L’affaire de la découverte de viande de cheval dans des lasagnes surgelées sensées être à la viande de boeuf est symptomatique de notre époque : gestion de certaines entreprises agroalimentaires par des fonds de pension en mal de profits tous azimuts, mais aussi consommation rapide sans le moindre effort de cuisine…

Et si la faute de la viande de cheval trouvée dans ces malheureuses lasagnes incombait à la ménagère ? Est-ce si compliqué de prendre des pâtes, d’ajouter des petits morceaux d’une viande choisie soi-même chez le boucher avec une sauce tomate plus les aromates que l’on aime ? Notre époque veut du tout-fait, du tout-vite, du tout-surgelé, du tout-microonde, et le tout surtout pas cher.
Pour arriver à tirer les prix, tout en faisant du profit, certains sont ainsi tentés par des gisements d’économie, où qu’ils se trouvent. C’est ce qu’il s’est passé avec Findus, géré par un fonds de pension britannique, dont l’unique recherche (comme pour tous les fonds de pension anglo-saxons) est une croissance à deux chiffres du placement financier.
Ensuite, si l’on découvre à travers cette affaire que des minerais de viande sont échangés par l’intermédiaire de traders, cela n’a rien d’inquiétant. Les minerais en question, bien empaquetés, préservés congelés, peuvent durer six mois sans le moindre risque pour le consommateur. Ce n’est d’ailleurs pas le risque sanitaire qui est mis en avant aujourd’hui, mais l’étiquetage annonçant du boeuf là on trouve du cheval. La viande est échangée via des traders aussi, cela fait partie du jeu, et autorise une continuation du marché pour elle. Ces minerais de viande sont d’ailleurs contrôlés de telle façon qu’une qualité exigée est maintenue, avec des pourcentages fixes de viande maigre et grasse (85 et 15 % ou 80 et 20 %, etc., le tout étant soigneusement étiqueté).
Le problème posé concerne donc la recherche des économies, qui va jusqu’à profiter d’un système qui autorise effectivement à trouver du « toujours moins cher », dès lors qu’un échange est commandité par une boîte moins scrupuleuse, faisant affaire avec un trader du même état d’esprit. A l’arrivée, oui, l’intermédiaire véreux peut trouver moins cher que le boeuf réclamé, allons-y pour du cheval roumain ou polonais…
Pour autant, le marché de la viande en France est, il faut le savoir, l’un des plus sains sur la planète. Depuis le scandale de la vache folle et des farines animales (et cela fait pas loin de 20 ans désormais), tout est contrôlé, selon un système de traçabilité mis en place infalsifiable, dès lors que l’on reste sur les produits frais. La viande de boeuf française est renommée. Et celle de cheval aussi d’ailleurs. La croyance populaire voulant qu’on ne mange pas de cheval tend à s’estomper au fil des années. Il faut dire qu’elle date d’une époque où l’équidé était le compagnon du laboureur, et que ce dernier lui rendait hommage en refusant de dévorer son vivant instrument de travail.
Mais cette traçabilité manque encore sur les produits transformés, d’où la possibilité pour certains de répondre à d’autres arguments que ceux de la qualité.
Dès lors, bien sûr on peut légiférer, vouloir mettre en place une traçabilité aussi sur eux. Je pense d’ailleurs que les éleveurs français de volailles seraient tout à fait pour, eux qui voient des produits transformés arriver dans les linéaires en étant estampillés « made in France », uniquement parce que le plat est cuisiné sur notre sol, pas en raison de la provenance de chacun des aliments. Mais c’est très compliqué à mettre en place, et de fait cela peut réclamer du temps.
On en revient donc à notre postulat de départ : en attendant, n’est-il pas plus simple – et aussi plus savoureux, n’oublions pas la part gustative – de préparer soi-même ses lasagnes ? Si la demande sur la qualité venait sur la gastronomie (et toutes ses composantes depuis la production jusqu’à l’assiette) davantage qu’en réaction à quelque scandale que ce soit, la tentation d’inclure des composants aux origines douteuses dans les plats préparés serait de fait moins forte.
Notre société de consommation est fondée sur le principe du service à la ménagère, alors qu’elle peut elle-même, aussi, se rendre service.
. Note : merci à François Landrieu, journaliste et président de l’académie de la viande, de m’avoir donné certains éléments qui m’ont permis d’argumenter cet article. Son site internet : http://www.academiedelaviande.eu/index.php/fr.