Les diffusions récentes de plusieurs vidéos de L214 montrent que les agriculteurs ne maîtrisent pas leur image dans le débat public. Ils doivent par conséquent revoir leur façon de communiquer pour peser davantage sur la façon dont la société française perçoit l’agriculture.
Deux événements très récents ont montré encore une fois que les agriculteurs n’avaient pas vraiment la maîtrise de leur image dans le débat public, que ce soit dans les médias, les réseaux sociaux ou encore l’édition.
Le premier a été la nouvelle vidéo diffusée le 25 mai 2016 par l’association L214 sur un élevage de poules pondeuses, vidéo qui aurait été tournée dans le Gaec du Perrat à Chaleins dans l’Ain. Le second événement est le même jour un tweet de Ségolène Royal (ci-dessous) montrant la photographie de la ministre de l’Environnement recevant un bouquet de fleurs de la part de François Villerette, le porte-parole de Générations futures (dont il a été le président-fondateur), le président du réseau européen Pesticide Action Network (PAN Europe) et l’ancien président de Greenpeace France (2002-2005), au nom de 40 ONG européennes pour son action contre le glyphosate.
.@genefutures me remet, au nom de 40 ONG, un bouquet pr mon combat vs le glyphosate au niveau européen @biodiversité pic.twitter.com/42a1H4T20w
— Ségolène Royal (@RoyalSegolene) 25 mai 2016
Les agriculteurs participent bien entendu à la construction de cette image, mais ils sont loin d’être les seuls. D’autres acteurs y contribuent également, que ce soient des journalistes, des organes de la presse écrite et des médias audiovisuels, d’autres acteurs de la filière alimentaire (industrie agroalimentaire, industrie chimique, grande distribution, petits commerces et artisans, etc.), des hommes politiques et des élus, des scientifiques et des experts, des communicants et des consultants, mais aussi de simples citoyens qui sont aussi des consommateurs. Certains connaissent bien le monde agricole et les agriculteurs, d’autres moins.
Mais y contribuent aussi de plus en plus des acteurs plutôt critiques du « modèle agricole dominant », qualifié par eux d’intensif ou d’agro-industriel : un syndicat comme la Confédération paysanne, des associations comme L214 ou Générations futures, des journalistes-militants comme Marie-Monique Robin ou Isabelle Saporta, l’auteure du Livre noire de l’agriculture (Fayard, 2011), des personnalités médiatiques telles que Pierre Rabhi, Nicolas Hulot, José Bové, Yann Arthus-Bertrand ou encore Corinne Lepage, ou des médias d’investigation, comme Cash Investigation à l’origine d’une émission très remarquée sur les pesticides diffusée le 2 février dernier.
Cette image est aussi, que les agriculteurs le déplorent ou pas, le reflet des intérêts et des valeurs d’une société qui a beaucoup évolué ces dernières décennies. Celle-ci est très largement urbanisée et, par voie de conséquence, déruralisée. Ainsi que le fait remarquer l’avis n° 73 de décembre 2014 du Conseil national de l’alimentation (CNA), intitulé Communication et alimentation : les conditions de la confiance, « les générations adultes actuelles sont les premières qui n’aient pas eu de grands-parents agriculteurs, qui n’aient jamais connu de vacances à la ferme ». Ceci est notamment perceptible dans l’évolution du rapport à l’animal. Le même avis indique, en effet, que « l’urbanisation a rendu la population sarcophage. A la différence des « zoophages » (qui mangent des parties entières et identifiables de l’animal), les « sarcophages » consomment la viande comme une matière comestible distincte de l’animal duquel elle provient. La viande est dés-animalisée et ne rappelle rien ou presque de la bête vivant. »
La société française s’est aussi fortement désindustrialisée et tertiarisée en exprimant quelque peu un mépris, notamment dans ses couches supérieures, pour les activités industrielles jugées anachroniques, polluantes, facteurs de risque ou seulement « bonnes » pour les pays en développement à faible coût de main-d’œuvre. Elle a été aussi traumatisée par quelques crises sanitaires comme celle du sang contaminé ou de la vache folle. La santé et l’environnement font dès lors partie des principales préoccupations d’une opinion tentée parfois par le « risque zéro » (et par le rejet par exemple de toute notion de dose ou de seuil pour mesurer la toxicité d’un produit) et rassurée par le principe de précaution. Elle exprime également une vive défiance vis-à-vis de la plupart des formes d’autorité (gouvernement, institutions publiques, grandes entreprises, partis politiques, principaux médias, etc.) et même de savoirs en se montrant méfiante vis-à-vis des scientifiques et des experts qu’elle soupçonne d’être dans un conflit d’intérêt vis-à-vis des intérêts économiques. En revanche, l’opinion tend à faire davantage confiance à la société civile, aux « lanceurs d’alerte » et à tous ceux qui dénoncent des scandales et surtout à leur propre réseau social (famille, amis, voisins, entourage).
