Les négociations budgétaires et programmatiques ne se poursuivraient pas d’ici les élections européennes du mois de mai prochain. Le projet de réforme sera alors repris en main par la nouvelle Commission européenne et le nouveau Parlement, dont il reste à espérer qu’une majorité de travail favorable pour les agriculteurs se dégagera.
Les élections des chambres d’agriculture passées, la Politique agricole commune (Pac) à conduire pour 2021-2027 devient le sujet d’actualité agricole majeur. Or tout porte à croire que la prochaine campagne électorale pour l’élection des députés européens élude les sujets les plus importants. A commencer justement, pour les agriculteurs, la prochaine réforme de la Pac. L’organisation probable d’un prochain référendum national pourrait même occulter tout débat sur l’avenir de l’Union européenne.
C’est à vingt-sept que le projet de réforme la Pac sera repris en main. Les négociations ne pourront concrètement reprendre sans avoir défini un périmètre budgétaire pour 2021-2027. La France et de nombreux pays européens restent sur leur position : ils refusent la proposition de la Commission européenne (d’un budget à 365 milliards d’euros, en baisse de 5 % par rapport au budget actuel. Le gouvernement français défend un budget agricole à 27 maintenu en euros courants au niveau du budget actuel 2014-2020.
Autrement dit, le budget agricole devra être équivalent à celui de l’UE à 28 auquel sera retranchée la part du budget britannique. Or le Royaume-Uni a toujours été un contributeur net, autrement dit, il a toujours plus versé d’argent à Bruxelles qu’il n’en a reçu. Aussi, pour maintenir le budget à 27 en euros courants, certains pays européens devront accroître leur contribution budgetaire pour compenser le manque à gagner mais aussi l’inflation des prix jusqu’en 2027.
Les gouvernements européens qui partagent la position de la France ne souhaitent pas que les politiques de migration et de la défense européenne soient financées aux dépens du budget agricole.
A ce jour, le projet de budget proposé par la Commission européenne pour l’Union européenne à Vingt-sept porterait sur 1 279 milliard d’euros (Mds) pour 2021-2027, soit 1,114 % du Revenu national brut (RNB). 365 Mds d’eurtos seraient alloués à l’agriculture, soit 28,5 % du budget total. Comme l’architecture des aides serait conservée, 286,2 Mds d’euros milliards d’euros seraient attribués au Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), dont 265 Mds d’€ aux paiements directs, et 78,8 Mds d’€ au développement rural.
L’ensemble de ces crédits est raisonné en euros 2018, hors prise en compte de l’inflation d’ici 2027. Aussi, la baisse de 5 % pour la période retenue 2021-2027, annoncée par Phil Hogan, le commissaire européen, serait bien supérieure.
Selon le think tank Farm Europ, « la proposition budgétaire de la Commission européenne pour 2020-2027 s’avère inférieure de 12 % à ce qu’elle nécessiterait d’être pour maintenir annuellement le budget Pac des 27 au niveau de 2020. Il manquerait ainsi 27,37 Mds d’euros pour le 1er pilier et 16,23 Mds d’euros pour le 2nd pilier sur la période ».
Pour la France, l’hypothèse budgétaire retenue par la Commission européenne pour 2021-2027 serait la suivante : sur les 62 Mds d’euros programmés, 45 Mds d’€ seraient destinés au premier pilier et 12 Mds d’€ au second. Les crédits seraient respectivement en recul de 3,9 % et de 14,9 % par rapport à la précédente période. Toutefois la Commission européenne mentionne que le gouvernement et les régions pourraient compenser la baisse des dotations en augmentant la part de leur cofinancement.
« Une nouvelle réserve agricole sera établie dans le FEAGA, afin d’apporter un soutien supplémentaire au secteur agricole sous la forme de ’’filets de sécurité’’, dans le contexte de la gestion ou de la stabilisation du marché et/ou en cas de crises touchant la production ou la distribution agricole. Cette réserve s’élèvera à au moins 400 millions d’euros au début de chaque exercice », précise la Commission. Les montants non utilisés au cours d’un exercice seront reportés au suivant. Si la réserve est utilisée, elle sera reconstituée au moyen des disponibilités budgétaires existantes ou de nouveaux crédits.
