Sur le terrain la conjoncture est différemment ressentie par les éleveurs car le prix payé par les industriels, dépend de leur mix produit. Selon la FNPL, l’entrée en application de la loi Egalim aurait eu un impact, mais encore insuffisant.
Selon la Fédération nationale des producteurs de lait (Fnpl – association spécialisée de la Fnsea), le prix de base des 1 000 litres de lait a été payé en moyenne 11 € de plus en septembre dernier qu’un an auparavant à la même époque. Cependant, cette hausse moyenne masque de nombreuses disparités. L’augmentation sur un an, accordée par l’entreprise Bel, n’est que de 2 € pour 1 000 litres tandis que celle Terra Lacta a atteint 20 €.
Cette hausse moyenne de 11 € inclut l’ensemble des variations du prix du lait payé aux producteurs par les industriels, quel que soit leur mix produit de ces derniers (part de la transformation du lait livré en poudre, en beurre, fromage, produits laitiers, etc.). Mais comme certaines entreprises (Bel par exemple) avaient aussi anticipé la hausse des prix du lait en payant plus cher le lait livré dès 2018, l’augmentation en 2019 est plus faible.
Selon la FNPL, la loi Egalim a commencé à avoir un impact sur le lait destiné à être transformé en produits laitiers et commercialisés par la grande distribution (fromages, yaourts). Pour autant, l’objectif de la section spécialisée de la FNSEA d’une hausse du prix de base de 50 €/1 000 litres par rapport à son niveau en 2018, n’est qu’à moitié atteint. Il atteindrait alors 370 €/ 1 000 l.
Pour le démontrer, la FNPL s’est livrée à de savants calculs. La décomposition du prix des 1000 litres de lait payé aux producteurs par les entreprises a ainsi révélé des augmentations variant du simple au double, selon le mix produit des entreprises. Par exemple, la hausse calculée du prix est de 12,52 € /1 000 l pour le groupe Sodial (dont la majorité du lait livré est transformée en beurre et en poudre) et de 26,80 €/1 000 l dans les petites entreprises laitières dont l’activité est orientée à 80 % vers le marché intérieur français.
Ces 26,80 €/1 000 l sont pris comme référence puisqu’ils représentent presque la moitié des 50 €/ 1000 l attendus par la FNPL, ces entreprises ne fabriquant quasiment que des produits laitiers que pour être commercialisés en France.
Une autre méthode de calcul confirme l’impact de la loi Egalim, selon encore la FNPL. L’application du seuil de revente à perte aurait en effet permis à la grande distribution de se constituer une cagnotte de 33 millions d’euros. Et celle-ci aurait donné aux industriels les moyens de payer les produits laitiers livrés 2,1 % en plus alors que la hausse des prix de vente au détail n’a été de 1,83 %.
Autrement dit, la grande redistribution aurait affecté une partie de cette cagnotte de 33 millions d’euros pour payer aux industriels et aux éleveurs, les produits et le lait, fabriqués et livré plus chers (jusqu’à 20-25 €/ 1000 l). Il ne s’agit, rappelons-le que de la partie du lait destinée à être transformée en fromages et en yaourts vendus aux consommateurs français.
Les débouchés du lait sur le marché intérieur temporise l’évolution erratique du prix du lait destiné à être transformé en poudre de lait et en beurre. Or ce dernier est corrélé au prix du lait payé aux producteurs allemands, selon la FNPL.
En juillet dernier, le prix des 1 000 litres de lait destiné à la transformation de beurre et de poudre avait augmenté sur un an de 8,3 €/1 000 litres. Rapporté au mix produit de la ferme France, l’augmentation aurait été de 2 à 3 €/1 000 litres. Depuis, la transformation du beurre et du lait impacte négativement sur le prix du lait payé aux éleveurs français (-1 €/ 1 000 litres environ). En effet, le prix du lait payé en Allemagne a décroché.
Sinon, la hausse sur un an en septembre dernier de 11 €/1 000 l en septembre 2019 aurait probablement été de l’ordre de 13 à 14 €/1 000 l.
Atteindre un prix de base de 370 €/1 000 l est la condition sine qua non pour rendre la profession d’éleveur attractive auprès des jeunes éleveurs qui prendront la relève de producteurs en fin de carrière dans quelques années. La production de lait, comme l’ensemble de l’agriculture, est confrontée à un défi générationnel qui impose un renouvellement massif des actifs agricoles non-salariés dans les dix prochaines années. Même si ces futurs producteurs de lait sont des passionnés de l’élevage, ils ne s’installeront pas si leur travail n’est pas correctement rémunéré (au moins 2 smics par mois). Par ailleurs, ils vont devoir acheter très cher, et en une fois, un outil de production que les cédants ont construit durant toute leur carrière.
Enfin, le paysage agricole change. De plus en plus d’exploitants âgés sont remplacés par des salariés payés tous les mois. Or leurs salaires ne sont pas, comme les revenus des éleveurs, des variables d’ajustement ! Ils constituent des charges fixes…
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