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Un projet de méthanisation relié à une production de spiruline

14 éleveurs de la Creuse portent un projet de méthanisation relié à une production de spiruline. Cette algue aux multiples vertus rentabilisera l’usine livrée à l’automne 2015.

Sur le plateau des Combrailles, la neige commence à tomber, soufflée par un vent glacial. Difficile d’imaginer que l’on va produire ici de la spiruline, une micro-algue cultivée depuis des siècles en Amérique du Sud et en Afrique ! Didier Dhume, éleveur à Viersat, est à l’origine de cette idée audacieuse : « Je suis installé en Gaec avec un associé sur 225 ha dont 135 ha de culture. Nous avons 70 vaches allaitantes et un petit atelier d’engraissement. Depuis 2010, nous voulons diversifier nos activités et j’ai pensé à la méthanisation. »

L’été dernier, il contacte le cabinet d’études Opale EN (EN comme énergies naturelles) dans le Doux. Celui-ci oriente l’éleveur vers un projet collectif, pour réaliser des économies d’échelle et mutualiser les risques. En trois mois, Didier Dhume fédère 14 agriculteurs, représentant huit exploitations dans un rayon de sept kilomètres. Ensemble, ils fondent la SAS Pâtural Energie. « Ce projet individuel est devenu un projet de territoire : nous récolterons les déchets verts de la déchetterie intercommunale. Jusqu’à présent, ils étaient transportés à plus de cent kilomètres… Cela fera tourner l’usine toute l’année. Enfin, nous avons signé un contrat avec l’abattoir de Montluçon pour méthaniser l’intérieur des panses. Cette usine va réduire les coûts de tous les acteurs. On pourrait encore ajouter une unité de compostage pour les ligneux. Enfin, pour sécuriser les apports, on mettra en place des cultures intermédiaires à vocation énergétique, avec des légumineuses, du seigle, de l’avoine… Bien sûr, cela ne remplace pas des cultures alimentaires existantes. »

Un méthaniseur de 330 kilowatts

Côté matériel, il a fallu définir les besoins au plus juste : « J’ai choisi ce cabinet car il n’est pas lié à un constructeur. Chaque projet de méthanisation est différent, et il faut pouvoir trouver le matériel vraiment adapté à ses besoins. » L’étude technique a orienté les éleveurs vers la méthanisation par voie sèche. « En effet, nous avons surtout du fumier de stabulation. On a choisi la voie continue avec un réacteur piston. La machine sera fournie par la société allemande Eisenmann. C’est regrettable, mais nous n’avons pas trouvé de constructeur français validé par l’Ademe qui puisse fournir ce matériel », regrette Didier Dhume.

L’usine sera alimentée par 13000 tonnes de fumier par an. Le moteur aura une puissance de 330 kilowatts. Sa production énergétique représentera la consommation de 1000 foyers, soit 2,6 gigawatts, sachant que le tarif de rachat d’ERDF est de 18 à 19 centimes le kilowatt.

Meilleur taux d’azote, et moins de pollution

Les économies de fertilisant sont également non négligeables : « Aujourd’hui, on épand le fumier pendant l’hiver et la moitié de nos apports d’azote sont lessivés. L’été, nos tas de fumier s’évaporent. Au cours de la méthanisation, les bactéries vont minéraliser l’azote qui devient beaucoup plus stable. On épandra dans nos champs le liquide du digestat avec une tonne à lisier équipée de pendillard, au moment où la plante en aura le plus besoin. Du point de vue agronomique, ça change tout ! Sur l’année, on doublera la valeur en éléments azotés et on limitera les pollutions aquatiques, sachant qu’on vient d’être classé en zone vulnérable aux nitrates. Grâce au méthaniseur, on va donc réduire de moitié nos achats d’engrais. En contrepartie, il faudra augmenter la fréquence de nettoyage des stabulations ! Il faudra le faire une fois par mois, on a fixé un calendrier pour s’imposer cette discipline », sourit l’éleveur.

La spiruline, un marché prometteur

L’usine sera reliée à un séchoir polyvalent (pour les fourrages et les céréales) et des serres de spiruline. Il est en effet obligatoire de valoriser 70% de l’énergie thermique du moteur en cogénération : « L’idée vient d’Opale EN. La spiruline est un marché porteur à haute valeur ajoutée. Elle est vendue 100 euros le kilo au détail. On peut prendre des parts de marché, sachant que la France importe 95% des volumes de spiruline qu’elle consomme. »

Complément alimentaire, cette algue est réputée pour sa forte richesse nutritionnelle, prisée par les sportifs et les femmes enceintes. La SAS Pâtural Energie prévoit de produire 1300 kilos de spiruline par an (une partie sera vendue en direct, l’autre par un grossiste bio) dans 500 mètres carrés de bassins. « Ils seront alimentés par une source locale. On changera l’eau une fois par an. Entre 32 à 38 degrés, des microalgues se développent si la lumière est suffisante. Elles forment une gelée à la surface. On récoltera tous les jours et tous les deux jours en hiver. Il suffit de pomper l’eau et de la passer sous tamis. Ensuite, on sèche la spiruline en autoclave », résume Didier Dhume.

L’investissement global (méthaniseur et serres) représente 3,2 millions d’euros et suscitera au moins 1,5 emplois. « Le cabinet participe à 16% de l’investissement. On espère rembourser les emprunts en huit ans. » Le permis de construire a été déposé en août 2014 et la promesse de vente du terrain a été signée. Si les conclusions de l’enquête publique sont favorables (verdict en janvier), les travaux devraient commencer en mars pour une mise en service à l’automne 2015.

« Quelques levées de bouclier »

Le méthaniseur sera situé au lieu-dit Saget sur la commune de Budelière. Les éleveurs ont logiquement choisi un terrain proche de la déchèterie, au barycentre des exploitations agricoles.

« On a suscité des levées de bouclier de quelques habitants. Pourtant, les premières habitations sont à 240 mètres, soit plus de quatre fois la distance réglementaire. Avant les élections, le maire était pour le projet mais récemment, le conseil municipal s’est prononcé pour la délocalisation de l’usine. On est plutôt déçu par cette réaction, sachant qu’on reversera 25 000 euros de taxes aux collectivités, avec la création d’un ou deux emplois, de contrats pour les entreprises locales lors de la construction, sans parler des économies de transport des déchets verts… Je reste confiant, car la préfecture et la sous-préfecture sont plutôt favorables, et que la région et l’Ademe ont confirmé qu’ils  verseront 750 000 euros de subvention. Les opposants évoquent aussi la circulation routière, mais 70% des transports ne passeront pas dans les villages. Enfin, le méthaniseur supprime les odeurs des effluents et évite 1100 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre par an. »

En savoir plus : http://www.opale-en.com (site d’Opale énergies naturelles, société de conseil en énergies renouvelables) ; https://wikiagri.fr/tags/spiruline (autres articles déjà paru sur WikiAgri sur la spiruline).

De gauche à droite : Didier Dhume, accompagné d’un des membres de Pâtural Energie Olivier Parrot, et de son associé Michel Mellot.
 

1 Commentaire(s)

  1. il faudrait donner des droits d’auteur à Xavier BERGERE de Saint Chartier dans l’Indre avec une démarche qui va encore plus loin dans une économie totalement circulaire …celle où rien ne se perd et où tout se transforme

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