couverture s20 eta23

SEMIS EN LIGNE : DES CHANTIERS MODULÉS POUR SE DIFFÉRENCIER

Les gains de la modulation de densité de semis peuvent être importants y compris pour les cultures d’hiver comme les céréales. C’est un argument qui peut séduire les agriculteurs et qui est stratégique à plus d’un titre pour les ETA. Décryptage.

Depuis deux ou trois ans, les techniques de modulation de la densité de semis se démocratisent et viennent grossir le catalogue de prestation des ETA. Ces techniques sont facilitées par la généralisation des pratiques de guidage par GPS et la mise en place de distributions à entraînement électrique voire hydraulique sur les semoirs. L’apparition de cette technique de modulation de semis s’est d’abord démocratisée pour des cultures comme le maïs où la charge de l’achat de semence à l’hectare est importante. Toutefois, des résultats établissent que la technique est porteuse de valeur ajoutée y compris pour des cultures comme les céréales d’hiver. « Même si l’intérêt de la modulation de densité de semis est moins évident en blé qu’en maïs ou en betterave (la semence coûte moins cher et l’effet variétal moins marqué), passer d’une dose de 220 à 350 gr m2 en fonction du type de sol permet d’aller chercher quelques points de rentabilité et d’alléger l’organisation du chantier », confirme la chambre d’agriculture du Loiret qui a mené des essais de simple et de double modulation en blé. La chambre d’agriculture a constaté ainsi des gains d’environ
10 q/ha en secteur caillouteux. Le gain de produit brut (basé sur un prix de vente à 145 €/t) est estimé entre 168 €/ha et 131 €/ha. Dans ces conditions, le surcoût de la semence (pour semer fort en conditions de levées faibles) et le coût d’accès à la technologie sont compensés. Selon l’adage qu’un entrepreneur a de l’avenir là où il fait gagner de l’argent à son client, la prestation de modulation est donc un domaine qui semble intéressant. D’ailleurs sur le terrain nombre d’ETA se sont lancées à l’occasion du renouvellement de matériel. Avec un peu de recul, cette spécialisation semble profitable pour fidéliser voire recruter de nouveaux clients. Toutefois, le partage de la valeur ajoutée avec l’agriculteur semble toujours difficile tant la concurrence est rude. Les quelques ETA que nous avons interrogées à ce sujet admettent ainsi avoir du mal à répercuter l’avantage de la technologie dans le prix de la prestation.

La technique de modulation de la densité de semis des céréales à paille a démontré des gains possibles de rendement notamment en sols très hétérogènes.

 
Les cartes d’hétérogénéité doivent être interprétées grâce à des observations complémentaires de terrain, comme le profil de sol.

Un domaine stratégique

La modulation de semis des cultures d’hiver est en tout cas un angle d’attaque intéressant pour amener ses clients sur le chemin de l’agriculture de précision. La perspective de gain est une opportunité pour engager plus largement le reste des systèmes d’exploitation. C’est donc un domaine hautement stratégique. Il ne s’agit pas seulement de partager une valeur ajoutée avec les agriculteurs, mais d’installer avec eux une relation de partenaire sur tous ces aspects liés à l’agriculture de précision. Coopératives, négociants, constructeurs et semenciers ne s’y sont pas trompés. Ils ont beaucoup investi dans ces systèmes. Dans ce contexte les ETA ont-elles aussi une carte à jouer pour se placer en apportant de la liberté de choix aux agriculteurs, là où d’autres seraient tentés de les enfermer. La philosophie des entrepreneurs sera ainsi souvent de se démarquer de l’offre existante par ailleurs. Cela n’empêche pas pour l’ETA d’espérer pouvoir créer des synergies avec ses clients et les autres domaines d’activité de l’entreprise. Donner accès aux agriculteurs à ces technologies peut notamment permettre d’espérer remporter d’autres chantiers pour valoriser encore plus ce premier travail de modulation. La récolte permettra notamment de centraliser les informations localisées sur des cartes rendement, d’évaluer et de démontrer le gain réalisé par le client ou d’anticiper les quantités de minéraux exportées par les récoltes et donc les fumures de fonds à réaliser. Une parcelle modulée en densité de semis ouvre aussi le chemin pour des chantiers de modulation plus précis de la fertilisation azotée, voire pour la modulation des applications de fongicides ou de régulateurs. Lorsque toute la chaîne des travaux d’agriculture de précision est bien maîtrisée, le gain global des pratiques est supérieur à la somme des gains de chaque pratique prise isolément. C’est dû à des effets de synergie en lien avec l’amortissement de l’investissement dans les cartes et dans le savoir-faire et à une meilleure efficience du système sol-plante-intrants.