Enfin, c’est bien connu, la part des agriculteurs dans la production nationale et l’emploi est désormais réduite à une portion congrue. Ceux-ci peuvent même être minoritaires dans le monde rural. En même temps, pour la plupart des Français, nous vivons dans une société d’abondance alimentaire où l’on ne comprend plus très bien comment les produits alimentaires sont conçus et qui les fait. La crainte vis-à-vis de l’alimentation ne porte plus sur l’angoisse du manque ou de l’empoissonnement immédiat, mais sur l’impact sur la santé à moyen et long terme d’une alimentation que le public perçoit de plus en plus comme un facteur d’insécurité.
Au final, ce sont donc les perceptions de cette société urbaine, désindustrialisée et déruralisée qui priment dans la construction de l’image de l’agriculture et des agriculteurs dans l’espace public.
Quelle est cette image ? Les enquêtes d’opinion tendent à indiquer que l’image globale des agriculteurs auprès du grand public est plutôt bonne. En même temps, les agriculteurs se sentent souvent incompris et se plaignent de l’image que le reste de la société tend à renvoyer d’eux car, de leur point de vue, elle ne correspond pas toujours, loin de là, à la réalité.
On peut ainsi identifier trois types d’image de ce point de vue. Le premier est celui de « l’horreur est dans le pré ». C’est l’image de l’agriculteur dont les activités sont jugées contraires aux intérêts et aux valeurs dominantes de la société. Un certain nombre de ces activités ne semblent, en effet, ne plus être en phase avec celle du reste de la société française compte tenu de leurs caractéristiques supposées – recours à des produits phytosanitaires, OGM, élevage intensif, maltraitance des animaux, fermes géantes (ferme des 1 000 vaches), secteur très largement subventionné, chasse, loup – et de leurs effets supposés – pollutions diverses (notamment de l’eau avec les algues vertes), impact sur le changement climatique ou sur la santé.
C’est le message de médias généralistes (notamment d’émissions d’investigation du type Cash Investigation), de la Confédération paysanne et des associations de consommateurs, écologistes ou de protection des animaux, mais aussi d’internet et des réseaux sociaux, qui sont dans une logique que l’on peut qualifier d’« agribashing ». Ces différents acteurs critiquent l’industrialisation de l’agriculture, ainsi que l’implication de la science (chimie, biotechnologies) et défendent de façon corrélative une agriculture biologique, écologique ou « paysanne », une agroécologie militante, voire la permaculture.
Le second type d’image est celle de l’agriculteur en colère et en crise. C’est l’image d’un secteur en crise qui suscite souvent la sympathie, voire l’empathie de la part du public, notamment lors des mobilisations. Elle s’accompagne aussi de violences : en images lors de manifestations ou à travers la question délicate des suicides. C’est le message des médias généralistes (notamment des journaux télévisés) ou d’information continue.
