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Pédagogie, les étudiants deviennent acteurs de leur conduite d’exploitation

A chaque situation, une combinaison de leviers agronomiques existe de façon à atteindre un résultat optimal. A condition toutefois que les futurs professionnels agricoles (en l’occurrence ceux du lycée d’Auzeville, près de Toulouse) sachent remettre en cause les techniques paternelles, pas obligatoirement adaptées à tous les systèmes de culture. A chacun de trouver, pour son système, la juste pratique.

Sophie Rousval et Frédéric Robert sont enseignants au lycée agricole de Toulouse Auzeville. Ils ont développé une pédagogie fondée sur ces constats. L’exploitation, avec une SAU de 40 hectares, est un support idéal pour impliquer les étudiants de BTS Agronomie et productions végétales (APV) dans les prises de décisions.

Une adaptation progressive des systèmes de culture

En effet, les conditions pédoclimatiques sont complexes. Les sols sont très hétérogènes : principalement argilo limoneux, des zones sont aussi limono-argileuses à sablo-limoneuses. La pluviométrie est de 600 mm par an. Malgré la proximité du canal du Midi, l’irrigation n’est pas possible car le réseau est de mauvaise qualité. De plus en plus, le mois d’avril est froid et pluvieux tandis que l’été est sec. Tous ces éléments demandent une adaptation progressive des systèmes de culture.

« Avant la rénovation, les cours que nous dispensions étaient assez classiques, explique Sophie Rousval. On faisait la théorie en classe et on illustrait sur le terrain avec des observations. Les étudiants étaient passifs. En 2009, l’action pédagogique du plan Ecophyto (action 16), qui demande une optimisation des pratiques pédagogiques, est lancée. Parallèlement, nous entamons la rénovation du BTS, qui doit désormais aborder les cultures avec une vision systémique.« 

Ainsi, petit à petit, pratiques agricoles et pédagogiques évoluent l’une avec l’autre. L’idée consiste à tester de multiples leviers agronomiques sur des parcelles en essais pour éventuellement les transférer à l’ensemble de l’exploitation. Cette dernière compte 20 hectares en conventionnel et 20 ha en agriculture biologique. 10 hectares d’essais sont mis en place sur les parcelles en conventionnel : 3 hectares en « zéro pesticide », 2 essais désherbage sur blé dur et tournesol. Les principaux leviers mobilisés sont : la meilleure efficience des produits phytosanitaires (avec une diminution de 75 % des IFT) ; le désherbage mécanique, (diminution de 100 % des IFT, car associé à l’efficience des produits phytosanitaires) ; les stimulateurs de défenses naturelles pour diminuer l’usage des fongicides sur blé dur, associé au choix variétal et à une date de semis plus tardive pour éviter les premières attaques de champignons.

Réflexion en amont, puis observation

« Sur une parcelle, nous testons les biostimulants pour vérifier s’il existe une meilleure résistance au stress hydrique« , explique Frédéric Robert. Le biomistimulant foliaire vise à gérer l’évapotranspiration tandis que, au niveau du sol, il active la rhizogénèse et améliore l’activité biologique ce qui rend les éléments nutritifs plus disponibles. Le biostimulant devrait assurer une meilleure vigueur de la plante, donc un moindre recours aux pesticides.« 

Les produits sont testés avec une approche systémique. L’ITK entier est réfléchi : date de semis, variété, azote apporté. Lors de ma visite sur l’exploitation, les étudiants du BTS APV expliquent comment ils interviennent sur l’exploitation. « Nous effectuons les opérations techniques, comme le semis du tournesol aujourd’hui. Mais avant cela nous réfléchissons à la conception du système de cultures. Par exemple, comment faire pour abandonner totalement l’usage de produits phytosanitaires ?« , explique l’un d’entre eux.

L’observation des résultats est encore plus pédagogique lorsque les étudiants ont participé à la réflexion en amont. « Sur l’essai zéro pesticide, mis en place avec l’Inra, nous avons une rotation soja-blé dur-sorgho-tournesol-blé tendre. Les cultures d’hiver ont été envahies par les adventices alors que les cultures d’été étaient très propres après seulement un binage. L’effet rotation est évident« , illustre Sophie Rousval.

Pour Frédéric Robert, cette approche modifie la façon de concevoir le métier d’enseignant. « Maintenant, au-delà de la prescription et de l’évaluation, nous accompagnons. Alors que les élèves attendent une validation de notre part, nous reconnaissons devant eux que nous ne savons pas tout. A leur question « c’est juste, monsieur ? » on leur répond que c’est à eux de trouver les moyens de vérifier. C’est un peu déstabilisant pour les étudiants. » Mais ainsi ils apprennent davantage.

Peu à peu, la pédagogie s’est étendue aux agriculteurs du territoire. Ils sont aujourd’hui 40 à accueillir des essais sur leurs parcelles, grâce à un partenariat avec l’Agence de l’eau. « Les résultats obtenus sur les essais donnent aux agriculteurs une idée de l’efficacité de telle ou telle stratégie, explique Frédéric Robert. Temps de travail corrélé au nombre de jours disponibles, marge semi nette, IFT et indicateur i-phy (indicateur Inra prenant en compte la nature des produits phytosanitaires) : plusieurs critères nous permettent d’analyser les essais. Nous ne pouvons pas donner de résultat à l’échelle de l’exploitation agricole, mais ce n’est pas l’objectif. Nous sommes démonstratifs, et si les agriculteurs le souhaitent, ils transfèrent une technique sur leur exploitation.« 

Découvrir ou redécouvrir les différents leviers agronomiques et savoir comment les combiner dans une situation donnée : la dynamique est en marche en Haute-Garonne.

 

Photo ci-dessous : destruction mécanique d’un couvert végétal sur un essai mis en place par les BTS « agronomie productions végétales ».

Photo ci-dessous : les étudiants observent le sol lors de la destruction d’un couvert végétal.

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