Par ailleurs, un budget de 10 Mds d’euros issu du programme Horizon Europe sera consacré à la recherche et à l’innovation dans les domaines de l’alimentation, de l’agriculture, du développement rural et de la bioéconomie. Il s’agira par exemple « d’accroître la compétitivité de l’agriculture, de rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire ou d’agir contre le changement climatique », explique la Commission européenne.
En France, la réforme de la Pac 2021-2027 soulève des questions de gouvernance communautaires, nationales et régionales. Pour le premier pilier, notre gouvernement souhaite que les plans stratégiques de chaque Etat membre contiennent des programmes verts obligatoires afin que l’ensemble de l’Union européenne porte les mêmes ambitions écologiques. Le gouvernement français craint que les pans stratégiques, qui seront adoptés par la prochaine commission européenne, soient distorsifs des Etats membres soient distorsifs en matière d’environnement s’ils ne sont pas obligatoires.
Sur le second pilier, Régions de France, l’organisation qui fédère toutes les régions françaises, veut garder la main. Or une recentralisation des aides du second pilier après 2021 est à l’étude.
Par ailleurs, une baisse du cofinancement des mesures du second pilier de la Pac après 2021, tel le projet de réforme de la Commission européenne l’envisage, ne justifie pas une recentralisation de la Politique agricole commune et des aides du second pilier. « Seule l’efficacité des crédits utilisés prime. Au niveau des régions, les politiques conduites anticipent davantage l’évolution économique des territoires, affirme Hervé Morin, président du conseil régional de Normandie et de Régions de France. Et la Commission européenne l’a bien compris. »
« Aussi, une recentralisation de la gestion des aides du second pilier serait vécue par les Régions comme un casus belli », a annoncé Hervé Morin lors d’un point presse, en marge du séminaire européen sur la réforme de la Pac post 2020. Il était organisé par la région Nouvelle Aquitaine et Régions de France le 13 décembre dernier.
L’arbitrage est prévu en février prochain. Mais Régions de France n’a pas oublié l’engagement d’Emmanuel Macron, Président de la République, pris devant les représentants, pour décentraliser la totalité de la gestion des crédits du FEADER.
La prochaine Pac sera écologique, numérique et dotée de programmes stratégiques. Mais selon la Commission européenne, chaque pays européen veillera à ce que seuls les agriculteurs « professionnels » bénéficient des aides. Par ailleurs, la nouvelle Pac « s’attachera tout particulièrement à soutenir les petites et moyennes exploitations familiales, qui sont au cœur de la vie agricole de l’UE, ainsi qu’à encourager les jeunes à exercer la profession d’agriculteur », expliquait la Commission européenne lors d’un séminaire en décembre dernier à Bruxelles.
Sa proposition prévoit la poursuite du processus de convergence externe des paiements directs: les États membres dont le niveau d’aide moyen est inférieur à 90 % de la moyenne de l’UE combleront 50 % de l’écart par rapport à 90 % de la moyenne de l’UE en 6 étapes progressives. Dans chaque Etat, Le produit de la réduction des paiements sera utilisé pour financer le paiement redistributif au sein d’un même État membre ou sera transféré vers sa dotation au titre du Feader.
Enfin, les aides seront dégressives au-delà de 60 000 € et plafonnées à 100 000 € par exploitation. Les coûts liés à la main d’œuvre seront pleinement pris en compte.
Un des volets de la réforme de la Pac pour 2021-2027 porte sur la transmission d’exploitations et l’installation de jeunes agriculteurs. Chaque plan stratégique comportera un chapitre consacré à ce sujet. La transmission progressive des exploitations entre des cédants et des repreneurs serait encouragée et une fiscalité plus souple en matière de succession serait envisagée pour faciliter, en particulier, l’accès des jeunes à la terre.
Le Commissaire européen précise que « les États-membres devront garantir un niveau de soutien plus élevé par hectare pour les petites et moyennes exploitations et au moins 2 % de la dotation au titre des paiements directs allouée à chaque État-membre seront consacrés à aider les jeunes agriculteurs, notamment grâce à une prime d’installation plus élevée, pouvant aller jusqu’à 100 000 euros ».