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Septoriose sur blé, pourquoi les F1 sont davantage concernées

Habituellement, les premiers symptômes de feuille apparaissent du bas vers le haut de la plante. Cette année, l’ordre logique est quelque peu bousculé : actuellement, les taches se manifestent davantage sur F1 que sur F2 et F3. Quelles en sont les raisons ?

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Après un automne et un hiver relativement doux, la septoriose était bien présente sur les feuilles à épi 1 cm. A la faveur de plusieurs semaines sèches en mars et avril (figure 1), de nouvelles feuilles sont sorties, sans être contaminées par des spores de septoriose. La maladie s’est ainsi retrouvée cantonnée en bas de plante.


Figure 1 : pluviométrie journalière 2015 – station de Fagnières (51)


Jusqu’à la semaine dernière, les trois dernières feuilles définitives étaient relativement indemnes de symptômes de septoriose. Cependant, toutes les feuilles ont été largement contaminées par les pluies de fin avril-début mai, car intégralement ou partiellement étalées. Cet épisode pluvieux a touché la totalité de la Champagne-Ardenne. Le phénomène est donc généralisé (figure 2).


Figure 2 : graphique de contaminations septoriose selon le modèle Septo-LIS®


Les sorties tardives de symptômes de septoriose ces derniers jours s’expliquent par une phase d’incubation légèrement plus longue [3 semaines environ] en lien avec les températures fraîches. La date d’apparition de symptômes coïncide avec les calculs issus de la modélisation (fondée sur des variables climatiques et phénologiques).

Explications sur les symptômes sur F1 en l’absence de traitement

Dans les témoins non traités fongicides, certains observateurs nous ont fait part de taches de septoriose en F1, avec des F2 voire F3 moins (voire pas) touchées. Ces sorties de symptômes ne suivent pas le gradient logique du bas vers le haut de la plante (voir figure 3).

Ce phénomène a déjà été observé en 2011 et 2013. L’explication principale est le temps d’incubation de la septoriose un peu plus court sur la F1 : la F1 est exposée à un peu plus de lumière et température que les feuilles inférieures. Par ailleurs, le tissu de la F1, plus tendre [cuticule plus fine], facilite la germination et l’expression des symptômes du champignon. Les symptômes sortent sur la F1 de quelques dizaines d’heures à quelques jours plus tôt que sur la F2/F3.

L’écart dans les symptômes entre feuilles se resserre rapidement [en quelques jours] (d’après les observations des années précédentes) : déjà confirmé par certains observateurs cette année.

Par ailleurs, il est parfois observé des symptômes localisés sur la pointe de la F1. Cette localisation pourrait s’expliquer par une F1 pointante au moment des pluies contaminantes. Le port dressé de la F1 et perpendiculaire à l’aisselle de la F2 créé une zone d’accumulation des spores, et peut retenir plus longtemps l’eau de pluie / l’hygrométrie, ce qui créé un environnement très favorable à la germination de spores de septoriose éventuellement présentes.

En 2011, il avait été également évoqué l’hypothèse de contaminations via des ascospores, la forme sexuée de la septoriose. Les piégeages ces dernières années ont pu révéler des niveaux importants d’ascospores courant montaison dans nos essais à Boigneville (Essonne), sans symptômes inversés [plus nombreux en F1 qu’en F2 ou F3 définitives]. Cette hypothèse est donc relayée au second plan.

A l’issue d’un monitoring à l’aide de piège à ascospores de type Burkard sur une durée de 2 ans sur 4 sites expérimentaux, situés en Belgique, les travaux permettent de conclure à une dispersion de l’inoculum sur la période de septembre à juillet, mais principalement sur la période entre floraison et la récolte. Après la floraison la quantité d’inoculum détecté dans l’air s’est avérée proportionnelle à l’intensité de la maladie dans les parcelles où les captures ont été réalisées. Les quantités capturées en début de saison semblent proportionnelles au niveau de maladie de l’année précédente. Des ascospores ont été capturées grâce à un piège installé sur le toit d’un immeuble de Louvain, le transport des ascospores sur une longue distance est donc possible (d’après Maxime Duvivier & al, 2013 : Real-time PCR quantification and spatio-temporal distribution of airbrone inoculum of Mycosphaerella graminicola in Belgium).

Et en situation traitée ?

Pour les situations traitées où de la septoriose est observée en F1 et où les F2/F3 saines, les éléments vus ci-dessus s’appliquent également. En plus de cela, il peut y avoir une interaction avec « la date de traitement / feuilles présentes au moment du traitement » et « l’écart de symptômes entre feuilles ».

Ces symptômes peuvent s’expliquer lorsque que la F1 n’a pas été protégée par un fongicide, lorsque les premiers traitements fongicides ont été réalisés fin avril juste avant la sortie de la dernière feuille, ou lorsqu’il y a eu un « trou » dans la protection entre un T1 précoce à 1-2N et un relais tardif à gonflement par exemple.

Dans ces situations, un traitement relais à épiaison-floraison peut être envisagé s’il n’a pas été réalisé encore.


Figure 3 : photos septoriose en F1 et F2 saine

Alexis DECARRIER, Philippe HAUPRICH (ARVALIS – Institut du végétal), Mélanie FRANCHE (ARVALIS – Institut du végétal)

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