Cartes d’hétérogénéité

L’ETA Raimond l’a bien compris. Dans le secteur du grand Est, elle propose un ensemble de services complet autour de la modulation en général et de la modulation de semis en ligne en particulier. Elle propose aux agriculteurs d’éditer leurs propres cartes d’analyse de sols en partenariat avec la société Precifield. L’ETA édite alors des cartes d’hétérogénéité des sols grâce à un Pick-Up qui circule dans les parcelles avec une remorque bardée de capteurs. Elle préconise aussi de compléter ces informations à l’aide des cartes de rendement ou des analyses de quantité de biomasse et de chlorophylle avec le capteur N sensor.
L’édition d’une carte d’hétérogénéité n’est toutefois pas l’aboutissement du travail. Encore faut-il savoir les faire parler et en retirer les enseignements pour les transformer en cartes de consignes. Des profils de sol complétés d’analyses de sols permettront de faire parler les cartes et de comprendre les hétérogénéités rencontrées, au regard de la microbiologie, de la structure, de la disponibilité en minéraux… La société SOYL France propose en plus de la cartographie de l’hétérogénéité des sols, des modules pour réaliser des plans d’expérimentation adaptés pour mieux connaître encore ses propres terres et anticiper le gain que telle ou telle carte de consigne peut apporter.
L’édition de cartes de potentiel pour les sols reste une opération coûteuse pour l’agriculteur qui est évaluée à une centaine d’euros par hectare. Les professionnels estiment pour l’agriculteur un retour sur investissement dans un délai de 3, 4 ou 5 ans. Plus les parcelles sont hétérogènes et plus les gains de la modulation peuvent être conséquents. Certains systèmes comme le module « Claas crop view » éditent des cartes en s’affranchissant de l’analyse sur le terrain. L’hétérogénéité intraparcellaire est alors évaluée à partir de l’historique d’images satellites de développement végétatif. Cela permet de répartir les zones en fonction des potentiels, sans doute de façon moins fine, mais d’accéder malgré tout à la possibilité de moduler la densité de semis. Dans tous les cas, l’édition de cartes peut trouver bien d’autres applications que celle de la modulation de semis. La modulation est alors souvent ouverte pour les fertilisants de fonds, les apports de chaux, voire l’irrigation, ou la pulvérisation (régulateurs et fongicides).
Les constructeurs proposent des terminaux dédiés à la modulation pour faire le lien entre la consigne donnée par la carte et la distribution sur l’outil.
Différents constructeurs proposent de gérer en même temps et de façon indépendante, deux cartes de modulation à l’image de Pöttinger avec son Terrasem fertilizer.

Définir une stratégie de semis

Une fois que l’hétérogénéité du sol est bien caractérisée sur les précieuses cartes, il est possible de définir une stratégie de modulation. La densité de semis choisie doit tenir compte de l’objectif de peuplement en fonction du potentiel à l’endroit de la parcelle, mais aussi du taux de levée en fonction de la nature du sol, ou de la qualité de la semence choisie.
Sur les zones de risque de perte à la levée comme les zones de cailloux, ou les argiles très lourdes, il est ainsi intéressant de semer plus fort ou d’avoir recours à des hybrides avec une capacité de tallage plus importante. Sur les zones où c’est la réserve utile en eau qui est limitante, la stratégie consistera à réduire la densité là où la réserve utile est plus faible. Sur les zones à forts potentiels on sera tenté d’accroître la population, ou de viser un coefficient de tallage important avec des variétés avec des poids de mille grains importants.
L’établissement de cartes précises peut se faire à l’aide de capteurs sur le terrain notamment via les systèmes de Soyl France ou de Precifield. Les deux sociétés travaillent avec les ETA. Le constructeur Claas propose aussi des cartes à partir d’un historique d’images satellites

L’entraînement électrique de l’arbre de distribution, comme ici sur le semoir Amazone Cirrus, offre l’avantage d’une modulation facile et réactive du débit de semence
 
Auteur: Alexis Dufumier

1 Commentaire(s)

  1. nos clients modulent les fumures pour les engrais (fond, azote, amendements calciques) depuis 2008 et les semis depuis 2015. Les économies globales d’engrais sont de 5 à 7% par an et les économies en semences de 7 à 10% pour un rendement global en céréales de 5 à 10% supérieur selon les années. quelque soit la culture.
    Richard DAMBRINE
    Consultant Indépendant
    Agro Conseil
    Expert près les Cours d’Appel et Administrative d’Appel de Douai

Il n'y a pas de commentaires pour le moment. Soyez le premier à participer !

Article Précédent
Article Suivant