Le troisième type est celui diffusé par le Salon international de l’agriculture ou l’émission de M6 L’Amour est dans le pré. C’est l’image d’Epinal de l’agriculteur vue par les citadins : ce que l’on a envie de voir de l’agriculture dans un monde idéalisé, ce qui nous rassure. C’est un peu le « roman photo » des agriculteurs et de l’agriculture : une vision bucolique et sereine de la campagne avec des petits lapins qui courent dans les prés. C’est ce que certains surnomment de façon ironique l’image de Martine à la ferme.
Bien entendu, certains médias, par exemple la presse quotidienne régionale ou a fortiori la presse professionnelle, donnent une autre image de l’agriculture plus proche de la réalité, moins critique et moins extra-ordinaire au sens strict du terme (crise, suicides) ou idéalisée. Mais, pour le grand public, ce sont malgré tout ces trois images qui tendent à dominer, celles de l’agriculteur pollueur, de l’agriculteur en crise ou au bout du rouleau, ou de l’agriculture de façade totalement idéalisée. Ces images ne correspondent pas à la réalité quotidienne de la plupart des agriculteurs. Cela signifie par conséquent que ce ne sont pas eux qui maîtrisent l’image qui est donnée de l’agriculture dans la société française.
Les agriculteurs ne sont pas les seuls dans ce cas. La plupart des acteurs économiques ont ainsi tendance à se plaindre de l’image que la société peut avoir d’eux, notamment via les médias ou, par exemple, les manuels scolaires. L’avis n° 73 du CNA indiquait ainsi à propos de la filière alimentaire que « Les images véhiculées, notamment, par la publicité, les visuels sur les emballages, les livres scolaires, les salons, les médias ne correspondent pas forcément à la réalité et peuvent ainsi contribuer à la confusion des messages ».
Est-ce grave ? Sans aucun doute car les décisions publiques qui sont prises en matière agricole le sont ainsi en grande partie sur la base des préférences et des priorités des citadins.
Alors, comment parvenir à renverser cette tendance ? Les agriculteurs doivent s’efforcer d’avoir un impact sur l’agenda, c’est-à-dire sur les thèmes qui sont à la « une » des médias et au cœur des débats publics, et ne pas simplement le subir, et définir les termes du débat. Dans la plupart des cas, ce sont d’autres acteurs qui jouent ce rôle. Pour cela, il paraît nécessaire de revoir la façon dont les agriculteurs et la profession communiquent, même si l’on observe une professionnalisation croissante du travail des « agricommunicants ».
Les agriculteurs doivent maîtriser davantage l’image que le reste de la société a de l’agriculture. Pour cela, ils doivent en premier lieu respecter le b.a.-ba de la communication.
(1) Celle-ci ne doit pas être dissonante, c’est-à-dire qu’il ne doit pas y avoir différents sons de cloche. Ce n’est bien entendu pas évident à mettre en place pour un monde agricole très diversifié et dont les situations et les intérêts ne sont pas toujours concordants.
(2) Celle-ci ne doit pas être simplement réactive. Il est bien entendu important, voire crucial, de répondre aux « attaques » en rétablissant la vérité comme le journaliste Gil Rivière-Wekstein a pu le faire récemment suite à un article publié par le journaliste Stéphane Foucart dans Le Monde. Mais la communication ne doit pas s’en tenir à cette posture simplement réactive. C’est une condition nécessaire, mais loin d’être suffisante.
(3) Elle doit aussi être positive, sans pour autant tomber dans une béatitude éloignée de la réalité ou masquer cette dernière. En clair, il faut faire envie, plutôt que générer de la pitié (agriculteur en crise), de l’inquiétude ou de la colère (l’agriculteur pollueur) ou encore de l’incompréhension. En effet, ce qui émane de l’agriculture est souvent un long râle de plaintes – confortant quelque peu à tort ou à raison l’image d’un agriculteur qui se plaint tout le temps – et la recherche de coupables extérieurs à la profession qui seraient responsables des maux que celle-ci subit : la grande distribution, les banques, l’administration, les normes, les écologistes, le gouvernement et les politiques, l’Union européenne, l’OMC et le libre-échange, les citadins, les néo-ruraux, les consommateurs, etc. Or, il est évident que ce type de communication négative mène à l’impasse et ne peut que contribuer à renforcer le sentiment des agriculteurs d’être une minorité incomprise. Il ne faut donc pas passer son temps à revenir sans cesse sur ce qui ne va pas et mettre plutôt l’accent sur ce qui marche.
