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N’oublions pas que nous vivons au paradis

Même si l’on parle d’émergence des pays pauvres, la réalité reste pour une large partie de la population la misère et le malheur. En témoignent quatre histoires réelles qui se sont produites récemment et qui nous montrent à quel point a contrario nous vivons au paradis…

Le chanteur anglais Phil Collins interprétait en 1989 une chanson qui a eu un énorme succès et dont le titre était « Un nouveau jour au paradis ». Il parlait à l’époque des SDF, mais cela pourrait très bien s’appliquer à la situation vécue encore aujourd’hui dans les pays pauvres. On parle volontiers d’économies émergentes et de grand transfert des richesses vers ces économies, mais aussi d’une pauvreté extrême qui serait peut-être en voie d’extinction à terme. Mais au-delà des tendances et des chiffres que l’on peut trouver dans les rapports officiels, il y a de vrais êtres humains avec leur histoire singulière. Voici quatre histoires récentes, certaines sont connues, d’autres non, qui tendent à montrer que la misère conjuguée à la pesanteur de certains comportements et de certaines traditions continue de faire des ravages dans les pays pauvres.

La première se déroule en Inde, à New Delhi, le 16 décembre 2012. Jyoti Singh Pandey, une étudiante en kinésithérapie de 23 ans et son ami ingénieur en informatique âgé de 28 ans, sortent du cinéma. Ils montent dans un bus qui est quasiment vide. Seuls six hommes, chauffeur compris, se trouvent à bord. Ils semblent ivres. L’ami de la jeune femme est battu à coups de barres de fer, tandis que celle-ci est violée tour à tour par les six hommes, y compris le chauffeur. Ils sont ensuite jetés du bus et laissés pour mort sur le trottoir. L’homme est hospitalisé pour de multiples blessures. Depuis, il se déplace en fauteuil roulant. La jeune femme, elle, décède le 29 décembre des suites de ses blessures.

Ce viol collectif suscite alors un émoi considérable en Inde et soulève la question des violences dont les femmes sont victimes puisque un viol est signalé dans ce pays en moyenne toutes les vingt minutes. Une commission d’experts s’est même réunie à la demande du gouvernement indien afin de tenter de trouver des solutions pour mieux protéger les femmes contre les violences sexuelles. Une loi plus sévère pour les violeurs a été adoptée en mars 2013. Les auteurs de viols encourent désormais une peine d’emprisonnement d’au moins 20 ans et même la perpétuité, voire la peine de mort en cas de récidive et de décès de la victime. Dans l’affaire du viol collectif de décembre 2012, les quatre violeurs majeurs ont été condamnés à mort au mois de septembre, le violeur mineur, lui, a été condamné à trois ans d’emprisonnement, tandis que le chauffeur du bus s’était suicidé en mars.

Cette question du viol ne concerne malheureusement pas que l’Inde. En témoigne une étude des Nations unies parue en septembre 2013 dont les résultats sont assez édifiants. Il s’agit de l’une des premières études de cette ampleur menée sur le sujet. Elle a consisté à interroger plus de 10 000 hommes dans six pays de la région Asie-Pacifique (Bangladesh, Cambodge, Chine, Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée et Sri Lanka). Elle tend à montrer que, dans cette région, un homme sur dix admet avoir violé une femme qui n’était pas sa partenaire et un homme sur quatre, avoir violé son épouse ou sa conjointe. En Chine, par exemple, 22 % des hommes interrogés reconnaissent avoir déjà commis un viol.

La seconde histoire se déroule en octobre 2012, également en Inde, à Delhi. Pravartika Gupta, une jeune femme de 25 ans, est brulée vive dans sa chambre durant son sommeil avec son bébé âgé d’un an. Elle avait été menacée par sa belle-famille car sa propre famille n’avait pas les moyens d’accélérer le paiement de sa dot. Cette dernière s’était engagée sur le paiement d’une importante somme d’argent et sur l’achat d’une Honda City, mais sa belle-famille est soudain devenue plus exigeante et demande à sa famille de lui acheter également un appartement. Comme elle n’en avait pas les moyens, Pravartika Gupta l’a payé de sa vie.

