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La filière bovine européenne dans le flou

La production de viande bovine devrait baisser de 140 milliers de tonnes équivalent carcasse dans les huit principaux Etats membres de l’Union européenne. Seule la Pologne a les moyens d’augmenter le nombre d’animaux livrés à l’abattoir. Mais différents signaux géopolitiques pourraient contrarier les prévisions rendues publiques par l’Institut de l’élevage.

Cette année, les conditions ne sont pas réunies pour réaliser des prévisions fiables de production de viande bovine dans l’Union européenne tant le nombre d’inconnues est important. Le Brexit menace les débouchés de plus de 60 % de la production de viande irlandaise vers le Royaume-Uni. La peste porcine incontrôlée en Chine pourrait ouvrir des débouchés inattendus à l’exportation et générer des abattages d’animaux supplémentaires. Et les cas d’ESB détectés au Brésil, réduira probablement les capacités d’exportations d’animaux vifs et de viande du pays.

Tous ces différents facteurs ne seront pas sans conséquences sur les cours de viande bovine. Or les éleveurs européens et français sont impatients de les voir se redresser !  

Toutefois, l’Institut de l’élevage s’est risqué à rendre publiques ses prévisions de production pour 2019. Après une hausse de 135 000 tonnes équivalent carcasse (téc) en 2018 par rapport à 2017, la production de viande bovine des huit principaux Etats-membres (France, Allemagne, Grande-Bretagne, des Pays-Bas, Irlande, Pologne, Italie et Espagne) pourrait baisser 140 000 téc, soit un recul de 2 %.

Les grands pays producteurs de lait seraient les plus affectés par ce repli car de nombreux éleveurs se sont séparés prématurément de leurs vaches et de leurs génisses l’an passé, faute de fourrages pour les nourrir. Outre-Manche, Le Brexit a conduit des éleveurs irlandais et britanniques à se séparer prématurément de leurs animaux par crainte de ne pas trouver de débouchés.

« Entre fin 2017 et fin 2018, le cheptel européen a ainsi perdu 500 000 vaches sont 400 000 vaches laitières et 100 000 vaches allaitantes », souligne l’Institut de l’élevage lors la conférence « Les marchés mondiaux des viandes bovines » organisée le 6 juin dernier. Si bien que la production de viande a crû de 100 000 téc pour atteindre 6,59 millions de tonnes équivalent carcasse.

Les effectifs des vaches laitières encore en recul

Mais cette année, la production des huit principaux états membres est estimée à 6,45 millions de téc. La France et les Pays-Bas produiraient à eux deux 89 000 téc de viande en moins.

A contrario, le scandale sanitaire d’abattage de vaches malades en Pologne a conduit les éleveurs à reporter la vente d’une partie de leurs animaux en 2019, faute de débouchés. C’est pourquoi la production de viande bovine croîtra de 15 000 téc. L’affaire des steacks hachés révélée la semaine dernière va accroître la défiance à l’égard des viandes polonaises.

Sinon, la filière bovine ne pourrait pas compter sur un nouveau rebond de la consommation européenne de viande bovine comme l’an passé (+ 2,4 % à 7,983 millions de téc). Et en Turquie, la fermeture du marché aux importations de bovins vifs par le gouvernement réduit les débouchés à l’export d’animaux européens vers les pays tiers même si le bilan commercial des trois premiers mois de l’année sont bons (hausse de 3 % des ventes). Mais l’an passé le pays était le premier client de l’Union européenne : 200 000 animaux ont été livrés.

Dans les prochains mois, le Brexit pourrait mettre en concurrence sur le sol britannique les viandes européennes importées du continent avec celles en provenance de pays tiers meilleur marché puisque les droits de douane réduits bénéficieraient à toutes les viandes importées !

Mais les 60 000 éleveurs de bovins viande seraient les plus menacés pas cette concurrence. La filière n’est pas très structurée et les troupeaux sont de petite taille (moins de 20 % des élevages comprennent plus de 50 animaux).

Débouchés vers les pays tiers

Cette année, l’Union européenne ne bénéficierait pas, de nouveau, de la croissance du marché de bovins viande concentré en Chine et en Asie du Sud-Est (importations en hausse de 11 % en 2018). Pourtant, l’Inde se retire encore un peu du marché car ses capacités d’exportation fléchissent (1,5 million de téc ; – 25 % en quatre ans). La consommation de viande bovine y croît alors que les abattages d’animaux sont rendus plus difficiles par la contestation croissante de la population hindouiste.

En conséquence, le marché chinois et sud asiatique sera davantage approvisionné par le Brésil et le Mercosur dans son ensemble mais l’Australie se repliera. La sécheresse de l’an passé a conduit les éleveurs à se décapitaliser et à livrer sur le marché une grande quantité d’animaux.

Sur la rive sud méditerranéenne, l’Algérie pourrait limiter les importations d’animaux vifs en imposant des droits de douane dissuasifs. Cependant, l’Union européenne exporterait plus de viande fraiche en Israel mais l’importation d’animaux vifs serait limitée ou interdite. Quant au marché égyptien, il semble être perdu pour l’Espagne.

La France en 6e position

Une étude rendue publique par l’Idele sur les facteurs de compétitivité multifactoriels (macroéconomie, maîtrise des facteurs naturels, potentiel de production, organisation des filières, portefeuille des marchés, et capacité des opérateurs à conquérir les marchés) des vingt-sept principaux pays exportateurs et importateurs de bovins viande et de viande bovine place la France en 6e position. Les quatre pays les plus compétitifs sont les Etats-Unis, le Brésil, l’Australie et l’Uruguay. Mais les systèmes de production ne sont pas reproductibles en France. Cependant, la filière bovine française pourrait s’inspirer du modèle irlandais (5e position) très performant pour conquérir des marchés à l’export.


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