(4) Cette communication doit être basée également sur des valeurs simples – on pourrait même dire paysannes – de vérité, d’honnêteté et de sincérité. Il faut dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit. L’initiative Agridemain (ou #agridemain) lancée au début du mois de février 2016 s’inscrit dans cette démarche de vérité en cherchant à mieux communiquer auprès du grand public au-delà des clichés – « nostalgie d’un retour à la terre, fantasmes d’une agriculture bucolique » – et des préjugés et en montrant le vrai visage de l’agriculture et des agriculteurs d’aujourd’hui.
Ensuite, il est indispensable de partir d’une bonne compréhension de la réalité actuelle de la perception de l’agriculture par le public et la société civile (médias, associations, etc.) et d’en tenir compte.
Qu’on le déplore ou pas, les consommateurs actuels expriment cinq formes de défiance : (1) une défiance vis-à-vis des « gros » censés incarner le système dominant agro-industriel ou d’agriculture intensive (FNSEA, grandes entreprises, a fortiori firmes multinationales) et un soutien corrélatif des petits (agriculteurs, coopératives de petite taille, mais aussi PME, commerces de proximité, starts up, associations, son propre réseau social ou son médecin généraliste) ; (2) une défiance vis-à-vis de tout ce qui est artificiel et un soutien corrélatif de tout ce qui est perçu comme « naturel » ; (3) une défiance vis-à-vis de ce qui est nouveau et un soutien corrélatif de ce qui est traditionnel et déjà connu ; (4) une défiance vis-à-vis de la viande et un soutien corrélatif du végétal ; et (5) une défiance vis-à-vis du global et des circuits longs et un soutien corrélatif du local, de la proximité et des circuits courts. Cela signifie par conséquent que ces consommateurs vont se méfier d’un message émanant d’un « gros » (ministère, FNSEA, grandes entreprises).
Il convient aussi sans aucun doute de modifier le message, ainsi que l’émetteur du message. Dans ce contexte, pour que le message puisse passer auprès des consommateurs, il paraît nécessaire d’éviter toute forme de communication institutionnelle et de donner d’abord la parole aux « petits », principalement aux agriculteurs eux-mêmes, qui parlent directement de leur travail et de leur vie sans intermédiaire et sans mise en scène particulière.
On peut d’ailleurs observer à ce propos le succès des chaînes YouTube d’agriculteurs, comme La Chaine agricole ou Thierry agriculteur d’aujourd’hui (qui a passé le cap des 1 million de vues de ses vidéos le 1er mai 2016), vidéos que WikiAgri diffuse dans des rubriques dédiées. C’est le cas aussi des pages Facebook d’agriculteurs, des blogs ou des forums. On peut mentionner également le témoignage d’« ambassadeurs », c’est-à-dire d’agriculteurs « ordinaires », comme c’est le cas pour #agridemain. Ce type de communication peut néanmoins présenter le risque de ne s’adresser qu’aux seuls agriculteurs, même s’il ne s’agit pas de leur vocation.
Au-delà des émetteurs, le message doit également évoluer. Pour susciter l’intérêt du reste de la société, il semble nécessaire de raconter une histoire, et plutôt une belle histoire, à propos des agriculteurs, des produits ou de la production agricole. C’est ce que l’on appelle plus communément le « story telling ». L’avis n° 73 du CNA suggère ainsi de « raconter l’histoire des produits, les racines et les territoires, sans véhiculer pour autant une image passéiste des modes de production, contre-productive à moyen et long termes ». Or, aujourd’hui, les belles histoires qui semblent être les plus visibles sont plutôt celles d’agriculteurs « alternatifs » (bio, permaculture, agriculture urbaine) ou alors de néo-ruraux qui s’investissent dans l’agriculture, mais avec leurs valeurs de citadins.