Cette histoire est révélatrice d’une tendance à la fois ancienne et croissante de la société indienne. En septembre 2013 a été divulgué en effet le chiffre du nombre de femmes mortes en Inde suite à des disputes liées à une dot. Celui-ci s’établit à 8 233 pour 2012, soit une femme qui meure toutes les heures. La dot est une pratique ancienne consistant à attribuer des biens de la mariée à son futur époux afin de sceller leur union. Celle-ci est interdite en Inde, mais elle continue à se pratiquer et prend même une importance de plus en plus grande compte tenu de l’enrichissement du pays. De très nombreuses femmes sont ainsi tuées, notamment brûlées vives, par leurs époux ou leur belle famille car la dot n’a pas été honorée. Les autorités indiennes notent ainsi une augmentation constante de ces crimes ces dernières années, d’autant que les condamnations apparaissent plutôt rares.

La troisième histoire se déroule dans le Sud-Est du Nigeria en mai 2013. Une jeune nigériane est enceinte. Elle assiste médusée à une intervention musclée de la police dans le bâtiment dans lequel elle se trouve en compagnie de seize autres jeunes femmes et de onze bébés. Elle était tenue cloîtrée dans cet endroit où elle était nourrie une seule fois par jour. Elle s’était retrouvée enceinte, mais ne pouvait garder son bébé car elle n’était pas mariée et risquait d’être en conséquence exclue de sa communauté. Elle pensait qu’en s’adressant à cette « clinique », son bébé pourrait être adopté. Or, une fois qu’elle y a mis les pieds, elle n’a pas pu en repartir. Elle s’est retrouvée prisonnière dans des conditions extrêmement sommaires et à nouveau enceinte à plusieurs reprises, un homme de 23 ans passant régulièrement pour « féconder » les occupantes du lieu.

Cette jeune nigériane se trouvait en fait dans ce que l’on appelle plus communément une « usine à bébés » qui a été découverte en mai 2013. Dans ces « usines », les jeunes femmes qui sont détenues contre leur gré sont mises enceinte par un ou plusieurs hommes pour que les nourrissons soient ensuite vendus, selon des tarifs différents en fonction du sexe de l’enfant, pour une adoption illégale, mais aussi pour être utilisés comme travailleurs dans des plantations, des mines ou des usines ou comme prostitués ou même quelquefois pour être torturés et tués dans des rituels de sorcellerie. D’autres « usines à bébés » ont été découvertes au Nigeria en 2013. Le trafic d’être humains, et notamment d’enfants, est l’un des principaux fléaux du monde contemporain. Selon l’UNICEF, au moins dix enfants seraient ainsi vendus chaque jour au Nigeria.

La dernière histoire se déroule au Burkina Faso le 24 juillet 2013. Un jeune Burkinabé réussit à entrer clandestinement dans l’aéroport de Ouagadougou et surtout à atteindre un avion d’Air France qui se trouve sur la piste et qui doit s’envoler pour Paris. Il a le projet fou de se rendre en Europe de façon clandestine en se cachant dans la trappe du train d’atterrissage de l’avion. Il finit par y parvenir. Son corps a été retrouvé près de Niamey au Niger, ville d’escale du vol Ouagadougou-Paris. On ne sait pas vraiment ce qui a pu lui arriver, mais ce n’est pas la première fois que ce type de situation se produit. Or, dans ces cas-là, le clandestin meurt de froid en altitude et son corps tombe de l’avion lorsque celui-ci sort son train d’atterrissage. Le dernier décès similaire que la compagnie Air France a pu constater datait de 2007.

Le Burkina Faso est l’un des pays les plus pauvres du monde. Le nombre de clandestins qui meurent en tentant de fuir la misère dans leur pays est très élevé. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estime ainsi que plus de 15 000 clandestins seraient morts depuis 1988 en tendant de rallier l’Europe.

On peut se dire qu’après tout, qu’est-ce que l’on peut y faire et que nous aussi, nous avons nos problèmes. Mais, on ne doit tout de même pas oublier que, comme le chantait Phil Collins, « Pensez-y à deux fois, c’est un nouveau jour pour vous et pour moi au paradis ».

 

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