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Cours d’eau et fossés, les agriculteurs doivent s’approprier le droit de l’environnement

En matière de cours d’eau, la fatalité administrative n’existe pas. Le droit de l’environnement existe, avec des règles à suivre. En se l’accaparant, les agriculteurs peuvent se donner la capacité d’obtenir gain de cause dans bien des dossiers.

En toute logique on aurait pu penser que les agriculteurs devaient se contenter du Code rural pour gérer leurs entreprises. Il n’en est rien, le Code de l’environnement vient s’ajouter. L’agriculture ne peut plus s’affranchir du droit de l’environnement et doit désormais adapter sa logique et ses pratiques, tout en construisant sa propre vision d’un environnement agricole. Ainsi, les problématiques que génère la qualification de cours d’eau sont une parfaite illustration des rapports complexes qu’entretiennent l’agriculture et l’environnement.

L’agriculteur peut gagner un procès

Le tribunal administratif de Dijon a rendu le 25 novembre dernier un jugement en faveur de Jean-Pierre Mathy dans le litige qui l’opposait à la préfecture de Saône-et-Loire. Le point de discorde tenait à la qualification de son fossé en cours d’eau et à l’interdiction de réaliser un plan d’eau : il voulait réaliser un plan d’eau pour pêcher, ce qui lui était initialement refusé du fait que l’alimentation du plan d’eau en question venait d’un cours d’eau. Le jugement a requalifié le cours d’eau en fossé, donnant raison à Jean-Pierre Mathy.

Pour préparer ce procès, Jean-Pierre Mathy avait fait appel à l’Andhar (association nationale de drainage et d’hydraulique agricole responsable), qui avait déjà soutenu le maraîcher d’Annemasse Pierre Grandchamp.

L’équipe de l’Andhar, épaulée pour l’occasion par Carole Zakine, docteur en droit de l’environnement et juriste à Saf agr’iDées, est composée de techniciens, hommes de terrain. L’association a pris le parti de présenter au tribunal un dossier pédagogique, car dans un domaine aussi complexe que le droit de l’environnement, il est primordial d’adopter un raisonnement simple et clair, bien adapté à l’histoire en question.

Le tribunal a conclu sur l’existence d’un fossé et à l’autorisation donnée à Jean-Pierre Mathy de réaliser son plan d’eau. Ce projet apparait en définitive comme compatible avec les orientations du Sdage (schéma directeur d’aménagement et de gestion de l’eau), préconisant l’encadrement de la création de plan d’eau.

Le succès de ce jugement, qui peut encore faire l’objet d’un appel, est également l’occasion de rappeler qu’en l’absence de définition légale, on doit tenir compte de la jurisprudence, c’est-à-dire de l’ensemble des décisions rendues par les tribunaux. En l’occurrence, le jugement de Jean-Pierre Mathy reprend les critères qui permettent de distinguer le cours d’eau d’un fossé, soit de longues années d’une jurisprudence établie.

L’enjeu est de poids, car la qualification de cours d’eau engendre des contraintes administratives à la charge de l’agriculteur, qui ne peut s’y soustraire sous peine de sanctions. Le cours d’eau implique l’existence de trois critères cumulatifs : l’existence d’un lit permanent, naturel à l’origine, et présentant un débit suffisant une majeure partie de l’année. A ces critères généraux, les juges ont ajouté au fil du temps de nouveaux indices, spécifiques à certaines circonstances (tels la présence d’invertébrés ou de substrat indifférencié), pour conforter la qualification.

L’administration doit respecter les règles

Si ces conditions sont clairement établies par les juges, et ce de manière constante, elles paraissent méconnues des agriculteurs, mais aussi occultées par l’administration. Il est vrai, nul n’est censé ignorer la loi, mais dans un domaine aussi complexe que le droit de l’environnement, cette maxime semble illusoire. En effet à la technicité accrue du système, s’ajoute les interprétations « libres » de l’administration. A titre d’exemple, nous pouvons citer la volonté du ministère de l’Ecologie de mettre en place une doctrine régionale multicritères d’identification des cours d’eau. L’Andhar défend l’idée que cette approche multicritères est dangereuse car elle rendrait les critères généraux issus de la jurisprudence (des jugements déjà rendus) modulables. Une telle confusion est déjà orchestrée par l’administration via des doctrines locales d’identification des cours d’eau.

Aujourd’hui le droit de l’environnement s’impose de plus en plus au monde agricole en particulier dans le domaine de l’eau. L’ambition affichée de la politique publique actuelle n’est plus à la préservation mais à la reconquête des milieux, de la qualité et de la quantité de l’eau. Il ne s’agit donc pas d’aller à l’encontre de cette volonté, mais de démontrer que les actions des agriculteurs y contribuent. Pour cela, la connaissance du droit de l’environnement est devenue indispensable, ou à défaut la prise de conseils dans le domaine.

 

En savoir plus : http://andhar.fr (site de l’Andhar, association citée dans cet article) ; https://wikiagri.fr/archive/12 (l’Andhar était présenté dans le numéro 12 de WikiAgri Magazine, accessible gratuitement en ligne pour nos membres, en page 25) ; https://wikiagri.fr/articles/maraicher-dannemasse-au-nom-du-respect-de-lenvironnement/1012 (WikiAgri avait relaté l’épisode environnemental de l’affaire du maraicher d’Annemasse, avec intervention de l’Andhar).

1 Commentaire(s)

  1. Votre article suppose que les agriculteurs doivent devenir aussi malade du droit qu’en est notre société. La Société qui est partie prenante de son agriculture et que les agriculteurs en tant que tels n’ont aucun droit de dire : »L’agriculture c’est moi! »
    Le droit et les agriculteurs ont oublié ce qu’il y avait sous la surface. Les hydrologues peuvent vous expliquer facilement que sous l’apparent cours d’eau de 1m de large, on peut trouver un aquifère immense.
    L’approche multicritère n’a pas de danger en soi. ce sont les mauvaises volontés qui y voient un danger car les multicritères peuvent parfois devenir de gros avantages compétitif avant d’en devenir des juridiques.

    Un jour il va falloir penser à utiliser les mots justes. La sémantique de bas niveau empêche de comprendre le don d de l’article en disant « s’approprier le droit ». les agriculteurs possèdent déjà une grande partie de la terre française, il manquerait plus qu’ils s’approprient le droit.

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