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Marchés des céréales, les facteurs haussiers et baissiers pour 2018 et au-delà

A Paris, s’est tenue la deuxième édition du Paris Grain Day organisée par Agritel. Une pléiade d’experts a dressé un panorama de la conjoncture de la filière céréalière de leurs pays dans un environnement mondialisé. D’où se dégagent quelques tendances pour les prochains mois.

Les pays du bassin de la Mer Noire et d’Asie du sud-est polarisent le fonctionnement des marchés des céréales pour de nombreux mois. La Russie, l’Ukraine et dans une moindre mesure, la Kazakhstan, la Bulgarie et la Roumanie sont « les greniers à blé » de la planète tandis que l’Asie du sud est le ventre du Monde.

Lors de la deuxième édition du Paris Grain Day organisée par Agritel le 26 janvier 2018, les experts internationaux invités ont présenté la situation céréalière et oléo-protéagineuse de leur pays dans un environnement mondialisé pour 2018 et pour la campagne suivante. A première vue, toutes les conditions sont réunies pour que les cours restent à leur niveau actuel pendant plusieurs mois, selon la majorité d’entre eux. Les stocks mondiaux de céréales sont très importants et sont suffisants pour compenser d’éventuelles baisses de production dans l’hémisphère sud, si El Nina reprenait de la vigueur et si des accidents climatiques survenaient (par exemple, des épisodes de sécheresse en Australie).

Mais en analysant les exposés des experts invités à Paris grain day, plusieurs indicateurs laissent entrevoir à la fois quelques éclaircies et quelques sombres perspectives.

Pourquoi les prix des céréales resteraient faibles

– Le cours de l’euro aggrave la faiblesse des prix des céréales en cette période d’abondance. Il a dépassé le seuil de 1,20 dollar. Même si un retour à la parité, les cours n’augmenteront pas proportionnellement, la de blé tonne sera néanmoins 15€ à 20 € plus chère.  

– Depuis 2015, le retour sur les marchés de l’Argentine, un grand pays producteur de blé, de maïs et de soja. Selon Juan Gear, expert argentin (Gear SA, Argentine), la baisse des taxes à l’exportation, jusqu’alors très dissuasives, rend dorénavant les cultures plus rentables. Entre 2015 et 2017, la production de blé a crû de 8 millions de tonnes (+ 60 %). Les deux tiers sont exportés pour moitié au Brésil et l’autre moitié dans le reste du monde. Ce retour sur les marchés s’ajoute à la croissance régulière des productions de grains dans les autres pays du sous-continent sud-américain. La production de soja fait un bon important en avant, en première et seconde récolte. L’amélioration des infrastructures ferroviaires réduira les coûts d’acheminement vers les ports et rendra donc les cultures éloignées plus rentables.

– Le bassin de la Mer Noire est l’abri des caprices du El Nina. Les températures plus élevées des trois dernières années semblent profiter aux cultures.  Aucun accident climatique n’a détruit massivement les champs de céréales et d’oléo-protéagineux. Tout porte à croire que cet hiver 2017/2018 n’endommagera pas non plus les cultures. En tête des pays exportateurs de blé, la Russie va conforter sa place cette année de leader. Au cours de son exposé au Paris Grain Day, Andrey Sivof (SovEcon, Russie) a rapporté que l’amélioration progressive des infrastructures russes  permet aux céréaliers d’échelonner davantage les livraisons vers les ports toute l’année. Il ne faut plus espérer une reprise saisonnière des cours en hiver dans les prochaines années.

Toujours dans le bassin de la Mer Noire, les productions d’oléagineux prennent de plus en plus d’importance. La Russie se lance dans la culture de soja (déjà 3 millions de tonnes récoltées par an actuellement). Le potentiel de production est très élevé. En Ukraine, la valeur de la production de graines de tournesol est déjà supérieure à celle de blé, alors que les surfaces cultivées sont beaucoup plus faibles.

Les éclaircies… Pas forcément à court terme

– A leur niveau actuel, les cours des céréales ne peuvent pas rester durablement faibles car les céréaliers ne couvrent pas leurs coûts de production dans de nombreux pays. Même en Russie, ils se plaignent des prix auxquels les céréales leur sont payées. Les coûts d’acheminement grèvent leurs marges. Aussi va-t-on assister et assiste-t-on déjà à des réorientations des cultures comme par exemple aux Etats-Unis où le soja est préféré au blé. Au final, quelques millions de tonnes de blé pourraient être produites en moins.

– Selon Jean-Yves Chow (Mizuho, Singapour), la Chine, l’Inde et plusieurs pays sud asiatiques se sont engagés dans la production de bioéthanol pour que les voitures polluent moins en circulant. La nouvelle stratégie industrielle de la Chine de réduction des émissions de gaz à effets de serre laisse entrevoir des importations massives de maïs, voire de céréales de substitution, pour être transformés en bioéthanol. Les premiers signes de cette transition écologique est le déstockage opéré en maïs, selon l’expert chinois. Mais la qualité des grains les soustrait en grande partie de toute utilisation alimentaire pour l’élevage. Aussi, les grains seront donc transformés en alcool. Cette transition écologique créera un appel d’air massif sur le marché mondial du maïs, en compétition avec le débouché de l’alimentation animale. Elle accroîtra les courants commerciaux entre pays exportateurs et importateurs. Par effet de dominos, les autres céréales ne seront pas en reste car leur emploi pour la production d’éthanol concurrencera les autres débouchés traditionnels. Comme pour le soja actuellement, tout ce qui serait produit en plus au niveau mondial pourrait être absorbé par l’empire du milieu. Plusieurs pays d’Asie du sud-est et l’Inde suivront le mouvement car la pollution urbaine est un fléau social et environnemental.

– Pour le blé, David Hightower (The Hightower Report, Etats-Unis), prévoit aussi, à moyen terme, le retour à une conjoncture plus favorable. D’ici 2020, la révision de la politique de convergence de la Chine, visant sa sécurité alimentaire, conduirait à un désengagement de du gouvernement en matière de prix sur le marché intérieur. Les paysans chinois se détourneraient alors de cette production et les volumes de blé produits en moins seraient importés. Cette nouvelle politique agricole impacterait durablement le fonctionnement du marché mondial du blé. Mais l’Empire du milieu a les moyens pour la financer car il détient des réserves financières colossales équivalentes aux dettes fédérales américaines. Pour le soja, l’embellie des importations chinoises se poursuivrait mais de façon moins prononcée que par le passé. Dans les élevages, l’amélioration des indices de consommation des animaux atténuera les besoins en tourteaux.


En savoir plus : http://www.parisgrainday.com (site internet de Paris Grain Day) ; @parisgrainday (compte Twitter).

En zone Mer Noire, les oléagineux (ici des tournesols) prennent de l’importance…

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