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Lait dans le monde : à chaque pays sa politique de prix

Les dispositifs de formation du prix du lait diffèrent fortement d’un pays à l’autre. L’Idele présente un panorama des politiques de prix en en vigueur dans une dizaine de pays qui pèsent dans le monde.

A Paris se tient cette semaine le sommet mondial du lait. Dans la très grande majorité des pays, la production laitière est avant tout destinée à l’approvisionnement de son marché intérieur. Elle maintient en activité une multitude d’éleveurs en zone rurale. Le marché mondial des produits laitiers est très standardisé et repose essentiellement sur une douzaine de pays.

En Union européenne, la Politique agricole commune (Pac) n’impose pas un prix du lait commun aux Vingt-sept pays membres. Face à un marché mondial très standardisé, chacun d’eux mène sa propre politique de prix en fonction de sa situation et des objectifs qu’il défend. Dans une étude rendu-public, l’Institut de l’élevage (Idele) dresse un panorama sur « La formation du prix de lait de vaches dans quelques grands pays producteurs ». En Europe, parmi les pays passés en revue, citons l’Allemagne et les Pays Bas. Hors de l’Union européenne, les politiques de prix de sept autres pays sont présentées. Voici quelques exemples. 

En Allemagne, les éleveurs du sud sont mieux payés que ceux du nord car l’industrie laitière approvisionne le marché intérieur alors la poudre et le beurre produits dans le nord sont destinés à l’export.

Dans les länders de l’est, le prix du lait livré est directement négocié avec le collecteur car les fermes d’élevage sont suffisamment importantes pour imposer leurs conditions de vente. En Bavière, les exploitations de bien plus faible dimension confient leurs négociations à des organisations professionnelles.

Dans tous les cas de figure, les contrats conclus sont bien plus souples que ceux signés en France avec généralement des livraisons qui ne sont pas plafonnées.

Mais les prix du lait payés aux éleveurs sont très volatils. Les négociations commerciales entrent distributeurs et transformateurs sont régies par l’évolution des cours mondiaux des produits laitiers. Le marché laitier allemand est très ouvert à la concurrence, la moitié des produits laitiers consommés est importée et l’Allemagne exporte quasiment aussi la moitié de sa production. Lorsque la conjoncture laitière se dégrade, la distribution impose à l’ensemble de la chaine de valeur une baisse des prix et des marges. A contrario, la moindre hausse des cours des commodités est répercutée sur le prix de vente du lait payé aux producteurs. Il a atteint des sommets en 2023 alors qu’en France, le prix avait augmenté très modérément.

Les Pays Bas sont l’Etat membre de l’Union européenne où le lait est le mieux valorisé auprès des éleveurs même si son évolution est très volatile. 90 % de la collecte est effectuée par la coopérative FrislandCampina. Le prix de vente du lait est construit à plusieurs étages.

La coopérative fixe chaque mois un prix minimum garanti en fonction de la conjoncture mondiale des produits laitiers et des prix fixés en Europe du Nord. En 2022, il était de 552 €/1 000 litres.

Ce prix garanti est établi sur la base d’une livraison annuelle de 925 000 litres. Puis jusqu’à 35 €/1 000 litres de primes et de compléments de prix sont versés en plus en fonction de la qualité du lait ou des pratiques d’élevage. La mise à l’herbe est valorisée aux dépens du zéro-pâturage.

Si les éleveurs ont adhéré à des démarches de qualité particulières pour produire des laits labellisés (organiques par exemple) d’autres compléments de prix sont ajoutés.

A la fin de l’année, la coopérative  FrislandCampina reverse une partie de ses résultats s’ils sont positifs. Mais certaines années, le coût de la contribution sociale à la coopérative est déduit du prix de vente du lait.

L’ensemble de ces primes et de ces compléments s’ajoute aux prix de base et représente certaines années un gain de 30 €/tonne.

Au Danemark, le marché du lait est dominé par Arla, une coopérative qui collecte 87 % de la production nationale livrée. Les éleveurs danois perçoivent dans un premier temps un prix d’avance calculé en fonction  de la conjoncture des commodités laitières et à la fin de l’année une partie des 70% du résultat de la coopérative au prorata des volumes livrés. Le reste des bénéfices est alloué sous forme de parts sociales et est affecté au capital propre de la coopérative.

