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Réflexions croisées autour de l’endettement des agriculteurs

Le sujet de l’endettement est au cœur de plusieurs débats qui agitent le monde agricole et la sphère médiatique, particulièrement depuis la semaine du salon de l’agriculture.

J’ai débattu de cette question avec Jean-Marie Séronie et Laurent Bernede de WeFarmUp sur le plateau TV  de #VillageSemence au salon de l’agriculture le dimanche 28 février. Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cet échange :

– 1 La trésorerie doit être suivie en tenant compte des fluctuations des cours. Les bonnes années comme 2012 doivent permettre de mettre de côté une part importante des excédents de trésorerie, non pour investir mais pour aborder les années suivantes plus sereinement. Des outils existent, à l’image de la marge d’orientation (voir la projection ci-dessous, marge d’orientation Cerfrance) qui teste la résistance des exploitations à des variations de plus ou moins 20 % des cours.

– 2 La fiscalité agricole doit évoluer et l’IS agricole est une piste à étudier sérieusement (IS = impôts sur les sociétés) au niveau politique pour que l’assiette fiscale puisse être plus proche de la réalité des prélèvements et des autofinancements (lire « Vers une fiscalité agricole dynamique« , publié par le réseau Cerfrance). A défaut, les outils tels que la DPA (déductions fiscales pour aléas) doivent vraiment être assouplis et simplifiés.

– 3 La mécanisation des entreprises agricoles doit être « déconfigurée » (Laurent Bernède, co-fondateur de WeFarmUp) afin de rendre les exploitations plus flexibles. Plutôt que de s’équiper pour affronter toutes les années possibles, autant s’équiper pour passer 8 années sur 10 ou 9 années sur 10, et se reposer sur un réseau de partenaires (ETA, CUMA, plateformes d’échange de matériel type WeFarmUp ou travaux-agri.fr) pour faire face lors d’événements exceptionnels.

– 4 La structure de l’endettement des entreprises doit être adaptée aux besoins de financement des cycles d’exploitation (financement du BFR en long terme), mais aussi à la capacité de remboursement.

– 5 Les investissements doivent être raisonnés de manière globale, en s’appuyant sur un raisonnement à trois niveaux : utilité (pour la santé, ou qualité de vie), rentabilité (valeur actualisée des flux d’un projet, lire l’article Vaut-il mieux gagner 200 € dans 10 ans ou 100 € aujourd’hui ?), et capacité de remboursement (suivi pluriannuel de la marge d’orientation en intégrant la future annuité, comme vu dans le point 1). Il faut a minima valider ces trois critères avant de pouvoir envisager l’investissement.

L’endettement n’est donc pas le sujet majeur dans le monde agricole. Le suréquipement et les frais de mécanisation qui en découlent sont la source du problème d’une bonne partie de l’endettement des exploitations. La profession doit se réinventer et repenser la notion d’intelligence collective pour faire mieux avec moins : partage et location du matériel, achat en collectif, recours aux ETA… Le matériel ne doit plus être vu comme le marqueur de la réussite d’une exploitation agricole, mais comme un outil de production, qui peut être dissocié du patrimoine direct de l’entreprise.

Ci-dessous, la vidéo du débat sur l’endettement agricole, émission enregistrée pendant le salon de l’agriculture.

En savoir plus : https://wikiagri.fr/articles/villagesemence-le-salon-de-lagriculture-2016-en-direct-live-sur-internet/8260 (ce qu’était VillageSemence pendant le salon de l’agriculture) ; http://www.tvagri.info (où retrouver l’ensemble des vidéos – très intéressantes, chacune avec son thème – des émissions tournées pendant le dernier salon de l’agriculture) ; www.agroeconomie.com (site Jean-Marie Séronie, l’un des intervenants de la vidéo) ; https://www.wefarmup.com/fr (site de WeFarmUp, site créé par Laurent Bernede, l’un des intervenants).

Ci-dessous, le débat au Sia, de gauche à droite : Laurent Bernede, Jean-Paul Hébrard, Jean-Marie Séronie, Anaël Bibard.

2 Commentaire(s)

  1. Effectivement, l’intensité capitalistique est très forte en agriculture. Il y a des industries qui le sont plus encore lorsqu’on compare le niveau des investissements et des résultats économiques : c’est le secteur des transports de marchandises notamment.

    Cependant, avoir un marché déconnecté des coûts de production est le propre de plusieurs industries. Le fret maritime aujourd’hui n’est pas calculé en fonction du coût d’un bateau et de la quantité de fioul lourd consommé, mais en fonction de l’offre et de la demande. Le prix du minerai de fer en est de même, ainsi que la plupart des matières premières.

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