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Tilloy-lès-Mofflaines, une ferme de référence

Parmi les 189 exploitations de lycées agricoles de France, certaines se distinguent par leur engagement dans l’animation du territoire sur les thématiques agricoles, et par la manière dont équipe enseignante et personnel d’exploitation travaillent pour utiliser au mieux  la ferme comme support pédagogique. Voici l’exemple de l’exploitation du lycée agricole de Tilloy-lès-Mofflaines (Pas-de-Calais), particulièrement impliquée dans cette dynamique.

« Ce n’est pas une exploitation comme les autres : nous sommes 5 employés et nous avons beaucoup de matériel ce qui n’est pas représentatif d’une exploitation de 90 hectares ! ». C’est le discours que répète Flora Couturier à chaque classe lorsqu’elle présente l’exploitation du lycée agricole de Tilloy-lès-Mofflaines, proche d’Arras (Pas-de-Calais).  Recrutée en 2010, elle expérimente des pratiques agricoles innovantes, voire des systèmes de culture plus durables, qui pourraient être mis en place par les agriculteurs du secteur.

La formation initiale joue un rôle extrêmement important dans la manière dont un professionnel de l’agriculture – qu’il soit technicien, agriculteur ou conducteur d’engins – devra prendre une décision. Plusieurs lycées agricoles de France (cf. articles parus les 6 et 18 février, 13 et 29 juin dans la rubrique « Agronomie » de WikiAgri, liens à la fin de celui-ci) utilisent leur exploitation comme support pour la formation. Cela peut prendre différentes formes : participation aux travaux quotidiens, suivi d’expérimentations, utilisation de données pour le cours d’économie, observations du sol, de la biodiversité, voire participation des élèves à la conception de systèmes de culture innovants comme au lycée de Toulouse-Auzeville. Parfois, l’exploitation est même reconnue par les agriculteurs comme un lieu de rencontre et d’échanges sur des résultats expérimentaux par exemple. Ces structures ne peuvent donc pas fonctionner comme des exploitations normales ; mettre en place des expérimentations, encadrer des élèves, demande plus de temps, donc plus de main-d’œuvre. Les exploitations de l’enseignement agricole bénéficient toutes de subventions pour leur caractère pédagogique.

Etude des pollinisateurs sauvages en France

L’équipe de l’exploitation de Tilloy s’est, les quatre dernières années, engagée dans une multitude de projets qui ont créé une forte dynamique. Tout a commencé en 2009, lorsque le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais demande à l’établissement que la ferme soit « ferme de référence » de la région, sur tous les aspects de durabilité d’une exploitation. En parallèle, la ferme s’engage dans l’action 16 du programme Ecophyto, ce qui demandait des moyens humains.

Diplômée de l’Isara de Lyon, Flora Couturier était plutôt spécialisée en phytosociologie, mais le contexte sur place l’a plongée dans une tout autre passion : les insectes. « Le professeur de biologie qui s’occupe de nos ruches m’a embarquée dans plusieurs projets : BiodivEA, le Casdar « entomophages » puis « auximore » et, surtout, un projet sur les abeilles sauvages piloté par l’Inra d’Avignon. »

Les placards du bureau d’exploitation sont remplis de spécimens d’abeilles sauvages. « C’est un des projets les plus intéressants. Avec les élèves, on a été les petites mains du projet : préparer les abeilles, les identifier au genre voire même passer des bourdons au sèche-cheveux pour les envoyer ensuite chez des spécialistes européens qui vont les déterminer à l’espèce. Ainsi, nous avons un rôle dans l’étude des pollinisateurs sauvages en France. Et on peut valoriser cela auprès des élèves. »

Pour l’équipe pédagogique, l’idée de montrer, faire observer le plus de « petites bêtes » aux élèves est essentielle : les élèves sont plus sensibles une fois qu’ils ont vraiment vu les carabes, les vers de terre, dans la parcelle. Ils doivent être attentifs, observer avec patience. Cela constitue une base pour être un minimum sensibilisé à la biodiversité… et éventuellement adapter leurs pratiques.