Pays du Sud

Dans de nombreux pays émergents, le lait est produit pour nourrir leur population et non pas pour être transformé en beurre et en poudres exportables. Aussi, les politiques de prix conduites dans chacun d’eux répondent d’abord à des objectifs précis de sécurité et de souveraineté alimentaires. Elles visent aussi à maintenir une population agricole sur place en rémunérant tant bien que mal leur activité d’éleveur.

Dans ces pays, la formation du prix du lait est relativement déconnectée des lois du marché qui régissent les échanges mondiaux de poudre de lait et de beurre.

En Inde, les trois quarts de la production de lait (207 millions de tonnes – 67 millions de producteurs) sont autoconsommés ou vendus sur un marché informel tenu par des petits vendeurs. L’export est insignifiant. Dans chaque région, le prix du lait payé aux éleveurs dépend de la densité des collecteurs (industriels, coopératives) sur le marché formel et des règles retenues de fixation des prix, rapporte l’Institut de l’élevage. La concurrence influe sur le prix.

Dans le secteur formel (25 % du lait produit), les entreprises privées paient seulement le lait en fonction de son taux de matière grasse alors que les coopératives prennent aussi en compte la composition protéique. Parfois la matière sèche est globalisée et payée au prix de la matière grasse, 1 % de taux de matière protéique valant alors 0,67 % de taux de matière grasse. Ces dispositifs évitent le mouillage du lait collecté.

En Chine, importatrice nette de produit laitiers, la politique de prix du lait en vigueur promeut les grandes exploitations aux dépens des petites. « Le prix du lait vendu par les grandes fermes est 20 % à 25 % plus élevé que la moyenne nationale grâce à une meilleure qualité sanitaire, à des taux plus élevés et à des primes de quantité », explique l’Idele. Ce prix du lait varie aussi fortement d’une région à l’autre en fonction des coûts de production en vigueur.

En Australie, la filière laitière est sur le déclin (8,3 Mt ; – 22 % par rapport à l’an 2000) car le dérèglement du climat rend l’élevage plus difficile. Au début de chaque campagne, le code laitier impose aux entreprises collectrices la fixation d’un prix minimum assis sur des taux de base de matières grasse et protéique en fonction de la période de livraison. Mais chaque transformateur paie le lait livré en fonction de leur mix produit. En Australie occidentale, le lait est payé plus cher que dans le reste du pays car la production laitière transformée approvisionne le marché intérieur.

Mais comme la quantité de lait disponible baisse, les industriels australiens se livrent entre eux à une vive concurrence. Aussi, le prix du lait collecté les dessert sur le marché mondial, vis à vie de la Nouvelle Zélande. En 2022-2023, les 1000 litres valaient le même prix qu’en France.

Un continent américain très protégé

Au Canada, « l’encadrement de la production laitière par des quotas et le mode de fixation du prix du lait assurent des revenus stables et plutôt confortables aux éleveurs », rapporte l’Idele. Dans les exploitations, le principal actif est leur quota.
L’activité laitière est très attractive. La Commission canadienne du lait construit chaque année le prix garanti auquel sont payés les producteurs en fonction des coûts d’affourragement, du capital et de l’évolution des salaires dans l’industrie. Hors quotas, les prix des surplus sont volatils.

Aux Etats-Unis, la production laitière – 91 Mt pour un marché de 338 millions de consommateurs – est régulée depuis les années 1930 par les Milk marketing orders (MMO). Ces organisations professionnelles ont parmi leurs missions celle de garantir des prix stables aux producteurs dans la zone qu’elles couvrent.

Chaque mois, les MMO fixent un prix agrégeant à la fois les cours des différents produits laitiers consommés, transformés ou exportés et la composition du mix produit des industriels de la zone couverte.

Ce prix est donc identique pour les éleveurs mais chaque transformateur paie le lait livré en fonction de son activité. Le lait collecté pour être vendu en frais est acheté plus cher que le lait qui sera transformé en poudre.

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