Le budget du ministère de l’Agriculture pour 2016 baisse de 2,6 % et son spectre d’action se rétrécit encore. En plus des crédits programmés, les agriculteurs bénéficient en effet d’allègements de charges sociales et fiscales en hausse et d’aides Pac. Aussi, pourquoi ne pas présenter, d’un bloc et chaque année, l’ensemble de ces soutiens et montrer ainsi l’enjeu que représente réellement le secteur agricole dans l’économie française ?
Lorsqu’elle sera votée, la loi de finances pour 2016 sera la dernière du quinquennat du président de la République, François Hollande, exécutée en année pleine. Et par conséquent, le budget du ministère de l’Agriculture porté par Stéphane Le Foll sera aussi le dernier. Non seulement parce que 2017 sera une année électorale mais aussi parce que le ministre de l’Agriculture pourrait être appelé à d’autres responsabilités d’ici quelques mois.
Et puis, sous sa forme actuelle, le budget du ministère de l’Agriculture ne serait-il pas, tout bonnement, voué à disparaître ? Car le soutien à l’agriculture passe également par les budgets d’autres ministères, par les collectivités territoriales (et des régions en particulier) et par l’Union européenne. Ce qui sous-entend qu’il serait plus judicieux de dresser, chaque année, l’inventaire des crédits alloués à l’agriculture et aux agriculteurs par chacune de ses entités, plutôt que de se limiter à analyser les seuls crédits du ministère de l’Agriculture. Cela donnerait une meilleure idée des enjeux que revêt ce secteur dans l’économie nationale et ce qui en fait, en France, sa singularité.
De plus, parmi les missions actuelles du ministère de l’Agriculture, deux d’entre elles revêtent plutôt du ministère de l’Education nationale et du ministère de la Santé. L’enseignement et la recherche agricoles sont dotés de 1,7 milliard d’euros sur les 4,5 milliards d’euros budgétisés et 487 millions d’euros seront dédiés à la sécurité et à la qualité sanitaire de l’alimentation.
Le soutien à l’Agriculture passe d’abord par le budget communautaire de la Politique agricole commune (9,7 milliards d’euros). Et son poids se renforce un peu plus chaque année.
En effet, la nouvelle baisse des crédits de paiement de 2,6 % du budget du ministère de l’Agriculture pour 2016, s’explique, en partie, par le transfert de financement de certains dispositifs sur le budget européens (par exemple, la gestion des risques par le second pilier de la Pac – enveloppe de 120 millions d’euros).
Le soutien à l’agriculture est aussi alimenté par les budgets des ministères de l’économie et de la santé.
Les allègements de charges sociales et fiscales issues du Pacte de responsabilité et de solidarité s’élèveront, pour les exploitations, à 734 millions d’euros et le Cice à 392 millions d’euros. Et il faut ajouter à ces dispositifs, entre autres, les allégements de charges « Fillon » sur les bas salaires et les exonérations des charges sociales sur les travailleurs occasionnels.
En présentant le budget de son ministère, le ministre de l’Agriculture a aussi rappelé que « les exploitants aux revenus les plus modestes verront leurs cotisations personnelles diminuer de 65 millions d’euros en 2016 par rapport à 2014 : 45 millions en 2015 puis 20 en 2016. Et pour ceux qui sont au réel, les agriculteurs pourront lisser leurs charges sociales en étalant sur 7 ans.
Au total, « le secteur de la production agricole bénéficiera d’un allègement de charges sociales et fiscales de 1,780 milliard d’euros », a affirmé Stéphane Le Foll.
Précisons enfin que la modernisation des outils d’abattage-découpe (50 M€) sera financée par le programme d’investissement d’avenir. Et le plan de compétitivité et d’adaptation de l’élevage sera à la fois abondé par l’Etat, les régions et l’Union européenne de 350 millions d’euros par an (ce qui porte les capacités d’investissement à un milliard d’euros par an).
Au final, le soutien à l’agriculture française et à la sécurité alimentaire de la France porte sur près de 15 milliards d’euros de crédits.
Aussi, pour symboliser la dimension transversale des mesures financées, ne pourrait-on pas imaginer, dans un proche avenir, que l’ensemble des crédits annuels alloués soient présentés par les ministres de l’Agriculture, de l’Economie mais aussi du Budget, de la Santé et biens sûr de l’Ecologie, réunis pour l’occasion ?
Evidemment, la spécificité du secteur agricole justifie ces soutiens budgétaires particuliers (aides Pac du 1er et 2e pilier entre autres) mais la plupart des mesures fiscales et sociales dont il bénéficie sont aussi accordées aux autres filières économiques (Cice, pacte de responsabilité entre autres). En fait, cela traduit l’intégration totale de l’agriculture dans l’économie nationale. Mais ce ne sont pas, hélas, les chefs d’exploitation qui fixent le prix de vente de ce qu’ils produisent…
Un dernier mot sur la TVA sociale, demandée depuis des années par les responsables professionnels agricoles pour alléger le coût du travail : selon le ministre de l’Agriculture, le Cice et le pacte de responsabilité réduisent davantage les montants des cotisations sociales individuelles des agriculteurs et celles payées pour leurs employés que ne l’aurait permis la hausse des trois points de cette TVA sociale…
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