Sensibilisation, puis connaissance

L’étape qui suit la sensibilisation est la connaissance : la mise au point de méthodes alternatives aux traitements chimiques, comme la lutte biologique, impose une maîtrise du fonctionnement de la biodiversité utile, dite biodiversité « fonctionnelle ». Le protocole vers de terre, développé par le muséum d’Histoire naturelle, est mis en place tous les ans avec plus de cinq classes, dont des BTS. Il est une porte d’entrée pour expliquer les multiples rôles des lombrics dans la parcelle agricole. Les élèves observent aussi les carabes, ces insectes régulateurs des ravageurs, qui « font le ménage dans le sol ». Limaces, escargots, pucerons, n’y résistent pas.

Depuis 2010, de plus en plus de monde a sollicité l’exploitation… En 2011, l’exploitation a opéré une reconception des SdC (systèmes de cultures) avec une rotation sur 6 ans et l’intégration de pois de conserve et de pommes de terre. Les différents SdC ont été conçus pour être à la fois représentatifs des exploitations régionales, et pionniers sur des thématiques à enjeux, comme la réduction de l’usage des produits phytosanitaires. Et ça marche : les résultats, présentés lors de journées d’échanges, sont valorisés auprès des agriculteurs de la région mais aussi des étudiants. En 2012, un projet de microparcelles expérimentales « Dephy Expé » est mis en place ; les résultats sur ces systèmes de cultures seront bientôt exploitables.

Des données disponibles

Si vous cultivez des terres dans le Nord-Pas-de-Calais, sachez que les données utilisées pour le Bulletin de Santé du Végétal blé, colza et betterave sont, depuis 2013, produites avec la participation des étudiants en BTS Agronomie Productions Végétales. Dans l’idéal, l’équipe d’exploitation aimerait que les étudiants puissent seuls gérer des parcelles d’expérimentations. Mais cela implique une prise de risque trop grande car ces expérimentations concernent toute la sole de l’exploitation ; les élèves sont néanmoins impliqués dans les décisions (choix variétal, stratégie fongicide etc). Les derniers projets en date (2014) concernent la gestion des bords de champ et le choix des Cipan en lien avec l’activité cynégétique ainsi que l’étude des auxiliaires en fonction des pratiques de travail du sol.

L’équipe des cinq salariés de l’exploitation dégage une énergie impressionnante : Geoffrey Billaut, jeune chef d’exploitation depuis un an, Christophe Robiquet et Arthur Botin (jeune diplômé de BTS, il remplace un collègue en arrêt maladie), salariés sur la ferme, Elodie Craye, en charge de Dephy Expé, et Flora Couturier. Ils sont tous volontaires et disponibles, malgré la quantité de travail que représente la gestion d’une exploitation pédagogique. Donner du temps aux élèves, aux enseignants et aux acteurs agricoles du secteur crée en retour une dynamique locale, et participe au perfectionnement des exploitations du territoire. Aujourd’hui, la ferme est reconnue pour sa capacité à interagir avec une bonne partie des acteurs du monde agricole.

En savoir plus : https://wikiagri.fr/articles/le-r%C3%B4le-de-lenseignement-agricole-dans-lamelioration-des-pratiques-culturales/922 ; et https://wikiagri.fr/articles/en-beauce-tests-comparatifs-de-terrain-de-reduction-des-intrants/946 ; et https://wikiagri.fr/articles/pedagogie-les-etudiants-deviennent-acteurs-de-leur-conduite-dexploitation/1143 ; et https://wikiagri.fr/articles/au-lycee-de-chambray-experimentations-a-grande-echelle/1161 (précédents artricles en lien avec l’enseignement agricole et autres méthodes pédagogiques).

Photo ci-dessous, l’équipe pédagogique.

Photo ci-dessous, groupe d’étudiants en BTS.

Photo ci-dessous, larve de coccinelle.

Photo ci-dessous, parcelle Dephy Expé à Tilloy.

Photo ci-dessous, prélèvement de vers de terre.

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