C’est très précocement que la rouille jaune fait son arrivée dans la région du Centre/Auvergne/Limousin, alors que les blés sont encore majoritairement en fin de tallage. La stratégie de lutte doit tenir compte de deux paramètres : le stade et la note de résistance de la variété.
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Cette stratégie doit envisager la possible nécessité d’une lutte de longue haleine si les contaminations se maintiennent tout au long de la montaison, comme cela a été le cas dans certaines situations en 2014.
Les premiers foyers en Limagne et dans le Val d’Allier sont apparus en cette première décade de mars essentiellement sur des blés au stade fin tallage de variétés sensibles comme Alixan, Hysun ou Segor. L’attaque est donc particulièrement précoce dans la région si l’on considère le calendrier mais encore plus si l’on considère les stades concernés ! Une des particularités des attaques sur des stades jeunes est de toucher non seulement des variétés connues pour être sensibles, mais aussi des variétés notées assez résistantes. Sur ces dernières, la résistance ne s’exprime qu’à partir d’un certain stade, généralement courant montaison : dès que la résistance est en place, les pustules disparaissent totalement et la nuisibilité aussi.
Figure 1 : classement des variétés de blé tendre selon leur résistance à la rouille jaune
La résistance variétale reste le moyen le plus économique pour lutter contre la rouille jaune.
Avec un inoculum important au sortir de la campagne 2014, il y a tout lieu de se demander si le « réservoir » de rouille jaune a eu des chances de s’être maintenu dans notre région.
Rappelons que la rouille jaune est un parasite « obligatoire », c’est-à-dire que le champignon ne peut être maintenu que sur des tissus vivants. S’il est certain que les graminées prairiales – ou adventices ou de bord de champ – ne peuvent pas servir de support à des rouilles capables d’infester les blés et triticales, la présence de repousses, elle, peut constituer un relais avant une contamination des jeunes semis de céréales à l’automne. Et, puisque les spores voyagent facilement, transportées par le vent, il suffit de quelques parcelles dans une zone pour maintenir l’inoculum.
Les conditions climatiques hivernales déterminent ensuite la quantité d’inoculum disponible en sortie d’hiver. Elles conditionnent aussi la date d’arrivée de la maladie. L’automne et le début d’hiver très doux que l’on a connus cette année expliquent l’arrivée précoce des premières pustules.
Les températures actuelles sont particulièrement favorables aux contaminations dont l’optimum est de 7-8°C. Par ailleurs, les conditions d’humidités sont remplies par la présence de rosée, favorisée par les fortes amplitudes thermiques actuelles.
Dans un premier temps, il est nécessaire de s’assurer qu’il s’agit bien de rouille jaune car, en sortie d’hiver, la rouille brune, non pénalisante avant 2 nœuds, est souvent présente sous forme de pustules éparses.
Premières pustules de rouille jaune sur stade jeune. Ne pas confondre avec la rouille brune.
Une intervention peut être nécessaire. Les essais de 2014 sur le positionnement des fongicides conduits par Arvalis – Institut du végétal dans des parcelles infestées très précocement montrent qu’il est préférable d’attendre le stade épi 1 cm pour déclencher une intervention précoce. Cela permet de protéger des feuilles plus jeunes et, surtout, de limiter le risque de trop grands délais avec le fongicide suivant, en cas de persistance des contaminations.
En effet, plus que le produit, c’est le délai entre deux interventions qui compte. L’application de fongicide n’éradique pas définitivement la maladie. Lorsque les conditions climatiques restent favorables aux contaminations sur de longues périodes, de nouvelles spores venues de parcelles extérieures (jusqu’à plusieurs km) peuvent re-contaminer les parcelles traitées, dès que le dernier traitement est en fin de persistance (à partir de 3 semaines).
En termes de choix de produit, la lutte chimique s’appuiera sur les triazoles dont l’efficacité est très satisfaisante et qui peuvent être complétés par une strobilurine. Dans le cas d’un passage précoce, spécifique contre la rouille jaune, on aura deux objectifs :
– limiter les coûts, dans l’éventualité où il faudrait ré-intervenir plusieurs fois,
– veiller à conserver suffisamment de possibilités pour les interventions ultérieures afin de respecter l’alternance des matières actives au cours de la campagne.
Ainsi, les produits à base de SDHI seront à réserver pour les traitements à dernière feuille étalée, afin de bénéficier d’une meilleure protection contre la septoriose. De même, en cas d’apparition de rouille brune courant montaison (voir le risque selon la sensibilité de la variété), il sera souhaitable de pouvoir compléter le passage à dernière feuille par une strobilurine et, donc, de n’avoir pas déjà appliqué cette famille de fongicides.
Ne pas intervenir pour l’instant et surveiller l’évolution des pustules jusqu’à au moins 2 nœuds. Si, une fois passé le stade 2 nœuds, des foyers actifs sont présents et en expansion, une intervention fongicide peut être envisagée.
Ce n’est pas parce qu’en 2014, les conditions sont restées favorables aux contaminations jusqu’à l’épiaison que ce contexte exceptionnel se reproduira cette année : il est indispensable de surveiller les parcelles et l’état des foyers (sporulants ou non) pour décider de la protection nécessaire.