julie marsot p re m re

Lettre à mon père, mon avenir est-il toujours dans l’élevage ?

Nous diffusons ici une lettre ouverte de Julie Marsot, jeune femme de 21 ans ayant toujours prévu de reprendre l’explotiation familiale, à son père, avec toutes les questions qu’elle lui pose par rapport aux conséquences de la crise de l’agriculture.

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Papa,

Comment fait-on pour avoir encore envie de continuer et de vouloir y arriver lorsque l’on voit comment se déroule le monde agricole aujourd’hui ? Dis moi ? Ça fait déjà plusieurs années que tu fais passer la ferme avant tout le reste, que tu te bats pour essayer de relever la pente que l’on est en train de croiser de plus en plus, que tu ne te prélèves même plus de salaire alors que ton métier fait vivre le monde. Tu te bats pour la ferme mais en grande partie pour nous, les 3 de la génération suivante à vouloir continuer ce que nos générations précédentes ont bâti précieusement. Tu sais, moi je me rends malade pour toi, pour ce que tu fais. On te voit travailler tous les jours sans jamais te plaindre. On essaie de trouver des solutions mais en vain… On essaie d’être là pour toi parce qu’on voit bien que ça ne va pas, même si tu ne nous montres rien. J’ai pas envie que tu restes tout seul et que ça finisse comme tous ces agriculteurs qui ont voulu se battre seul, et qui se sont donné la mort parce qu’ils n’ont pas réussi. On est en famille et je ne veux pas la perdre à cause d’une crise laitière où les hauts placés ne s’occupent même pas de nous.

On a fait les 3 l’école agricole, le plus grand travaille déjà sur l’exploitation avec nous en tant que salarié, le deuxième vient d’avoir son bac et a dû partir travailler ailleurs, puisque ici malheureusement c’est impossible. Et moi au milieu de tout ça, je fais quoi ? Je ne sais pas, je ne sais plus… à quoi bon au final ? On n’a plus la motivation, beaucoup moins d’interêt… j’ai peur de mon avenir, je suis passionnée par les vaches, mais comment on va faire ?

L’exploitation a toujours eu des vaches laitières, on aime traire, mais avec beaucoup moins d’enthousiasme depuis que nous vendons notre lait à perte.. 25 centimes de litre de lait, alors qu’il nous faut 33 centimes pour le fabriquer… On ne va pas allez loin avec ça. On aime les belles vaches, choisir des bons taureaux issus d’insémination artificielle (IA), et aujourd’hui avec la conjoncture on va être obliger de réduire ses IA pour mettre un taureau au milieu du troupeau. C’est tout un travail qui est remis en question à cause de cette crise…

Alors, dis moi, moi, je fais quoi ?

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Julie Marsot
en apprentissage dans le milieu agricole

Ci-dessous, Julie Marsot entre ses deux parents, photos prise il y a deux ans.

3 Commentaire(s)

  1. Il y a des décennies que cela dure…Que Julie sache que nous aurions pu écrire les mêmes lettres à nos parents paysans…L’Agriculture est vendue depuis longtemps, NOURRIR A BAS PRIX LE CONSOMMATEUR afin qu’il dispose financièrement de moyens tout autre que son alimentation…L’agriculture est vendue au système et à l’industrie para agricole et extra agricole (voiture,loisirs etc…NOURRIR A BAS PRIX LA FORCE DE TRAVAIL NÉCESSAIRE A L ACCUMULATION DU CAPITAL..Nos responsables et notamment politique sont en décomposition…Mensonges et Vols mènent le monde…Arrêtez d être naïf et de vider votre santé pour des passions professionnelles…Les égoïstes profiteurs du système n’en n’ont rien à faire de la santé des paysans niais que de nombreux planqués qui prennent la paye à la fin du mois et attende une bonne retraite…Fils de migrant des années 1957, mon père a esquinté sa santé pour toute cette racaille qui ne l’ont jamais reconnu avance 650 E de retraite…C est scandaleux tant que les paysans ne feront pas la gréve de l’appro…N’ achetez plus rien durant 2 ans..

  2. Il y aurait une solution si la passivité individualiste des paysans ne les isolait… imaginez si TOUS les producteurs cessaient les achats de compléments d’aliments (par exemple), leur compte d’exploitation ne serait guère affecté (enrichir les rations pour produire du lait à perte ? !) , mais la production (laitière) diminuerait, les prix remonteraient.
    Les paysans possèdent l’arme alimentaire, mais ils sont incapables de solidarité pour l’utiliser. Alors que ce sont eux qui nourrissent le monde, ce sont eux qui meurent les premiers . Alors … soyons solidaires, agissons ensemble et simultanément!

  3. Julie, c’est un très beau témoignage, depuis bien des générations bien les jeunes se sont posé cette question et j’apprends rien sur le manque de renouvellement des générations dans notre beau métier, souvent se manque d’attraction et de revenu encourageant et stable… Comme bien des jeunes vous avez cette fibre à fleur de peau et cet normal toutes ces questions, tous ces sacrifices pour ça! toutes ces générations, une à une pour ça! Et nous?? Que seront nous? que en restera- t-il?
    Notre beau métier est à la croisé de son histoire, soit on fait un grand bon en arrière, non plus le Tier Etat, mais les cerfs ou technocerfs des grands groupes de l’agroalimentaire et distributions et financier ou soit on reprend tout en main, un combat déterminant qui doit nous donner les moyens de repenser la place de l’agriculture française, des femmes et des hommes qui sont vital à l’avenir de notre pays, la racine même historiquement de notre pays et civilisation… Il y a une crise identitaire très forte aujourd’hui, ce mal nous ronge à la même enseigne que bien d’autre, nous les ruraux, ne plus adhérer à une cohésion, une reconnaissance, une colonne vertébrale, parfois marginaliser, s’exclure de ce monde imparfaits….
    La jeunesse à bien des défis à relever, s’elle de l’agriculture au delà de la passion qui nous anime, c’est de se créer les conditions du meilleur pour nous et ceux qui nous suivront…;
    Sans être négatif, Est-ce déjà trop tard, Est-ce que le point de non retour est atteint? ou peut on encore croire au grand sursaut des campagnes française….

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