Il est particulièrement rare aujourd’hui de voir des sujets faire l’unanimité au Parlement. Depuis ce jeudi 30 janvier 2020, avoir un voisin irascible qui porte plainte contre le chant d’un coq ou le tintement des cloches des vaches pourra faire l’objet d’un recours juridique, au nom de la défense du patrimoine sensoriel.
L’initiative appartient au député de Lozère Pierre Morel-à-Lhuissier, elle a été suivie par tous les courants politiques, en particulier par le parti au pouvoir à l’Assemblée nationale, mais pas seulement. Comme WikiAgri l’avait décrit en octobre, il s’agit de constituer, dans chaque région (la compétence est celle des conseils régionaux), un inventaire des bruits et odeurs à considérer comme « patrimoine sensoriel« , et dont cette qualification serait opposable, en cas d’attaque judiciaire, au « trouble anormal de voisinage« , régulièrement invoqué dans ces cas-là.
Plus précisément, il s’agit de reconnaitre l’existence d’un patrimoine rural qui ne soit pas que matériel (châteaux, moulins, etc.) mais également sensoriel (bruits, odeurs…).
En d’autres termes, donner les moyens à ceux qui subissent des plaintes de voisins irascibles de les rendre irrecevables… A la condition, donc, que cette plainte corresponde à l’un des cas répertoriés dans l’inventaire.
Ce jeudi matin, après avoir obtenu l’assentiment du gouvernement les jours précédents (voir la vidéo de ce Twitt), Pierre Morel-à-Lhuissier, rapporteur de la proposition de loi (cosignée par 71 députés), a vu l’Assemblée nationale la voter à l’unanimité (66 suffrages exprimés, 66 pour). A charge pour lui désormais de mener les travaux qui permettront à chaque région de constituer son propre inventaire, elles qui ont la charge de répertorier le patrimoine. Une fois ceux-ci validés, les vaches pourront garder leurs cloches avec fierté, les coqs pourront chanter à tue-tête, n’en déplaise à celles et ceux qui rêvent d’imposer un idéal sans bruit là où ceux de la campagne font partie du paysage.
S’il peut paraitre invraisemblable qu’il faille légiférer pour se protéger de ce type d’attaques juridiques, cette reconnaissance du patrimoine sensoriel représente un outil indéniable pour enrayer cette frénésie judiciaire qui s’empare, dans la majorité des cas, de néo-ruraux mécontents, et surtout peu au fait de ce qu’ils découvrent en venant vivre à la campagne…
WikiAgri a joint Pierre Morel-à-Lhuissier et a recueilli son commentaire : « Cette loi est exemplaire à plusieurs niveaux. Elle élaborée en juillet 2019, déposée à l’Assemblée nationale en septembre, est passée devant le Conseil d’Etat en décembre et janvier pou un avis rendu le 16 janvier 2020, pour être en définitive votée le 30 janvier, à la double unanimité, de la commission culture d’abord, de l’Assemblée entière ensuite. Je pense qu’on n’a jamais été aussi vite pour une loi sous la Ve République. L’étape du Conseil d’Etat n’était pas obligatoire, mais je l’ai souhaitée : il a fortifié la rédaction juridique rendant le texte inattaquable. C’est aussi la première fois que le législateur adopte une loi de préservation du monde rural, dont tout le monde perçoit les atteintes, ce qui a sans doute aidé à ce résultat unanime et rapide. Le monde rural est très attaqué, cette loi est salutaire pour lui.«
La loi doit désormais encore passer devant le Sénat pour être adoptée définitivement, mais l’issue ne fait aucun doute.
Dès le vote du Sénat, avant même la constitution des inventaires par les conseils régionaux, un juge pourra arguer en faveur de la défense du patrimoine naturel pour refuser d’enregistrer une plainte… Ce sera encore plus simple pour lui une fois ces inventaires établis.
Il n'y a pas de commentaires pour le moment. Soyez le premier à participer !
c’est triste, on en arrive à créer des lois pour se protéger des EXTRA TERRESTRES qu’on appelle aussi les citadins …
Depuis les années 50 le taux d’urbanisation n’a fait que monter , aujourd’hui on dépasse les 50% de citadins … d’où cette déconnexion totale avec la Terre !