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Pour sauver ses salers, il transforme lui-même ses fromages

Christophe Freyssac est éleveur de salers dans le Cantal depuis toujours. Son credo ? Défendre la valeur laitière de cette race que beaucoup ont tendance à estimer comme n’étant que vouée à la viande. Mais dans un contexte difficile, la seule manière de continuer à y parvenir est de transformer soi-même ce lait en fromage.

Avec son épouse Patricia (déjà interviewée sur WikiAgri, liens à la fin de cet article), Christophe Freyssac est un ardent défenseur de la salers traite. Eleveur dans l’âme, il fait son métier consciencieusement, assure les valeurs génétiques d’une salers au lait si différent qu’il fournit des fromages renommés comme le salers bien sûr, et aussi le cantal.

Mais au fil du temps, sa passion ne rencontre plus la reconnaissance des défenseurs du terroir. Le fromage de salers ou celui de cantal sont désormais fabriqués avec du lait commun, qu’il vienne de vaches salers, ou de leurs lointaines cousines néerlandaises bien plus productives mais ô combien moins pittoresques, les prim’holsteins. Et voilà que le lait de salers de Christophe Freyssac se retrouve en concurrence directe avec celui des prim’holsteins : même prix payé par les fromageries, aucune valorisation par rapport à l’origine (la race), alors que, évidemment, les rendements ne sont pas les mêmes : on ne produit pas la qualité au même rythme qu’une pompe à lait, même si celle-ci répond à une certaine demande des consommateurs vers le toujours moins cher… Au passage, pour le consommateur, un fromage de salers ou de cantal acheté (relativement) peu cher dans une grande surface n’est plus, aujourd’hui, fabriqué avec du lait de la race salers. Il faut donc aller directement dans les fermes pour s’en procurer.

La seule manière de valoriser le lait de salers

La crise laitière, le Gaec Freyssac l’a prise de plein fouet. Le prix du lait en baisse vertigineuse, sans possibilité (ni vocation d’ailleurs) de produire plus pour combler un peu le déficit avec un troupeau adapté à une qualité et non à des fluctuations de quantité… Alors, du côté des Freyssac, on a réfléchi, et on s’est adapté, en réussissant au passage un tour de force vu le contexte, intégrer Anthony, le fils de 22 ans, dans le Gaec !

La solution ? Passer en vente directe ! « Avec le lait à 300 euros la tonne, et des fromages vendus 18 €, on multiplie par 6 le gain par rapport à une même quantité de lait« , calcule Christophe Freyssac. Ce qui signifie transformer soi-même le lait en fromage, l’affiner, le stocker, avoir un magasin de vente à la ferme, prospecter des clients… Et bien sûr, pour assumer tout ça, des investissements. « Le coût du laboratoire, explique-t-il, est de 150 000 €. Il existe des subventions pour cela, qui représentent 40 % du total. Il faut donc arriver à sortir 90 000 €, présenter le projet aux banques…« 

Pour le coup, le travail en plus ne manque pas : « Rien que pour les fromages, il faut compter 5 heures par jour« , comptabilise Christophe Freyssac. Ce qui n’est évidemment pas possible dans le cadre habituel, où lui-même et Patricia sont déjà occupés à 100 % par leur élevage et les traites. Mais justement, ce travail en plus correspond avec l’entrée dans le Gaec du fils, Anthony. La répartition du travail entre les trois membres du Gaec devient donc réalisable.

Deux années de paperasses avant le premier fromage

Mais il reste l’investissement. « 90 000 €, soit ma part à régler une fois les subventions perçues, c’est le prix d’un tracteur neuf« , reprend Christophe Freyssac, faisant comprendre ainsi qu’il ne faut pas se tromper, que le pari reste osé, même si, en définitive, pour préserver le travail d’éleveur de salers qu’il a accompli toute sa vie, il n’a guère le choix. « Au départ, c’est clairement un choix dicté par la situation économique.« 

Un choix loin d’être simple toutefois, et pas seulement en termes financiers. Entre le moment où il prend la décision d’aller dans cette direction et la sortie de son tout premier fromage affiné, il se passe quasiment deux années. « Beaucoup d’administration, la demande de subvention – au passage, toujours pas perçue, même si je sais que je vais finir par l’avoir – , une formation à suivre (Ndlr : fromager, c’est un nouveau métier, qui ne s’improvise pas), des demandes diverses et variées d’agréments…« 

A l’arrivée, d’authentique fromages de terroir

Aujourd’hui, il produit le lait, le transforme, affine de véritables fromages de cantal (de mi février à mi avril) et « tradition salers » (de mi avril à mi novembre). Des fromages, pas comme les autres, issus de vaches pas comme les autres non plus, et d’une famille d’éleveurs au diapason de cette originalité qui maintient aujourd’hui un authentique terroir sur un territoire qui en était riche à l’origine, mais qui comme les autres bascule dans une forme de standardisation.

Pour la commercialisation, les débouchés se trouvent à Paris, en passant par Rungis. Ce qui n’empêche pas de fournir aussi quelques restaurants ou autres épiceries fines en direct, il suffit de demander !
 

En savoir plus : https://wikiagri.fr/articles/il-etait-une-fois-une-agricultrice-aux-cheveux-couleur-salers/1025 (reportage de WikiAgri effectué en mars 2014 sur la ferme du Gaec Freyssac, cette fois pour interviewer Patricia Freyssac, qui défendait déjà les valeurs de la salers traite à une époque où la transformation fromagère n’était pas encore à l’ordre du jour chez elle).


Ci-dessous, Christophe Freyssac et ses fromages.

Ci-dessous, photo d’archives issue d’un précédent reportage montrant des salers de l’élevage du Gaec Freyssac.

1 Commentaire(s)

  1. une bonne décision courageuse mais au final un investissement durable pour sa passion travail , sa famille , ses salers ! bel article !

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