marie le guelvout

Mon combat continue pour sauver André

Marie Le Guelvout, soeur de Jean-Pierre qui s’est suicidé voilà désormais 11 mois, tient à témoigner de son dur combat pour maintenir l’activité agricole désormais détenue par son autre frère André. Elle dénonce les promesses non tenues au niveau de différentes instances censées accompagner les familles ou les agriculteurs en détresse. Voici le texte qu’elle soumet aux lecteurs de WikiAgri.

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Début de semaine dernière, j’ai fait un point avec mon frère André suite au suicide violent notre jeune frère Jean-Pierre Le Guelvout le 14 décembre dernier.

Je rappelle qu’il s’est suicidé avec le fusil de son frère ; une balle en plein cœur et  nous a laissé comme seul message « quand le désespoir est supérieur à l espoir, je n’en peux plus de souffrir, les vaches m’ont tué ».

Comment rester insensible, dites-moi, comment ne pas, à notre tour, souffrir et chercher par tous les moyens à comprendre ? Depuis son départ, je me suis fait une promesse : tout faire pour sauver André, mon autre frère que j’aime plus que tout et qui me le rend au centuple.

C’était d ailleurs le cas de Jean-Pierre, il se préoccupait plus du bien-être de ses amis que du sien et pour cause, il n’y avait pas assez de place dans l’église le jour de ses obsèques. Et c était déjà le cas quand nous avions perdu notre maman 8 ans plus tôt.

Jean-Pierre a eu l’opportunité de participer à cette émission « L’Amour est dans le pré » en 2010, émission que je désapprouve totalement au vu de la mise en scène qui en est faite, de la façon dont sont traités les être humains, et des conséquences qui peuvent en découler.

Aujourd’hui, 11 mois après sa disparition, je pleure toujours autant Jean-Pierre et je n’arrive toujours pas à accepter et je vous explique pourquoi.

André et Jean-Pierre étaient deux garçons brillants, bosseurs, passionnés et d’une générosité comme il n’en existe plus et pour qui le mot partage signifiait quelque chose.

Nous étions 4 enfants : 2 garçons, 2 filles, et ma plus jeune sœur a eu une idée de génie, « lancer une cagnotte », car Jean-Pierre avait acquis une notoriété malgré tout, pour aider André à surmonter au moins financièrement ce drame. Cela a été un succès puisque nos actions communes avec les amis de Jean-Pierre et d André nous ont permis de collecter environ 30 000 euros en très peu de temps, et nous remercions encore tous les donateurs. Je n’ose imaginer comment les familles peuvent s’en tirer sans médiatisation…

Car hélas cela ne suffit pas. …

J’ai eu la chance de rencontrer Stéphane Le Foll, alors ministre de l’Agriculture, et je le remercie pour sa bienveillance. Il a été à l’écoute et m’a promis qu’il m’aiderait. Chose qu’il a faite puisque, quelque temps après notre rencontre, la Chambre d’agriculture du Morbihan, un représentant de la DDTM (Ndlr : direction départementale du territoire du Morbihan) ainsi que les services sociaux de la MSA sont venus nous rencontrer.

Mais j’ai bien compris qu’ils n’étaient pas là de gaité de cœur et que ma démarche avait dérangé

Je remercie la représentante de la MSA qui a tout fait pour qu’André puisse bénéficier des aides auxquelles il a droit dans sa situation.

« Comme un ressentiment d’abandon volontaire« 

En revanche, le représentant de la DDTM nous a répondu à une question simple de mon frère : si j arrête les vache laitières, et que je les remplace par des animaux à viande, perdrais-je le bénéfice des aides à l animal ?

Celui-ci ne connaissant pas le sujet nous a répondu : « je me renseigne et je vous appelle ». Très bien. Eh bien sachez que l’on attend toujours la réponse 7 mois après ! Trouvez-vous cela normal, vous qui nous lisez… mon Dieu mais dans quel monde vivons-nous quoi !

Et ce n’est pas fini. Le représentant de la Chambre d’agriculture conseiller pour les entreprises en difficulté qui était là aussi a observé rapidement les 2 derniers bilans de l’entreprise, et a dit à mon frère « bon, il n y a pas péril en la matière, il faut juste restructurer un peu, rien de dramatique non plus, il y a bien pire ».

A la question posée à André : Que souhaitez-vous faire vous André, continuer ou arrêter ? André a répondu : Si je peux, je souhaite continuer jusqu’à la retraite (il a 52 ans et n’a connu que son métier d’agriculteur depuis tout petit).

Nous avons bien senti dans le discours de ces accompagnants qu’ils lui conseillaient de se préparer psychologiquement à arrêter…

Et on lui a alors proposé de suivre un stage en fin d’année pour voir avec d’autres agriculteurs en difficulté  s’il fallait continuer ou faire autre chose, proposition acceptée par André puisqu’il était remplacé pour faire son travail.

A votre avis, que s’est-il passé depuis cet entretien ? RIEN, aucun signe de vie de cette équipe ! Rien de rien depuis avril 2017.

Tout cela pour vous dire que, dans toutes mes interventions médiatiques, je vous disais que nous étions seuls et seuls et que toute l’énergie dépensée n’a servi à rien et que tout le monde s’en fiche, c’est une réalité, un scandale. Comme un ressentiment d’abandon volontaire.

Si moi, dans mon activité commerciale, je ne répondais pas à la demande des clients dans les deux jours, il y a bien longtemps que je devrais pointer à Pôle Emploi…

Alors aujourd’hui, je voudrais juste faire remonter les informations au niveau du ministère, car je me rends bien compte que le ministre de l’Agriculture ne sait pas ce qui se passe à la base…

Je souhaite donc rencontrer à nouveau le titulaire actuel du poste et lui faire un certain nombre de propositions qui permettraient d’aller dans le bon sens et apaiseraient un certain nombre d’agriculteurs et leurs familles en grande souffrance, comme nous.

Marie le Guelvout

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Ci-dessous, Marie le Guelvout, les larmes aux yeux, lors de son intervention « témoignage » pour la journée dédiée aux familles agricoles endeuillées.

 

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