifier une telle linéarité dans l’augmentation de prix de ces produits. Si l’on regarde bien les courbes, entre 2004 et 2012, il y a eu une forte augmentation de la valeur des produits qui s’est accompagnée d’une volatilité des prix. Je comprends bien que l’on ne peut pas représenter sur un graphique de prospective la volatilité des prix, mais par contre le prix des produits me semble vraiment sous-estimé.
    Trois points tirés du rapport me permettent de justifier mon argumentation :
    – La baisse des rendements
    – l’augmentation des coups de production
    – l’augmentation de la demande mondiale

    Si on lie les trois phénomène on obtient on fondement de l’économie depuis la nuit des temps. Le prix d’un bien est lié à la rareté de celui ainsi qu’a son cout de production. Ici les deux facteurs augmentent en même temps, le prix ne peut qu’augmenter de façon conséquente.

    Qu’en dites vous ?

  2. Je n’ai fait ici que reprendre les données fournies par l’OCDE et la FAO. Pour plus d’informations sur ce sujet, j’engage les lecteurs à consulter les graphiques qui se trouvent en page 57 du rapport (Graphique 1.14). Le rapport est lui-même consultable à cette adresse : http://www.keepeek.com/Digital-Asset-Management/oecd/agriculture-and-food/perspectives-agricoles-de-l-ocde-et-de-la-fao-2014agroutlook-2014-fr#page1. Les données sont quant à elles disponibles à cette adresse :
    http://dx.doi.org/10.1787/888933102696. Il est à noter que les prix nominaux indiqués dans les graphiques 7 et 8 sont les prix de référence mondiaux pour chacun des produits.

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