Le Parisien magazine, dont la ligne éditorial mise sur le « positif », a par exemple conçu un dossier en février dernier qui avait pour thème « les jeunes agriculteurs cultivent l’espoir » en réalisant plusieurs portraits. Or, les histoires présentées dans le magazine sont avant tout celle d’agriculteurs « alternatifs » : Linda et Edouard, « adeptes de la permaculture », qui « misent sur la polyculture bio avec un petit volume de production » et « défient tous ceux qui ne jurent que par le gigantisme », Antoine, un éleveur bio d’une ferme de faible taille adepte de la vente directe, ou encore Julien, adepte de l’agriculture écologiquement intensive.
Le message ne doit donc pas consister uniquement à raconter de belles histoires. Ces actions de communication doivent s’inscrire plus largement dans la définition d’un nouveau « mythe protecteur », pour reprendre l’expression du consultant George Lewi, et d’un nouveau contrat implicite entre les agriculteurs et le reste de la société.
Des années 1950 aux années 1970, un même mythe unissait le monde agricole et le reste de la société, celui de la modernisation et du progrès continu. L’agriculture française qui se modernisait était le gage de l’indépendance alimentaire nationale (reposant aussi sur le mythe de l’agriculteur qui nourrit le pays et de l’agriculture « mamelle » de la France) et l’agriculteur était l’agent du progrès qui libérait le pays de la pénurie alimentaire. Il protégeait et réduisait les risques d’insécurité alimentaire.
Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. L’agriculteur est même plutôt perçu comme un facteur de risque alimentaire. Il s’est retrouvé intégré dans un projet collectif auquel les citoyens-consommateurs n’ont pas nécessaire adhéré. Ce projet collectif porté à partir des années 1980 par les élites politiques et économiques a consisté à privilégier l’ouverture économique (globalisation économique, marché unique, Union économique et monétaire), politique (transferts de souveraineté vers l’Union européenne) et culturelle (société multiculturelle et multiconfessionnelle). Or, il n’a pas été vraiment assumé en tant que tel par ces élites et expliqué en vue d’emporter l’adhésion de l’opinion. Certains ont d’ailleurs parlé à ce propos, à juste titre, de « mondialisation furtive ».
Pour le monde agricole, cela a eu un double impact : (1) une libéralisation des échanges (intégration de l’agriculture dans les négociations de l’OMC, concurrence des agricultures des pays émergents, réforme de la PAC) et (2) une industrialisation de l’agriculture et de l’alimentation (intégration de l’agriculture dans des chaînes de production globales, montée en puissance des géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution, rôle-clef des entreprises des secteurs de la chimie et des biotechnologies). Cela s’est traduit par trois crises pour l’agriculture française : une crise économique, environnementale et de sens. Cela a également provoqué une sorte de divorce entre les agriculteurs et le reste de la société à partir du moment où les intérêts de l’agriculture n’ont plus semblé coïncider avec ceux de la société et des individus. Ces incompréhensions se sont surtout concentrées sur la question des OGM et des pesticides.
Il paraît par conséquent nécessaire de recréer un mythe protecteur et de refonder un nouveau « contrat ». La tentation du côté des citadins et des « critiques » du système actuel est de s’appuyer sur un mythe protecteur de l’« âge d’or » ou de la « bonne mère nature » en privilégiant le retour à une agriculture pré-moderne et à une ruralité bucolique. Cela correspond aux intérêts et aux valeurs de certains citadins, mais cela apparaît incompatible avec la réalité et avec les souhaits de la grande majorité des agriculteurs.
Une autre tentation est celle du « village d’Astérix », seuls contre tous avec deux variantes qui ont été bien décrites en 1999 par le consultant Rémi Mer dans son ouvrage Le paradoxe paysan (L’Harmattan), à savoir la politique de l’autruche et la stratégie du conflit. Cela correspond aux intérêts du monde agricole, mais sous une forme qui paraît incompatible avec les intérêts et les valeurs du reste de la société. Cela paraît être donc un combat perdu d’avance.
