bovin viande

Les industriels de la viande détruisent de la valeur ajoutée aux dépens des éleveurs

Faute de compétitivité, les industriels de la viande détruisent de la valeur ajoutée aux dépens des éleveurs. En effet, la valeur ajoutée de l’activité de transformation de la viande est de 12 % en France contre 6,6 % en Allemagne alors que le taux d’investissement ne représente qu’un pour cent de leur chiffre d’affaires. Les différences de coût du travail n’expliquent pas tout.

7 %, c’est la rentabilité moyenne, sur 15 ans, des exploitations porcines et 1 %, c’est en équivalent du chiffre d’affaires, la capacité d’investissement des entreprises de transformation des industries de la viande.

Autrement dit, les producteurs de porcs sont performants pour rentabiliser les capitaux immobilisés de leurs exploitations. Selon l’Apca, « le taux de rémunération nette du capital dans les élevages porcins de 7 % est même assez proche de la moyenne nationale ». Toutefois, il est très variable d’une année sur l’autre car il dépend du marché européen du porc. Mais aussi de la pression des industriels pour maintenir à un faible niveau les prix des carcasses de porcs et de l’ensemble des animaux de boucherie. Ils cherchent en effet à avoir les moyens de capter la valeur ajoutée de leur activité de transformation aux dépens des éleveurs et de la rentabilité de leur exploitation.

Démonstration par l’économie

Une étude du ministère de l’agriculture intitulée Réalité des écarts de compétitivité dans les secteurs agricole et agroalimentaire liés au coût du travail avec certains pays européens, souligne que le taux de 1 % de leur marge brute d’exploitation, (EBE/CA – excédent brut d’exploitation rapporté au chiffre d’affaires) classe la France en dernière position (au passage, notons que, compte tenu de la lourdeur des données à traiter, ces études renvoient à des années antérieures à la crise actuelle mais leur analyse reste tout à fait d’actualité). En effet, la capacité des entreprises à investir équivaut à 2,2 % de leur chiffre d’affaires en Allemagne, en Italie ou en Belgique et même à 5,2 % en Pologne contre 1 % pour la France, comme mentionné ci-dessus.

Or dans le même temps, les soldes intermédiaires de gestion des entreprises de la transformation de la viande montrent que le ratio valeur ajoutée (VA) rapportée au chiffre d’affaires des entreprises, autrement dit la richesse créée par l’activité de transformation de la viande, est de 12 % en France contre 6,6 % en Allemagne par exemple.

Autrement dit, les entreprises françaises dégagent autant, voire plus, de valeur ajoutée que leurs concurrentes européennes grâce à la diversité de ses produits et à leur savoir faire. Mais cette valeur ajoutée ne profite pas à l’investissement pour rendre les entreprises plus compétitives et encore moins aux éleveurs en leur proposant des prix rémunérateurs ou en reversant des ristournes. Tout simplement parce que 92 % de la valeur ajoutée des entreprises françaises de la viande est destinée à rémunérer les salariés contre  87 % (avec la prestation de service) aux Pays Bas et 70 % en Allemagne.

Le coût du travail n’explique pas tout

Ce phénomène est encore plus important dans la filière volailles. La valeur ajoutée équivalait à 14,6 % du chiffre d’affaires des entreprises françaises en 2012 tandis que le taux de marge brute d’exploitation (EBE/CA) n’était que de 0,6 % contre 1,2 % en Allemagne et 3 % à 4,5 % dans les autres pays européens.

Or la comparaison des montants des soldes intermédiaires de gestion (EBE/CA, VA/EBE) des entreprises de ce secteur de la volaille montre que ces derniers ne sont pas toujours corrélés au coût du travail. Les entreprises belges et les néerlandaises s’en sortent mieux que les françaises, avec des coûts horaires plus élevés et un ratio VA/CA plus faible.

Au final, les auteurs de l’étude du ministère révèlent les problèmes structurels de gestion des entreprises françaises de l’industrie de la viande sans proposer de solutions pour y remédier. Comme si un médecin se contentait de faire le diagnostic de son patient sans lui fournir d’ordonnance pour se procurer les médicaments nécessaires pour se soigner…

Or sans compétitivité retrouvée, pas de croissance des entreprises et pas d’appel lancer aux éleveurs pour produire plus pour gagner plus!

Lait et bovins viande pas épargnés

Dans les autres filières viande, même causes, mêmes effets. Sinon, comment expliquer en partie la faible rentabilité des exploitations de bovins (1 % environ) alors que le taux de valeur ajoutée de l’industrie de la transformation est de 12 %.

Il est probable, là encore, que le faible niveau de compétitivité se répercute sur les producteurs et leurs exploitations en abusant de la mauvaise organisation des marchés des bovins viande. D’où le manque de volonté de la profession de généraliser la contractualisation entre les différents acteurs de la filière bovine car elle induirait un partage plus favorable de la valeur ajoutée au profit des éleveurs. Et au final, sans filet de sécurité, c’est la répétition de crises sanitaires cumulées à des problèmes de débouchés et à une concurrence exacerbée qui conduisent à une détérioration des ratios financiers de ces exploitations.

Ce phénomène est aussi perceptible en production laitière. Selon la Fnpl, les différences de prix du lait payé par des coopératives s’expliquent par des problèmes de compétitivité de ces dernières. Ce qui se traduit par des écarts de prix de près de 60 € par tonne de lait ! (lire articles en liens à la fin de celui-ci).

Structure du capital des exploitations porcines

La gestion d’un élevage de porcs et (de volailles) est assimilable à celle d’une petite entreprise. Mais le secteur se caractérise par une forte immobilisation de capitaux (environ 360 000 € en 2012 par exploitation) et par des recours à des prêts à courts terme importants, ce qui rend les exploitations structurellement fragiles.

L’étude réalisée par l’Apca montre que les exploitations d’élevage de porcins « se sont agrandies nettement entre 1995 et 2012 : le cheptel moyen est passé de 255 à 460 UGB en dix-sept ans (+ 81 %).  Leur capital productif (Immobilisations + BFR) progresse aussi, mais beaucoup moins vite (+ 41 %) ». Aussi, « l’agrandissement des exploitations se fait dans une économie de gains de productivité du capital ». Donc le besoin en fonds de roulement de ces élevages est toujours supérieur à leur fonds de roulement.

« L’élevage porcin est le seul secteur d’activité agricole où on observe ce déficit de ressources de long terme, analyse l’Apca. Dans toutes les autres orientations de production agricole, une exploitation qui serait dans cette situation de déficit de ressources de long terme, serait jugée en grande difficulté. Ici, dans le secteur porcin, ce déficit est structurel. »

 

En savoir plus : https://wikiagri.fr/articles/les-cooperatives-laitieres-europeennes-facturent-leur-manque-de-competitivite-a-leurs-adherents/7450 (les coopératives laitières européennes facturent leur manque de compétitivité à leurs adhérents) ; https://wikiagri.fr/articles/bien-gerer-son-exploitation-la-meilleure-assurance-revenu/7796 (bien gérer son exploitation, la meilleure assurance revenu).

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