Avec l’azote, le phosphore et le potassium sont les piliers de la fertilisation des cultures. Pour optimiser leurs apports et aller jusqu’à une modulation intra-parcellaire, des outils digitaux arrivent dans les exploitations.
L’apport d’azote joue un rôle direct sur le rendement et la teneur en protéines. La fertilisation de fond, au travers des apports de phosphore et de potassium, est également cruciale pour la réussite de ses cultures. Le phosphore stimule la croissance du système racinaire et accélère la multiplication cellulaire. Pour un bon démarrage, il est essentiel que les plantules en trouvent suffisamment à proximité. L’absorption du potassium accroit celle des ions nitrates et leur transfert vers les feuilles. En renforçant la rigidité des parois, le potassium contribue au maintien des plantes, à leur résistance face aux assauts des ravageurs et au stress hydrique. Comme les sols contiennent des réserves de ces deux éléments et que toutes les cultures n’ont pas les mêmes exigences, peut-on envisager une impasse d’apport pour faire des économies ? Quel est le risque sur le rendement ? Comment trouver le juste équilibre pour une fertilisation pleinement valorisée ?
Evaluer les besoins pour fertiliser au plus juste
D’après le Comifer, quatre points sont à intégrer dans le raisonnement de sa fertilisation P et K : les exigences, très variables, des cultures ; la disponibilité de ces éléments dans le sol que seule une analyse de terre pourra indiquer, les retours ou non par les résidus de récolte et les pratiques récentes de fertilisation.
Pour ajuster sa fertilisation au mieux, il faut tenir compte des sensibilités différentes de chaque culture. Une carence de l’un de ces éléments pour une culture exigeante, comme la betterave, le colza ou la pomme de terre, risque de plus fortement pénaliser sa productivité que pour une culture moins exigeante, comme l’avoine, le blé ou le triticale.
Les sols cultivés contiennent des réserves de phosphore et de potassium souvent importantes. Mais comme ces éléments cohabitent sous des différentes formes chimiques, tout n’est pas immédiatement disponible pour les plantes. La fraction présente dans la solution du sol, donc absorbable, est souvent faible, à la différence de l’azote. Seules les
analyses de sol peuvent indiquer la teneur en P et K d’un sol mais surtout de leur biodisponibilité. Peu coûteuses, autour d’un euro par hectare et par an, les analyses de sol donnent deux valeurs seuil, primordiales pour la conduite de la fertilisation. Le T impasse indique si le sol contient assez d’un élément pour pouvoir faire une impasse. A l’opposé, le T renforcé indique qu’il faut renforcer la fumure sous peine de pénaliser les rendements futurs. Comme les teneurs évoluent lentement, il est suffisant de faire une analyse tous les 5 à 10 ans. Pour bien suivre l’évolution, mieux vaut faire le prélèvement au même endroit, à la même saison et, si possible, avec le même précédent.
Le retour ou non des résidus influence la disponibilité en phosphore et potassium pour la culture suivante. Le phosphore est surtout présent dans le grain et donc exporté. En revanche, la majorité du potassium est présent dans les tiges et les feuilles. Au début de la décomposition des résidus, ce potassium est libéré sous une forme soluble, proche de celle d’un engrais potassique. Un blé de 80 q restitue plus de 100 unités K2O/ha par les pailles et chaumes. En l’absence de restitution par les résidus de récolte, l’impasse sur la fertilisation potassique est plus risquée et la dose de potassium nécessaire est généralement plus importante.
Pour prévoir la fer tilisation à apporter, il faut aussi jeter un coup d’oeil dans le rétroviseur de ses pratiques de fertilisation et regarder ce qui a été apporté et sous quelle forme. Phosphore comme potassium évoluent, au fil du temps, vers des états de moins en moins disponibles.
Si le sol est correctement pourvu en P et K disponible, il est possible de bloquer la fumure en tête de rotation, à condition de ne pas dépasser 2 ans sans apport. Il faut privilégier la culture la plus exigeante, car c’est elle qui valorisera le mieux cette dose élevée. Par exemple, en réalisant l’apport sur la betterave et faisant l’impasse sur le blé suivant. Sur le maïs, culture exigeante, un apport est recommandé dans la plupart des situations. Si le sol est faiblement pourvu, une impasse pénaliserait directement le rendement. Il faut que l’apport soit fait au plus près des besoins des plantes, c’est-àdire en début de cycle, entre le semis et le stade 3 feuilles.
Des outils numériques pour plus de précision
Grâce au numérique, se développent de nouveaux Outils d’aide à la décision, qui, par l’analyse de données et la modélisation, complètent les observations de terrain et les informations de ses conseillers pour ajuster ses interventions. Ces outils permettent d’aller jusqu’à la modulation intra-parcellaire pour faire coller au mieux les apports au potentiel de rendement de chaque zone. Comme c’est le cas pour le suivi des maladies, le digital est une aide précieuse pour optimiser et moduler sa fertilisation. Déjà bien présents pour la fertilisation azotée (Farmstar, Atfarm…), des outils font leur apparition pour aider à gérer phosphore et potassium.
Ainsi, Nutriguide de Boréalis est un outil numérique gratuit lancé en novembre 2018, accessible sur toutes les interfaces, qui apporte des recommandations pour une fertilisation complète. « Après avoir entré des informations sur la composition du sol, la culture, l’historique de fertilisation, le rendement visé, Nutriguide fournit des recommandations sur les éléments N, P, K et S, avec un calendrier d’application, le type et la quantité optimale d’engrais, explique Franz Heinzlmaier, manager agronomie et ferme numérique chez Boréalis. Les méthodes de calcul se basent sur les outils reconnus, notamment en fonction des règles Comifer. Par ailleurs l’outil intègre la base de données d’analyses de terre du GIS Sol-BDAT ainsi que les éléments de la réglementation région par région ». Nutriguide est disponible pour les céréales d’hiver et de printemps, le colza, le maïs grain, les betteraves et le tournesol.
Quant à Xarvio Field Manager, l’OAD de BASF a enrichi ses modules de suivi des maladies et des ravageurs d’une partie fertilisation pour des recommandations de doses, des alertes selon le stade de la culture et la génération de cartes de modulation intra parcellaires. Après une phase pilote sur 2020, la commercialisation débutera en 2021. « Pour l’optimisation économique et le respect de l’environnement, il faut mettre la juste dose au bon endroit. Cette habitude d’une agriculture de précision est aussi vraie en fertilisation qu’en traitement phyto », souligne Jérôme Clair, responsable Xarvio Digital Farming. « Pour des recommandations au plus juste, aux informations habituelles sur la rotation, le potentiel de rendement nous ajoutons un calcul de la biomasse, grâce à des images satellites, ce qui donne des cartes très précises, poursuit-il. Dans le futur, des informations sur les analyses de sol et les apports organiques permettront d’affiner encore plus les recommandations ». Des recommandations qu’il est possible d’affiner à un niveau intra-parcellaire. Dans les zones hétérogènes, sur les très grandes parcelles, la modulation intra-parcellaire évite de surdoser, donc de mettre un amendement qui ne sera pas pleinement valorisé et, au contraire, permet d’apporter plus dans les zones à plus fort potentiel. « Pour faciliter le transfert des cartes de modulations, on a fait des tutoriels « pas à pas » et nous avons testé la compatibilité avec tous les équipements du marché », rassure Jérôme Clair. Xarvio est accessible sur abonnement. « Le coût sera de quelques
euros par hectare, précise Jérôme Clair. Mais vue le prix des matières fertilisantes, le retour sur investissement est vite atteint ».
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