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Quand les producteurs de lait reprennent leur autonomie

Marre de vivre une crise laitière, coincés entre transformation et distribution… Certains producteurs laitiers transforment leur ras-le-bol en énergie, et s’engagent pour construire leur propre filière.

La plus connue de ces filières laitières à l’organisation différente est sûrement le lait « c’est qui le patron », qui a profité d’un sacré buzz médiatique. Porté par Nicolas Chabanne, qui s’était déjà illustré avec ses « fruits moches » et autres « gueules cassées », le lait « c’est qui le patron » a été construit conjointement par des producteurs, voulant quitter Lactalis, et des consommateurs. Carrefour a cru au projet, comme la laiterie de Saint Denis l’Hôtel, qui travaille déjà sur 5 filières de lait chartés et a permis aux producteurs d’accéder à une ligne de conditionnement moderne sans avoir à investir dans son propre outil. Les consommateurs ont participé à l’écriture du cahier des charges en fixant leurs exigences (alimentation, bien-être animal…) mais aussi le prix qu’ils étaient prêts à mettre en face « pour une plus juste rémunération des producteurs ». Les consommateurs se sont dits prêts à payer 0,99 euros le litre quand le lait premier prix est vendu 0,69. Ce prix, dont la valeur ajoutée est partagée au sein de la filière, donne un prix de base à 365 euros les 1000 litres. Avec l’implication des éleveurs aux bénéfices des ventes, le prix minimum garanti est de 390 euros. Avec les bonifications selon les taux, le prix payé oscille entre 410 et 420 euros.

« D’autres valorisations des produits agricoles »

Il a fallu seulement 6 mois entre les premières rencontres et la mise en rayon de la première brique il y a 8 mois. « Nous avons écoulé 15 millions de briques en 8 mois », retrace Philippe Leseure. Aujourd’hui, le lait « c’est qui le patron » représente 1% du lait de consommation en France et une cinquantaine d’exploitations de la Bresse lui doivent un nouveau souffle dans la production laitière. Le lait « c’est qui le patron » est en plein développement. 150 nouveaux producteurs intégreront la démarche en janvier 2018. « Il y a 6 mois de délai entre le début de l’alimentation sans OGM et le début de commercialisation du lait », explique Philippe Leseure.

D’autres produits suivront. Toujours en écoutant les attentes des consommateurs, devraient être proposés d’autres produits laitiers (beurre, fromage blanc) mais aussi du jus de pomme, des œufs et même de la pizza. « Ça ne règle pas tous les problèmes de la filière mais ça y contribue, estime Philippe Leseure. Ça montre d’autres possibilités de valorisations des produits agricoles. »

Les briques Laitik, par des éleveurs indépendants

Autre démarche pour s’affranchir des filières classiques, celles de 54 producteurs bretons qui ont créé leur Sica « Lait’sprit d’éthique » qui commercialise les briques Laitik. Suite au rachat de leur laiterie par Sodiaal, une cinquantaine de producteurs a refusé de signer un engagement pour 5 ans à des conditions qui ne leur convenait pas. La laiterie leur a alors dit qu’ils avaient 18 mois pour trouver une solution avant l’arrêt de la collecte. 54 éleveurs ont décidé de créer leur propre filière pour travailler sans intermédiaire.

Faute de trouver un industriel prêt à leur assurer le ramassage et le conditionnement de leur lait en circuit court, les agriculteurs se décident à investir dans leur propre outil. Ils ont investi 6,5 millions – dont un quart sur leurs apports personnels – pour créer une laiterie à Trémorel (Côte-d’Armor). Les premières briques ont été vendues au début 2017, essentiellement en Bretagne pour coller à leur volonté de proximité. Déjà, les producteurs veulent se lancer dans des produits frais et des desserts lactés.

Dans la Bresse ou en Bretagne, nombreux sont les agriculteurs à vouloir se réapproprier le devenir de leurs produits, sans pour autant se lancer dans la vente directe. Seraient-ils en train de réinventer les coopératives d’il y a 50 ans ? Oui peut-être mais pour mieux renouer une consommation de proximité, pouvoir reprendre des décisions et faire entrer les consommateurs dans la danse.
 

En savoir plus : https://wikiagri.fr/articles/le-lait-cest-qui-le-patron-!-paye-390-euros-les-1-000-litres-par-lsdh/13140 (précédent article de WikiAgri sur le lait « c’est qui le patron ») ; https://wikiagri.fr/articles/le-lait-equitable-de-la-marque-du-consommateur/10390 (article d’Eddy Fougier sur la « marque du consommateur »).

Ci-dessous, illustration issue de Fotolia, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/109379283.

Ci-dessous, portrait de Philippe Leseure, directeur de la laiterie de Saint Denis l’Hôtel.

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