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Léthargiques, les marchés céréaliers attendent la prochaine récolte

Les prix des céréales devraient être plongés dans une longue période de léthargie jusqu’à la prochaine récolte dans l’hémisphère nord. Mais les marchés ne sont pas à l’abri d’un accident climatique ou d’un événement géopolitique.

Lors de la journée « matières premières » organisée conjointement le 31 janvier dernier par l’Aftaa et Agritel, Michel Portier, directeur général d’Agritel et les experts des marchés des céréales invités à ce colloque, ont analysé la conjoncture des marchés des céréales. En ce début de mois de février, l’Argentine pourrait prendre le relais du bassin de la Mer Noire. Les importateurs intéressés par le blé argentin seront mieux fixés, dans les prochaines années,  sur la qualité des grains disponibles. Mais la Russie a encore les moyens de souffler le chaud ou le froid sur les cours du blé.

En conséquence, la France pourrait être mise sur la touche et rencontrer des difficultés pour atteindre ses objectifs en exportant, hors de l’union européenne, un million de tonnes (Mt) en moins de grains qu’escompté au début de la campagne (8,7 Mt). De même la seconde partie de la campagne d’orge pourrait être moins prometteuse. Seul un million de tonnes pourrait être expédié d’ici fin juin alors que FranceAgriMer table sur 1,3 Mt depuis le début de la campagne.

A l’échelle de la planète, les opérateurs savent quelles quantités de grains sont disponibles à l’export jusqu’à la fin de la campagne actuelle. La production mondiale de blé est déficitaire pour la première fois depuis 5 campagnes (737 Mt pour une consommation de 745 Mt) mais comme pour le maïs, les stocks de report seront importants (138 Mt hors Chine).

Visibilité insuffisante

La prochaine récolte de céréales à paille débutera en juillet-août dans l’hémisphère nord ! D’ici là, rien ne justifie un emballement sur les prix. Les cours du blé vont osciller autour de 200 € la tonne. Par ailleurs, les surfaces emblavées l’automne dernier ont augmenté dans l’hémisphère nord pour la première fois depuis quelques années. Seul un accident climatique ou un événement géopolitique sortiraient les marchés de leur léthargie.

Les négociants ont avalé depuis longtemps la situation en Australie : la récolte de 16,2 Mt de blé est deux fois inférieure à celle de 2016-2017. De même, seules 7,2 Mt d’orge sont produites.

Aux Etats-Unis, les opérateurs n’ont plus de visibilité sur le fonctionnement des marchés depuis l’instauration du shutdown et la mise au chômage d’une partie de l’administration fédérale américaine. Ils « naviguent à vue ». L’Usda n’a pas publie plus de rapports mensuels pendant plusieurs semaines. Aucune information sur les volumes de grains exportés des Etats-Unis n’est communiquée.

A la fin de la campagne, le déficit mondial en orge serait moins important que prévu. L’Arabie saoudite pourrait revoir ses achats, ce qui pénaliserait en l’occurrence la France.

Pour le maïs, la peste porcine en Chine réduit les besoins intérieurs et la récente réévaluation des stocks impacte la demande potentielle de grains. Enfin, les stocks mondiaux de maïs très importants modèrent le niveau des cours.

La situation de la France sur les marchés à l’export se fragilise

Toutefois, la situation de la France se fragilise année après année. Depuis 2016, elle n’a plus de chasse gardée. Très peu de pays importent du blé français. L’Afrique sub-saharienne a goûté au blé russe en 2016 et l’Algérie n’hésite pas à importer du blé argentin, les coûts de fret ne pénalisant pas leur acheminement.

Ces dernières années, les règles de fonctionnement des marchés des commodités (produits pétroliers, céréales) ont changé. Ils sont davantage sous l’influence de facteurs géopolitiques, ce qui les rend imprévisibles. Et ces facteurs ont des retentissements jusque dans les fermes. 

Aussi, les opérateurs réagissent à des signaux sans rapport avec les critères sur lesquels ils se reposent habituellement (offre, demande, stocks, consommation) pour négocier les cours des grains.

Par exemple, le prix du soja aux Etats-Unis oscille au rythme des tensions commerciales entre le gouvernement américain et la Chine. Lorsqu’il se vend moins bien, son cours baisse tandis que celui du soja brésilien augmente, tiré par une demande raffermie.

Ces derniers mois, le marché pétrolier a réagi au gré des décisions d’embargo à l’encontre de l’Iran, prises par le président des Etats-Unis, Donald Trump.

L’industrie pétrolière américaine a aussi les moyens de peser sur le cours du pétrole en contrecarrant les accords de l’Opep, l’organisation des pays exportateurs de pétrole. Les Etats-Unis vont même devenir des exportateurs nets de produits pétroliers d’ici 2-3 ans.

Les cours du baril du pétrole et du gaz ne s’établissent donc plus comme par le passé, lorsque la première puissance économique mondiale était un des pays importateurs de pétrole et de gaz les plus importants de la planète.

Les cours des monnaies influencent aussi le fonctionnement des marchés des céréales, à court terme et à long terme. La dévaluation de la monnaie des pays émergents rend les céréales compétitives par rapport à celles en provenance des Etats-Unis ou d’Union européenne.

Ces dévaluations monétaires lancent des signaux qui retentissent jusque dans les fermes. Convertis en monnaie locale, les prix des céréales plus rémunérateurs, payés aux agriculteurs, incitent ces derniers à produire plus de grains.

Les prix des intrants sont certes plus élevés. Mais tous ne sont pas importés et les agriculteurs en consomment moins que dans l’Union européenne. De plus, ils sont achetés quelques temps après la récolte, alors qu’entre temps, la monnaie peut s’être réévaluée.


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