Alors, comment parvenir à concilier intérêt et valeurs des agriculteurs et du reste de la société autour d’un nouveau contrat, voire d’un nouveau « mythe protecteur » ? La piste la plus intéressante de ce point de vue paraît être celle du progrès au service du bien-être des consommateurs et de la nature. C’est ce que Maximilien Rouer et Hubert Garaud ont joliment appelé l’« alliance des vers de terre et du big data ».
Cela correspond à la problématique des technologies au service de la compétitivité et du respect de l’environnement avec le développement fulgurant des AgTech, des foodtech, de l’agriculture de précision, des AgBot ou de l’agriculture écologiquement intensive de Michel Griffon. Cela semble emporter l’adhésion des agriculteurs tout en répondant aux principales préoccupations des consommateurs (par rapport à l’environnement et à la santé).
Ce mythe du progrès compatible avec la nature est d’ailleurs porté par celui qui est certainement devenu aujourd’hui le nouveau héros, à savoir le jeune créateur de start up qui entend résoudre un problème très important dans une logique disruptive par rapport aux acteurs dominants. Il pourrait l’être également par les agriculteurs fer de lance de la French AgTech.
En savoir plus : www.cna-alimentation.fr/wp-content/uploads/2015/01/CNA_Avis73_Communication.pdf (avis n° 73 de décembre 2014 du Conseil national de l’alimentation (CNA), Communication et alimentation : les conditions de la confiance) ; www.syrpa.com/images/05-04-16-Doc-4p-Observatoire-VDEF.pdf (informations sur les agricommunicants de l’Observatoire des métiers de la communication en agriculture) ; http://alerte-environnement.fr/2016/05/11/phytos-stephane-foucart-le-monde-affabulerait-il (article du journaliste Gil Rivière-Wekstein en riposte à un article du Monde) ; http://agridemain.fr (site de l’initiative #agridemain) ; https://wikiagri.fr/articles/la_chaine_agricole (pour retrouver les vidéos de La Chaine Agricole sur WikiAgri) ; https://wikiagri.fr/articles/thierry_agriculteur_daujourdhui (pour retrouver les vidéos de Thierry Agriculteur d’Aujourd’hui sur WikiAgri) ; www.leparisien.fr/magazine/grand-angle (Le Parisien magazine du 19 février 2016).
Voir aussi « le mythe, bouclier-protecteur contre les crises alimentaires » de George Lewi (dans les Actes des colloques du Conseil nationale l’alimentation, Communication et alimentation : les conditions de la confiance, 2016) ; Le paradoxe paysan de Rémi Mer (L’Harmattan, 1999) ; Les agriculteurs à la reconquête du monde. Pourquoi le monde agricole va survivre et même nous sauver de Maximilien Rouer et Hubert Garaud (JC. Lattès, 2016).
Notre illustration ci-dessous est issue du site Fotolia, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/111903515.
bonjour comme toujours excellent article! le droit doit être un allié dans cette démarche constructive de communication en se construisant autour de l’idée des intérêts collectifs porteurs d’intérêt général: les intérêts collectifs des agriculteurs et de la filière agricole au service d’un intérêt général environnemental mais également alimentaire. Le droit de l’homme à l’alimentation est un droit fondateur reconnu par les nations unis dès la fin des années 40. Attention néanmoins à ne pas aller vers une alimentation (« la nouvelle alimentation ») déconnectée de l’agriculture et dons des agriculteurs.
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Nous vivons dans une société auto censurée, parfois auto castrée… les paysans ne savent pas dénoncer les abus pollueur du monde citadin… Nos tracteurs polluent mais curieusement pas les milliers voir les millions de véhicule quittant la capitale chaque weekend pour se balader…Nos tracteurs polluent pour des contreparties tangibles mais pas pour remuer du vent.. Les paysans comportent encore une sagesse que nos contemporains n’ont plus faire du bruit pour faire du bruit…ça fait pschitt…