livre folies fermieres 3

La diversification « salle de spectacle » retoquée en zone agricole

Il est certainement l’agriculteur le plus atypique de France. Après avoir créé une ferme-auberge puis un cabaret sur son exploitation, dans le Tarn, il vient de publier un livre pour raconter ce qui ressemble à une vraie saga. Mais il attaque une décision de sa mairie (qui pourtant respecte le zonage agricole), car il veut doubler la surface de sa salle de spectacles. Récit.

Pour l’agriculture c’est une aventure aussi extraordinaire que surprenante. Une histoire dont WikiAgri s’était déjà fait l’écho dans un article en date du 2 avril 2017. Dans le Tarn, l’exploitation agricole de David Caumette située dans le petit village de Garrigues (situé à une vingtaine de kilomètres à l’Est de Toulouse) ne cesse de faire la Une de l’actualité. Depuis des mois les caméras de toutes les chaînes de télévision se précipitent sur ce domaine de 130 hectares pour filmer ce qu’il faut bien appeler une curiosité.

Agriculteur et organisateur de spectacles

Car c’est là, à la campagne, que depuis 2008 notre homme est parvenu à créer dix emplois, dont deux postes de boucher. L’initiative a même été remarquée par la Région Occitanie qui lui a décerné en 2016 le prix « coup de pouce » destiné à saluer l’entrepreneuriat et l’innovation et que sa présidente Carole Delga lui a remis.

Il faut dire qu’après avoir initié la vente directe de ses produits, puisqu’il a compris qu’il devait supprimer les intermédiaires, il se lance dans la vente sur les marchés de plein vent du Tarn et de la métropole toulousaine. Il crée aussi une boucherie à la ferme pour valoriser sa production. Puis il ouvre une ferme-auberge avec des repas de produits du terroir, servis par des producteurs locaux. « Le spectacle était déjà dans l’assiette ! » sourit-il.

C’est alors qu’en 2015 lui vient une idée fabuleuse. Il va passer une licence d’organisateur de spectacles. Il est même encore aujourd’hui le seul agriculteur de l’Hexagone à posséder une telle qualification. Tout simplement parce que David Caumette va ouvrir peu après un cabaret. Un vrai, avec des artistes professionnels venus de Toulouse qui se succèdent sur la scène qu’il réalise en dessous de son domicile personnel. Ce sont Les Folies fermières. Avec même un certain succès, dans la mesure où chaque spectacle se déroule à guichets fermés, rien de moins. Le tout pour assurer un avenir durable à son exploitation.

Un livre pour un nouveau combat

Car cet aboutissement vient après un sévère constat. A 37 ans, David Caumette est à la tête de 70 vaches, 60 porcs et autant d’agneaux. Sauf que cette partie « élevage » est déficitaire. Déjà en 2007, si il a renoncé à continuer à enseigner au lycée agricole voisin de Lavaur, c’est pour reprendre cette ferme devenue un gouffre financier et que ses parents étaient sur le point d’abandonner. « C’est une chose à laquelle je ne pouvais absolument pas me résoudre. Il fallait que cette ferme, qui a appartenu avant à mes grands-parents, continue d’exister. Et depuis que j’ai repris l’activité, je fais tout pour trouver des solutions, au lieu de chercher des coupables ! Je me démène pour toujours aller de l’avant, aux côtés de ma femme Laetitia qui me soutient énormément. »

Tout cela, il le raconte dans un livre qu’il vient de publier avec la collaboration de la journaliste Anne Leblé. Un livre qu’il a présenté voilà peu au salon de l’agriculture et dans lequel il décrit aussi le nouveau combat qu’il engage. Il souhaite en effet doubler la surface de sa salle de spectacles et ainsi servir 200 repas. Mais il se heurte à la mairie qui refuse de signer le permis de construire. C’est pourtant à ce prix, selon lui, que l’exploitation deviendra véritablement rentable.

Selon le maire, c’est le zonage agricole qui est en cause

Et pour faire valoir ses droits, il a saisi le tribunal administratif de Toulouse. « Si je ne fais pas ce projet, dans quelques temps, ce sera à vendre ici. Voilà, c’est clair, net et précis ! Aujourd’hui, avec Laetitia, on peut se verser 1000 € chacun. Demain, avec ce que je veux faire, on pense arriver à un Smic. Reconnaissez que ce n’est encore pas énorme, mais dans le milieu agricole on sait tous que c’est un exploit. Donc le but, c’est de sauver le tout dernier éleveur de la commune. Alors qu’il y a 50 ans, la moitié des 300 habitants vivaient de l’agriculture. Moi je suis tranquille, j’ai le soutien du préfet, de la Région et de la chambre d’agriculture ! »

Mais le maire de Garrigues, Bernard Bolon ne l’entend pas du tout de cette oreille. Pour lui le permis ne peut être signé, car le projet de David Caumette n’est pas conforme au code de l’urbanisme. « Cette décision je ne l’ai pas prise seul, mais avec l’avis du conseil municipal et du service instructeur de la Communauté de communes Tarn-Agout », insiste le premier magistrat. Et il poursuit, « moi je suis admiratif de ce qu’il veut faire. Je comprends très bien qu’il veuille développer son entreprise de spectacles pour renforcer son activité de ferme-auberge, mais cela ne peut pas se faire sur une zone agricole. C’est la loi française et il doit l’accepter ! »

Cependant, le maire assure qu’il se pliera à la décision de la justice. D’ailleurs, David Caumette est tellement certain de bientôt pouvoir mener à bien sa prochaine réalisation, qu’il a même déjà effectué les terrassements.

En attendant que les règlements sur le zonage agricole ne tiennent compte, dans les faits, des nouvelles formes de diversifications…


Ci-dessous, la couverture du livre « Les Folies fermières » de David Caumette, publié aux éditions du Rocher, 16,90 €.

Article Précédent
Article Suivant